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15/11/2007 | FRANCE | N°05NC00795

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2007, 05NC00795


Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2005, complétée par les mémoires enregistrés les 21 avril 2006 et 1er février 2007, présentée pour la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER, dont le siège social est sis 14 rue des remparts à Munster (68140), par Me Thumser de la société d'avocats Fidal ; la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 30 mars 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge :

- des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés a

u titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 et de la contribution additionnel...

Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2005, complétée par les mémoires enregistrés les 21 avril 2006 et 1er février 2007, présentée pour la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER, dont le siège social est sis 14 rue des remparts à Munster (68140), par Me Thumser de la société d'avocats Fidal ; la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 30 mars 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge :

- des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 et de la contribution additionnelle de 10 % au titre de l'exercice clos en 1995 et des pénalités y afférentes mises en recouvrement le 31 décembre 1999 ;

- des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995 mis en recouvrement le 30 décembre 1999 ;

- des droits supplémentaires de taxes parafiscales des industries du textile et de la maille et des pénalités y afférentes pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995 mis en recouvrement le 30 décembre 1999 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations et droits en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a fait l'objet d'une troisième vérification de comptabilité et d'un emport irrégulier de documents ;

- les notifications de redressements et les réponses qui ont été faites à ses observations sont insuffisamment motivées ;

- la procédure de redressement n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a siégé dans une composition irrégulière ;

- la rencontre avec l'interlocuteur régional est entachée d'un vice de procédure ;

- l'administration n'apporte pas la preuve matérielle du caractère fictif des prestations de sous-traitance réalisées par les sociétés BTA Saint-Amarin et Blanchisseries et teinture de Thaon (BTT) ;

- il y a donc lieu de la décharger de l'ensemble des rehaussements notifiés en matière d'impôts sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe parafiscale de l'industrie textile et de la maille ;

- la provision pour dépréciation du stock est bien fondée ;

- il n'y a pas lieu de maintenir l'application des pénalités de mauvaise foi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 25 janvier et 30 août 2006, par lesquels le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la requérante n'apporte aucun élément tangible de nature à corroborer ses allégations relatives à une nouvelle vérification et à l'emport irréguliers de documents comptables ;

- les vérifications de comptabilité de la requérante et de la société BTA constituent deux procédures différentes totalement indépendantes ;

- les notifications de redressements sont suffisamment motivées dès lors qu'elles énoncent la nature et le motif des divers chefs de redressement, leur montant ainsi que les conditions dans lesquels ils sont opérés ;

- l'administration n'est tenue à aucun délai pour répondre aux observations du contribuable ;

- l'administration peut fonder ses redressements sur des renseignements qu'elle a recueillis auprès de tiers ;

- le service a adressé à la requérante l'ensemble des documents sur lesquels il s'est appuyé pour effectuer les redressements litigieux ;

- la composition de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'était pas irrégulière ;

- les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne sauraient affecter la régularité de la procédure d'imposition ;

- l'exigence d'une rencontre avec l'interlocuteur régional a été respectée ;

- la requérante ne justifie d'aucune manière la réalité des prestations, effectuées par les sociétés BTA et BTT, qu'elle a enregistrées dans ses charges ;

- la requérante se borne à réfuter le caractère probant des éléments recueillis dans le cadre de la procédure pénale ;

- le caractère fictif des opération de sous-traitance avec les sociétés BTA et BTT a été constaté par l'arrêt du 26 juillet 2000 de la Cour d'appel de Colmar ;

- la requérante n'a jamais pu justifier du bien-fondé de la provision pour dépréciation des stocks ni en préciser les modalités de détermination ;

- l'application de pénalités de mauvaise foi est justifiée ;

Vu l'ordonnance du 19 octobre 2005 par laquelle la présidente de la 2ème chambre de la Cour de céans a suspendu l'exécution des articles des rôles en date des 30 et 31 décembre 1999 contestés, jusqu'à ce qu'il ait été statué par la Cour sur la demande en décharge des impositions litigieuses, à raison des droits et pénalités rappelés au titre de l'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle de 10 %, de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe parafiscale des industries textiles et de la maille, correspondant à la réintégration en 1994 et 1995 de « charges fictives » à hauteur des sommes respectives de 3 353 439 francs et 7 404 792 francs, mis à la charge de la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 septembre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les nouveaux mémoires présentés pour la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER, enregistrés les 15 et 16 octobre 2007, soit après la clôture d'office de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2007:

; le rapport de M. Desramé, président de chambre,

- les observations de Me Thumser pour la société Fidal, avocat de la SA MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER,

; et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'existence d'une nouvelle vérification :

