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10/12/2007 | FRANCE | N°06NC00624

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2007, 06NC00624


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 avril 2006, complétée par un mémoire enregistré le 16 juin 2006, présentée pour la SOCIETE PONTARDIS, représentée par son représentant légal, ayant son siège Route de Dijon à Houtaud (25300), par la SCP d'avocats Jean-Jacques Gatineau ;

La SOCIETE PONTARDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301533 en date du 28 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 9 avril 2003 et de cell

e du ministre du travail et de la solidarité en date du 1er octobre 2003 refusant...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 avril 2006, complétée par un mémoire enregistré le 16 juin 2006, présentée pour la SOCIETE PONTARDIS, représentée par son représentant légal, ayant son siège Route de Dijon à Houtaud (25300), par la SCP d'avocats Jean-Jacques Gatineau ;

La SOCIETE PONTARDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301533 en date du 28 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 9 avril 2003 et de celle du ministre du travail et de la solidarité en date du 1er octobre 2003 refusant le licenciement de M. X ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la minute du jugement ne comporte pas l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés et notamment celui tiré d'un vice de forme en raison du défaut de motivation des décisions attaquées ;

- les poursuites disciplinaires ont bien été engagées courant décembre 2002 dans le délai de deux mois suivant la connaissance par l'employeur des faits incriminés le 29 octobre 2002 ;

- l'inspecteur du travail, le ministre et le tribunal ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la mesure de licenciement projetée à l'encontre de M. X n'était pas dépourvue de lien avec les fonctions représentatives et l'appartenance syndicale de l'intéressé ; les difficultés relationnelles que l'intéressé a rencontrées dans l'exercice de son mandat ne sont imputables qu'à son propre comportement, tant à l'égard de la direction qu'envers les autres membres du personnel ; M. X a transposé à l'égard de la direction de la SOCIETE PONTARDIS les rancoeurs nouées à l'encontre de l'ancienne direction de la société Houtaudis ;

- elle n'a pas eu à entraver l'«activisme syndical» de M. X, car si l'intéressé avait antérieurement assisté des salariés en conflit avec leur ancien employeur, sa saisine du Conseil des prud'hommes à son encontre au sujet du paiement d'heures supplémentaires, effectuées avant qu'elle ne reprenne l'entreprise, ne constituait qu'un litige personnel et non syndical ; l'allégation de l'inspecteur du travail relative à des problèmes récurrents d'entrave au comité d'entreprise n'est étayée par aucun fait précis ou procès-verbal d'entrave ; si l'intéressé cumulait effectivement des mandats à compter de 1999, il n'a pas réussi à se faire élire au comité d'entreprise alors pourtant que son syndicat obtenait la majorité dans un autre collège ; elle n'a jamais fait obstacle à l'exercice de son mandat malgré la gêne occasionnée par ses absences justifiées par ce motif, de 176 jours en 2000 et 155 jours en 2002 ;

- les difficultés relationnelles de M. X avec ses supérieurs et les collaborateurs placés sous son autorité sont dues à son comportement agressif et à ses enregistrements de réunions ou conversations qui ont contribué à instaurer une ambiance délétère au sein de l'entreprise, à l'inverse du rôle attendu d'un délégué syndical ; M. X est ainsi à l'origine de la démission de deux personnes, MM. Y et Z ; il a gravement diffamé la CFDT dans son tract distribué le 30 novembre 2002 et a été condamné par le juge pénal pour ce motif ;

- les primes de l'intéressé n'ont été établies que sur la base d'éléments objectifs portés à la connaissance de l'administration ; l'ensemble de l'équipe d'encadrement a attesté par écrit de ce que le montant de sa prime était directement proportionnel à son temps de travail, étant déduites ses nombreuses absences justifiées par des arrêts-maladie ; au demeurant ses primes ne pouvaient qu'être réduites, comme l'ont été celles de tous les salariés, étant liées aux résultats, en forte baisse depuis sa reprise de l'entreprise en 1999 ; par ailleurs, sa participation à la création de marge a été inexistante, de même que sa participation à la vie du magasin ;

