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29/11/2007 | FRANCE | N°07NC01034

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2007, 07NC01034


Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2007, et complétée par un mémoire enregistré le 22 octobre 2007, présentée pour M. Stanislas X, demeurant ..., par Me Mengus, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701520 du 23 mars 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2007 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite

;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enj...

Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 2007, et complétée par un mémoire enregistré le 22 octobre 2007, présentée pour M. Stanislas X, demeurant ..., par Me Mengus, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701520 du 23 mars 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2007 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 .

Il soutient que :

- alors que l'arrêté de reconduite était visiblement destiné à être notifié par la voie postale, il ne l'a pas été avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 qui ne permet plus de prendre une telle décision par voie postale ; qu'à compter du 1er janvier 2007, le préfet devait donc attendre de prendre à l'encontre du requérant un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que l'arrêté lui ayant été notifié seulement lorsqu'il s'est présenté à la préfecture en vue de tenter de régulariser sa situation, en l'absence de toute décision de refus d'admission au séjour du même jour, il est dépourvu de base légale ;

- il ressort des décisions du préfet en date du 3 et du 4 juillet 2006 que les consorts X avaient fait une demande d'admission au séjour pour raisons médicales dès le mois d'avril 2006, ce que le tribunal n'a pas relevé ; que l'arrêté ne vise pas les dispositions de l'article L. 511-4 10° ni celles de l'article L. 313-11 11°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la situation d'un étranger malade ; que le préfet aurait dû saisir le médecin inspecteur de santé publique tant au stade du refus de titre de séjour qu'à celui de la reconduite à la frontière ; que cette carence entache d'illégalité les deux actes ; qu'en outre, l'arrêté de reconduite à la frontière doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du 4 juillet 2006 ;

- si la décision de refus d'admission au séjour, en date du 4 juillet 2006, oppose à l'intéressé qu'il aurait déjà déposé une demande d'asile sous un autre nom et une autre nationalité à la préfecture de la Moselle en 2004 ; que rien ne vient étayer cette allégation, dont l'administration n'a d'ailleurs plus jamais fait état dans les décisions postérieures ;

- la possibilité pour le requérant de se faire correctement soigner en Israël a été mal appréciée ; que dès lors que l'état dont souffre le requérant est lié à son vécu traumatique dans ce pays, il lui serait impossible de s'y faire soigner correctement ; qu'il est attesté que l'interruption des soins pourrait avoir des conséquences graves sur son état de santé ; que M. Stanislas X est d'ailleurs hospitalisé depuis le 2 octobre 2007 à l'Etablissement public de santé Alsace Nord de Brumath ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu par l'arrêté de reconduite à la frontière dès lors que le requérant n'a plus de famille ni en Ukraine ni en Israël et est arrivé en France précisément avec toute sa famille dont chaque membre est bien intégré ;

- la reconduite à la frontière porte également atteinte à l'intérêt supérieur de son neveu et de ses petits-fils tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la décision précisant que l'intéressé sera reconduit dans le pays dont il a la nationalité, en l'occurrence Israël, méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où les risques encourus en cas de retour dans ce pays sont trop importants ;

Vu le jugement, l'arrêté et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2007, présenté par le préfet du Bas-Rhin ; le préfet conclut au rejet de la requête au motif que les moyens ne sont pas fondés ; qu'en particulier, à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière, le requérant n'avait pas fait état de problèmes de santé et n'avait pas déposé de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'il ne l'a fait que le 28 mars 2007 ; que le médecin inspecteur a alors estimé que si des soins étaient effectivement nécessaires, ils pouvaient être dispensés dans le pays d'origine et que le voyage ne présentait aucun risque ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 8 juin 2007, admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Heers, président,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : «Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi» ; que l'article R. 511-1 du même code dispose : «L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22» ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 auquel il est ainsi renvoyé : «Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de la santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...)» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision du 4 juillet 2006 rejetant la demande d'admission au séjour présentée par le requérant, que le préfet avait connaissance à cette date de problèmes de santé mis en avant par l'intéressé ; qu'il est constant qu'il s'est néanmoins abstenu de saisir pour avis le médecin inspecteur départemental de la santé publique ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'étranger aurait déposé, sous deux identités différentes, et auprès de deux préfectures différentes, deux demandes d'asile, n'était pas de nature à dispenser l'administration de procéder à l'instruction régulière de la demande de titre de séjour présentée par M. X en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué, qui a été pris à la suite d'une procédure irrégulière, est entaché d'illégalité de même que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. Stanislas X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution» ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé.» et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas.» ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Bas-Rhin, d'une part, de délivrer à M. Stanislas X une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. X a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mengus, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, qui est dans la présente instance la partie perdante, la somme de 500 euros au profit de Me Mengus au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701520 du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 mars 2007, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 27 février 2007 prononçant la reconduite à la frontière de M. Stanislas X et la décision fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. Stanislas X une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 500 euros à Me Mengus, avocat de M. X, en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Stanislas X, au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement et au préfet du Bas-Rhin.

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N° 07NC01034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01034
Date de la décision : 29/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-11-29;07nc01034 ?
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