Considérant que, suite aux opérations de vérification qui se sont déroulées du 22 décembre 1995 au 11 juillet 1996, la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER a fait l'objet, le 30 juillet 1996, de deux notifications de redressement ; que, si la comptabilité de la société BTA Saint-Amarin Ennoblissement (BTA), partenaire commercial de la société requérante dont elle détient 15 % du capital, a également fait l'objet, du 23 octobre 1996 au 14 mars 1997, d'une vérification au cours de laquelle le vérificateur en charge du dossier a exercé son droit de communication auprès de la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER sur des documents relatifs aux travaux sous-traités à BTA et à l'organisation entre les deux entités, cette vérification est intervenue postérieurement aux notifications de redressement adressées à la société requérante ; qu'en outre, la réponse du service, en date du 10 août 1999, aux observations de celle-ci, et qui confirme les redressements opérés, ne tire aucune conséquence des opérations de vérification de la comptabilité de BTA mais se fonde, en ce qui concerne le caractère fictif des prestations de sous-traitance entre les deux entreprises, sur les documents obtenus dans le cadre de l'usage de son droit de communication auprès du parquet ; qu'ainsi la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait fait l'objet d'une nouvelle vérification de comptabilité irrégulière à l'occasion du droit de communication exercé dans le cadre des opérations de vérification visant la société BTA ;

En ce qui concerne l'emport irrégulier de documents :

Considérant, en premier lieu, que si la société requérante fait grief au service d'avoir, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société BTA, fait usage de documents provenant de sa propre comptabilité et qu'il se serait selon elle, procuré irrégulièrement lors des opérations de vérification dont elle a fait l'objet, elle n'apporte aucun élément tangible au soutien de ses allégations alors qu'il résulte au contraire de l'instruction que, le 14 mars 1997, dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la société BTA, le vérificateur a fait usage de son droit de communication auprès de la société requérante et a emporté six factures émises par l'entreprise de transport Werle ;

Considérant, en second lieu, que la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER, ne saurait en tout état de cause, se prévaloir d'éventuelles irrégularités commises dans le cadre d'une vérification de comptabilité d'un autre contribuable, pour contester la procédure dont elle a fait elle-même l'objet ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d'emports irréguliers de documents doit être écarté ;

En ce qui concerne la motivation des notifications de redressements et des réponses aux observations du contribuable :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être suffisamment motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (…) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée » ;

Considérant que les notifications de redressements adressées à la société requérante énoncent la nature et le motif des divers chefs de redressement, leur montant ainsi que les conditions dans lesquelles ils ont été opérés et que la réponse de l'administration du 10 août 1999 répond, point par point, aux observations du contribuable ; qu'ainsi elles sont suffisamment motivées au sens des dispositions précitées ; que si la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER reproche au service, d'une part, d'avoir employé les termes « quasi intégralement fictifs » et « principalement fictifs » pour qualifier les opérations facturées par les sociétés BTA et BTT et, d'autre part, le fait que le vérificateur n'a pas réintégré une facture déterminée dans les charges de l'exercice 1994, ces moyens, qui mettent en cause l'appréciation portée par le service sur la réalité de certaines opérations retracées en comptabilité, n'est pas relatif à la motivation, mais au bien-fondé de l'imposition ;

En ce qui concerne la violation du principe du contradictoire :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales relatives au délai dans lequel le contribuable doit faire parvenir sa réponse à la notification de redressement, ne fixent pas de délai à l'administration pour répondre aux observations du contribuable ; que le service a, le 10 août 1999, répondu aux observations de la société requérante, émises le 30 août 1996, et lui a donné les éléments obtenus dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, alors que la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est tenue le 15 décembre 1999 et que les mises en recouvrement des impositions supplémentaires ont été effectuées les 30 et 31 décembre 1999 ;

Considérant, en second lieu, que si la société requérante fait grief à l'administration de ne pas lui avoir restitué des documents emportés, le 14 mars 1997 dans le cadre de son droit de communication exercé lors de la vérification de comptabilité de la société BTA, il résulte de l'instruction, qu'elle n'a entrepris des démarches en vue de leur restitution que le 6 décembre 1999 ; qu'en tout état de cause, la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER avait la possibilité de faire état de l'existence et de la teneur desdits documents avant leur emport, notamment lors des observations qu'elle a adressées au service le 30 août 1996 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER n'a été privée d'aucune des garanties de la procédure contradictoire dont elle devait bénéficier ;

En ce qui concerne la régularité de la composition de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :

Considérant que la société requérante fait valoir que la présence de M.M Grün et Ferner en tant que membres de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 15 décembre 1999 est de nature à vicier l'ensemble de la procédure d'imposition au motif que les intéressés auraient participé à l'instruction du litige ;

Considérant que les vices de forme et de procédure dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, en conséquence, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite du redressement soumis à l'examen de la commission ; qu'ainsi le moyen tiré de l'irrégularité de la composition et de l'avis de la commission départementale des impôts doit être écarté ;

En ce qui concerne la rencontre avec l'interlocuteur régional :

Considérant que la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER reprend en appel le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas entamé avec elle un véritable dialogue lors de l'entrevue avec l'interlocuteur régional du 29 décembre 1999 ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient commis une erreur en écartant ce moyen par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toute charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) » ; que, si en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicable sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamées qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est à dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous les éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