- contrairement à ce qu'ont estimé l'administration et le tribunal, les conditions de travail de

M. X n'ont pas été irrégulièrement modifiées ; la nouvelle direction a pu à bon droit, après la reprise de l'entreprise en 1999, scinder le département «produits de grande consommation» en deux secteurs distincts, «épicerie-droguerie» et «liquides» et ne lui confier que la gestion de ce dernier secteur ; la stipulation de son contrat de travail indiquant que lui était confiée la responsabilité pleine et entière des rayons «DHP», «épicerie» et «liquide» ne constituait nullement une clause substantielle ne pouvant être modifiée sans l'accord préalable exprès de l'intéressé, dès lors que les autres stipulations de son contrat relatives à sa rémunération, ses horaires et sa position hiérarchique n'étaient pas modifiées ; cette modification n'a au demeurant été introduite que dans le but de le décharger d'un surcroît de travail, dont il s'était plaint, et de lui permettre de faire usage de ses heures de délégation ;

- elle a fait preuve d'une totale impartialité à l'égard de M. X, qui n'a été sanctionné qu'une fois, pour les enregistrements de ses collaborateurs ; elle n'a pas pris parti pour les autres salariés avec lesquels il a eu des altercations et en ce qui concerne l'incident survenu avec M. Y, ce dernier a démissionné avant que ne soit prise une sanction à son encontre ;

- elle n'a pas méconnu les prescriptions de l'article L. 122-44 du code du travail ; si la convocation à l'entretien préalable a été adressée à M. X le 23 janvier 2003, le tract litigieux avait été distribué par lui les 28 et 30 novembre 2002 et indiquait expressément qu'il continuait de procéder à des enregistrements pour tenter d'établir la discrimination syndicale et le harcèlement moral dont il prétendait être victime ; il avouait ainsi commettre les faits fautifs de façon continue au moins jusqu'à cette date et les dispositions de l'article L. 122-14 n'étaient pas opposables ;

- les fautes commises par celui-ci, qui entendait réitérer ses agissements, étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2006, présenté pour M. Habib X demeurant ..., par Me Aitali, avocat ; M. X conclut au rejet de la requête :

Il soutient que :

- l'appel est tardif et par suite irrecevable ;

- la simple expédition adressée aux parties n'avait pas à être signée ;

- il a souffert depuis l'arrivée de M. Gras à la tête de l'entreprise de discrimination à raison de son activité de délégué syndical ; le département dont il avait la responsabilité a été scindé et ses responsabilités diminuées, le transformant en simple chef de rayon ; cette mesure n'a eu d'autre objet que de sanctionner son refus de faire des heures supplémentaires non rémunérées et ses activités syndicales parce qu'elles lui prenaient plusieurs heures par mois ; le statut des délégués syndicaux impose que leur accord soit recueilli avant toute modification, même mineure, de leurs conditions de travail ; ses primes avaient commencé à baisser avant même qu'il ne soit arrêté plusieurs mois pour cause de maladie ; par ailleurs son salaire de base n'a plus progressé contrairement à celui des autres cadres ;

- l'employeur n'est pas intervenu quand il s'est fait insulter par M. B au cours de la réunion de direction du 3 mai 2002 ou dans les conflits l'ayant opposé à M. A ou à M. Y ; au demeurant plusieurs procédures disciplinaires ont été engagées qui n'ont pas abouti ; l'ensemble du comportement de son employeur est constitutif d'un harcèlement moral ;

- la requérante ne rapporte aucunement la preuve de la réitération des agissements fautifs dont elle fait grief au salarié ; les seuls faits avérés sont prescrits ou déjà sanctionnés disciplinairement ;

- le contenu du tract syndical distribué les 28 et 30 novembre 2002 ne prouve aucunement la continuation du comportement reproché ; il n'a pas été rédigé par lui mais par M. C, président de la section locale CFTC et ne peut donc comporter aucun aveu de sa part ; le jugement pénal intervenu dans l'instance engagée par la CFDT ne révèle que l'incertitude du juge quand à l'auteur du tract et l'autorité de chose jugée au pénal ne s'attache qu'au dispositif et pas aux motifs du jugement ;

