Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2007, complétée par des mémoires enregistrés les 23 octobre et 14 novembre 2007, présentée pour Mlle Laaza X, demeurant chez M. Jean-Paul Y ..., par Me Bueb, avocat ;
Mlle X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700993 en date du 22 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 25 janvier 2007 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à l'autorité préfectorale de lui délivrer le titre de séjour prévu par l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'ensemble de ces décisions, subsidiairement d'annuler l'obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'ordonner une expertise génétique ;
4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de résident dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, cette injonction étant assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ; subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision attaquée ;
- la décision de refus de séjour comme l'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées en fait et en droit ;
- le préfet devait l'inviter à compléter son dossier s'il estimait les éléments de preuve insuffisants ;
- la commission du titre de séjour devait être consultée sur sa situation ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît le préambule de la Constitution, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; elle séjourne en France depuis 1997, ainsi que le montrent les documents produits ; elle entretient une relation durable avec M. Y, ressortissant français, depuis 2003 ; leur enfant est mort à la naissance le 16 juin 2006 ; elle est parfaitement intégrée à la société française ; elle n'a plus de liens avec sa famille restée en Algérie, qui la rejette dès lors qu'elle fréquente un non-musulman ; les prénoms Azza et Laaza sont indifféremment mentionnés sur les documents produits à la suite d'une erreur d'état civil ; l'obligation de quitter le territoire français est illégale pour les mêmes raisons ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu, enregistré le 1er octobre 2007, le mémoire présenté par le préfet du Bas-Rhin qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- la décision de refus de séjour , de même que l'obligation de quitter le territoire français, sont suffisamment motivées ;
- la commission du titre de séjour n'avait pas à être consultée ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît ni le préambule de la Constitution, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; elle ne démontre pas séjourner en France depuis 1997, ni n'établit la filiation entre M. Y et l'enfant mort à la naissance le 16 juin 2006 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2007 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,
- les observations de Me Bueb, avocat de Mlle X,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit :… 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus… » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreux documents produits à l'appui de la requête émanant de diverses administrations, de bailleurs, de sociétés d'assurance, de médecins et de relations de Mlle X, que celle ci est présente de façon continue sur le territoire français depuis 1997 ; qu'elle a poursuivi à Royan puis à Strasbourg des études de langue de niveau de deuxième cycle universitaire jusqu'en 2000 ; qu'elle vit en concubinage depuis 2003 avec M. Y ; que leur enfant est mort à la naissance le 16 juin 2006 ; qu'en dehors de ces liens affectifs, elle a tissé d'abondants liens personnels et est parfaitement intégrée à la société française ; que dans ces circonstances, les décisions attaquées ont porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que ces décisions ont ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article
6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'elles doivent par suite, sans qu'il soit nécessaire, en tout état de cause, d'ordonner l'expertise génétique sollicitée, être annulées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé» ;
Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mlle X dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, le titre de séjour auquel elle a droit en application des dispositions de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien ; qu'il n'est pas nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 22 mai 2007 du Tribunal administratif de Strasbourg et les décisions du préfet du Bas-Rhin du 25 janvier 2007 refusant à Mlle X la délivrance d' un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mlle X le titre de séjour auquel elle a droit en application des dispositions de l'article 6 de l'accord franco algérien modifié par le troisième avenant entré en vigueur le 1er janvier 2003, dans le délai maximum d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Laaza X et au ministre de l'immigration, de l 'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin
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07NC00740