Considérant que le service a remis en cause la réalité de prestations ayant donné lieu à des écritures de charges au titre de l'exercice clos en 1994 pour un montant total de 3 353 439 francs, soit 1 942 084,94 francs à raison de prestations de sous-traitance réalisées par la société BTA Saint-Amarin et 1 411 353,61 francs pour la société BTT, et au titre de l'exercice clos en 1995 pour un montant total de 7 404 792 francs, soit 4 572 816 francs pour la société BTA Saint-Amarin, et 2 831 976 francs pour la société BTT ; que si la régularité formelle des factures litigieuses n'est pas contestée par l'administration, il ressort des constatations de fait, qui sont le support nécessaire du dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 26 juillet 2000 rendu en matière correctionnelle et devenu définitif sur ce point, constatations qui s'imposent au juge administratif, que, à la suite de l'incendie accidentel survenu le 26 novembre 1994 dans les locaux de la S.A. MANUFACTURE HARTMANN, il a été faussement mis en place une facturation de sous-traitance fictive avec les sociétés BTA et BTT pour un montant respectif de 7 737 490 francs et 5 061 335 francs alors que pratiquement aucun des travaux n'a été réalisé par ces sociétés pour le compte de la société requérante ; que la circonstance selon laquelle, lors de la vérification effectuée au sein de la société BTA, le vérificateur a conclu à la régularité et au caractère probant de la comptabilité de cette entreprise ne saurait aller à l'encontre de ces constations de fait opérées par le juge pénal et de l'autorité de la chose jugée qui s'y attache ; que, par suite la S.A. MANUFACTURE HARTMANN n'est pas fondée à contester la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés des charges afférentes à certaines prestations que lui auraient rendues les sociétés BTA et BTT à la suite du sinistre du 26 novembre 1994 ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 39-1 5° et 38-3 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209-I du même code, que lorsqu'une entreprise constate que tout ou partie des matières ou produits qu'elle possède en stock a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté une provision pour dépréciation ; que pareille provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante ;

Considérant que la société requérante a constitué une provision d'un montant de 2 700 000 francs au titre de l'exercice clos en 1995 pour dépréciation du stock ; qu'elle a initialement proposé une évaluation de la valeur de son stock en ne retenant aucune dépréciation pour les produits standardisés en raison de leur utilisation courante, en retenant une décote de 80 % pour les produits mixtes qui sont d'usage peu courant et une décote de 90 % pour les produits spécifiques qui ne peuvent plus être utilisés ; qu'ultérieurement, et notamment devant la commission départementale des impôts, elle a procédé à une nouvelle évaluation de son stock au 31 décembre 1995 en relevant, d'une part pour chaque type de pièce en stock, le prix catalogue auquel a été appliquée une décote, catégorie d'article par catégorie d'article, pour tenir compte de leur valeur réelle, et en corrigeant, d'autre part, les erreurs de relevé des prix ;

Considérant que, si les décotes retenues par la société requérante sont constituées par un pourcentage du prix de revient appliqué de manière différenciée selon la catégorie de produits concernée et que les trois catégories retenues, classant les pièces selon leur degré de réutilisation, ne sont pas dénuées de tout lien avec les données tirées de sa propre exploitation, la S.A. MANUFACTURE HARTMANN n'apporte pas de précisions suffisantes d'une part sur les modalités de détermination de ces pourcentages et, d'autre part, compte tenu de la grande hétérogénéité et de la nature des produits et famille de produits, sur leur classement dans l'une ou l'autre catégorie ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner sa demande de correction d'erreurs matérielles dans l'évaluation des stocks ; la société requérante doit être regardée comme n'ayant pas évalué de manière suffisamment précise le montant de la perte de valeur des matériels dont elle dispose en stock et n'a pas justifié, par voie de conséquence, le montant de la provision constatant cette de perte de valeur ;

En ce qui concerne les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe parafiscale de l'industrie textile et de la maille :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II audit code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ;

Considérant, comme il a été dit, qu'il ressort des constations de fait qui sont le support nécessaire du dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 26 juillet 2000 que les factures, établies par les sociétés BTA et BTT en faveur de la S.A. MANUFACTURE HARTMANN et pour lesquelles le service a refusé à cette dernière le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 624 613 francs au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1994 et de 1 379 221 francs au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1995, correspondaient à des prestations fictives ; que, par suite, le service a pu légalement refuser à la société requérante le droit de déduire le montant de taxe sur la valeur ajoutée porté sur lesdites factures ainsi que les montants de taxe parafiscale de l'industrie textile et de la maille, en application des dispositions des articles 357 A à E de l'annexe II au code général des impôts, qui prévoient notamment en matière de droit à déduction l'application des mêmes règles que pour la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur le bien-fondé des pénalités :

Considérant qu'aux termes du 1° de l'article 1729 du code général des impôts : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant de liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (…) » ;

Considérant que si la société requérante fait valoir qu'elle n'est pas à l'origine de la mise en place de la sous-traitance fictive avec les sociétés BTA et BTT, elle ne pouvait, en tout état de cause, en ignorer l'existence ; que, dès lors, il y a lieu de maintenir les pénalités pour mauvaise foi, substituées par le tribunal aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A. MANUFACTURE HARTMANN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. MANUFACTURE HARTMANN MUNSTER et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

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N° 05NC00795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00795
Date de la décision : 15/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. Jean-François DESRAME
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-11-15;05nc00795 ?
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