- le licenciement ne peut reposer que sur un fait fautif avéré et pas sur la déclaration d'intention de le commettre ; le témoignage en ce sens de M. Y est de pure complaisance et destiné à lui nuire ; il n'y a donc aucune récidive démontrée ;

- son activité syndicale a été soutenue devant le Conseil des prud'hommes et pour dénoncer les dysfonctionnements du comité d'entreprise ;

- en le persécutant ainsi, l'employeur n'a, en fait, voulu que s'attirer la sympathie de la CFDT et satisfaire sa demande qu'il soit sanctionné ;

Vu en date du 26 juin 2006 la communication de la requête au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2007 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Besançon en date du 28 février 2006 a été notifié à la SOCIETE PONTARDIS le 3 mars 2006 ; que sa requête d'appel enregistrée moins de deux mois après cette date, le 28 avril 2006, n'était donc pas tardive ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; qu'il n'appartient pas à la Cour de rechercher elle-même si sont vérifiées les suppositions des requérants selon lesquelles la minute du jugement pourrait être dépourvue de signatures, mais qu'il incombe à ces derniers d'apporter au moins un commencement de preuve de leurs allégations ; qu'en l'absence de toute justification produite par les requérants ou d'indication ressortant des pièces du dossier, le moyen tiré de l'absence de ces signatures, qui n'avaient pas à figurer sur les expéditions notifiées aux requérants, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces de dossier de première instance que le moyen tiré d'un vice de forme résultant du défaut de motivation des décisions attaquées ait été soumis aux premiers juges ; que le moyen tiré d'une omission de statuer sur un moyen doit donc être écarté comme manquant en fait ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail : Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a, le 3 mai 2002, effectué un enregistrement, à l'insu des participants, des propos tenus lors d'une réunion de la direction de la SOCIETE PONTARDIS ; que ce comportement lui a valu une simple remarque verbale ; que le

17 octobre 2002, il a enregistré les propos de son collaborateur direct, M. A, également à son insu et a alors été mis à pied, pour une durée de trois jours, par décision du 29 octobre 2002 du directeur de la SOCIETE PONTARDIS ; que les 28 et 30 novembre 2002, M. X a distribué aux salariés de l'entreprise un tract intitulé «Quand la CFDT déraille», faisant part d'insultes et menaces dont il serait l'objet et énonçant : «c'est pourquoi, afin de rédiger des compte-rendus d'une grande fidélité Habib X a décidé d'enregistrer les auteurs de ces actes inadmissibles et les a avertis» ; que l'engagement des poursuites disciplinaires a débuté le 23 janvier 2003, par la convocation de M. X à un entretien préalable au licenciement ; qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, pour les fautes commises les

3 mai et 17 octobre 2002, au demeurant déjà sanctionnées, le délai de deux mois de l'article L. 122-44 du code du travail était dépassé lorsque les poursuites disciplinaires ont été engagées, d'autre part, que le tract distribué les 28 et 30 novembre 2002, s'il était susceptible d'être considéré comme injurieux à l'égard de la CFDT, ne pouvait être regardé comme démontrant à lui seul la réitération des enregistrements fautifs ; que dès lors, les faits reprochés étant soit prescrits, soit non constitutifs d'une faute disciplinaire, l'inspecteur du travail et le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité n'ont, en tout état de cause, commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en rejetant la demande dont ils étaient saisis d'autorisation de licenciement de M. X pour faute disciplinaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête susvisée de la SOCIETE PONTARDIS doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE PONTARDIS est rejetée.

Article 2: Les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PONTARDIS, au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité et à M. X Habib.

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06NC00624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00624
Date de la décision : 10/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : TERRYN AITALI ROBERT MORDEFROI SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-12-10;06nc00624 ?
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