La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2007 | FRANCE | N°05NC00563

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2007, 05NC00563


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 mai 2005, présentée pour Mlle Sophie X, demeurant ..., par Me Bedrossian, avocat ; Mlle X demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement en date du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Besançon à l'indemniser des préjudices résultant de l'intervention qu'elle a subie dans cet établissement le 28 novembre 1990 ;

2) de déclarer le centre hospitalier universitaire de Besançon responsable des dommages subis par

la requérante ;

3) d'ordonner une expertise complémentaire afin de déter...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 mai 2005, présentée pour Mlle Sophie X, demeurant ..., par Me Bedrossian, avocat ; Mlle X demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement en date du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Besançon à l'indemniser des préjudices résultant de l'intervention qu'elle a subie dans cet établissement le 28 novembre 1990 ;

2) de déclarer le centre hospitalier universitaire de Besançon responsable des dommages subis par la requérante ;

3) d'ordonner une expertise complémentaire afin de déterminer les préjudices subis par la requérante ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le bris des vis est une évolution naturelle, compte tenu des lésions présentées par la patiente, et ne peut être regardé comme ayant occasionné des rechutes, dès lors que la consolidation du bloc lombaire a été constatée en 1994 ; l'existence d'une pseudarthrose relevée notamment en 2002 confirme l'absence de consolidation lombaire ;

- la défaillance du matériel et le constat d'une pseudarthrose permettent d'engager la responsabilité sans faute de l'hôpital ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité à raison d'un défaut d'information alors que la patiente n'avait pas été informée des risques que comportait la mise en place du matériel d'ostéosynthèse ;

- une expertise complémentaire est nécessaire pour chiffrer les préjudices ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2005, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, représentée par son directeur en exercice, par Me Chenin, avocat ;

La caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse conclut à ce que la Cour ordonne un supplément d'expertise aux fins de déterminer le montant de la créance qu'elle détient à l'encontre du centre hospitalier universitaire de Besançon au titre des débours exposés au profit de la requérante et qu'elle ne peut chiffrer en l'état du dossier ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2005, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Besançon par Me Hennemann-Rosselot, avocat ;

Le centre hospitalier universitaire de Besançon conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de Mlle X à lui payer une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le tribunal a pu, à bon droit, écarter toute faute médicale du service public hospitalier ; par ailleurs, la requérante ne peut invoquer un défaut d'information alors qu'il n'est même pas allégué qu'une autre technique moins risquée était envisageable ;

- la responsabilité sans faute n'est pas susceptible d'être engagée car il n'y a pas eu défaillance du matériel mais évolution naturelle compte tenu des lésions initiales ; surtout, le lien de causalité entre la rupture des vis et les séquelles invoquées n'est pas établi ;

- enfin, la jurisprudence Bianchi n'est pas applicable au cas de la requérante car son état actuel est en rapport avec son état initial et il ne présente pas le caractère d'extrême gravité exigé par cette jurisprudence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les articles 1386-1 et s. du code civil ;

Vu la loi du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Braillard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse,

; et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mlle X, qui a présenté un enraidissement lombaire important avec des troubles sensitifs périphériques ayant rendu nécessaire une intervention en 2002 pour une cure de pseudarthrose des vertèbres lombaires L 3 et L 5, a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon à raison de ces séquelles qu'elle impute à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie au sein de cet établissement à la suite d'un accident de la circulation survenu le 19 novembre 1990 dans le cadre de son activité professionnelle ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg et dont les constatations ne sont pas sur ce point sérieusement contestées, que Mlle X présentait, lors de son hospitalisation en urgence, un grave polytraumatisme consistant notamment en un traumatisme crânien avec perte de connaissance, des fractures de plusieurs côtes, des contusions abdominales et thoraciques, une fracture du membre supérieur droit, ainsi qu'une fracture du rachis lombaire avec une fracture « tassement » de la vertèbre L 2 et une fracture comminutive de la vertèbre L 4 avec dislocation du corps vertébral ; que l'intervention visant à traiter les fractures du rachis lombaire sous la forme d'une laparotomie sous péritonéale avec mise en place d'une plaque latérale gauche avec greffe osseuse iliaque intéressant L 2 et L 4 a été effectuée selon les règles de l'art ; que, par suite, à supposer que la requérante ait entendu reprendre à hauteur d'appel le moyen tiré de la faute médicale qu'aurait commise l'opérateur lors du traitement des fractures affectant le rachis lombaire, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté sur ce point ses prétentions ;

Considérant, en second lieu, que l'état de santé de Mlle X nécessitait de manière impérative et urgente une intervention visant à réduire les fractures des vertèbres lombaires L 2 et L 4 et qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'il y avait une alternative thérapeutique moins risquée que l'intervention pratiquée ; que, par suite, à supposer même que l'équipe médicale ait omis d'informer la requérante des risques liés à une ostéosynthèse, cette circonstance n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chances pour l'intéressée de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'il suit de là que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à raison d'un défaut d'information ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; que les séquelles invoquées par la requérante ne peuvent être regardées comme étant sans rapport avec son état de santé initial ni avec son évolution prévisible ; que, par suite, sans même qu'il soit besoin de vérifier le caractère d'extrême gravité du dommage, la requérante ne saurait, en tout état de cause, rechercher sur ce terrain la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire de Besançon ;

Considérant, en second lieu, que sans préjudice d'éventuels recours en garantie, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise ;

Considérant que Mlle X fait valoir qu'à compter de 1994 des radiographies ont révélé la rupture des vis supérieures ainsi que le déplacement des vis inférieures de la plaque posée en 1990 et qu'elle a dû subir le 2 mai 2002 à l'hôpital de Garches, notamment en raison de la persistance de douleurs lombaires, une intervention chirurgicale pour cure de pseudarthrose affectant les lombaires L 3 et L 5 avec ablation du matériel d'ostéosynthèse posé en 1990 ; que, cependant, il résulte de l'instruction, et notamment de l'ensemble des certificats médicaux et compte-rendus produits au dossier, qu'un bilan radiographique réalisé le 5 décembre 1990 a permis de noter un requalibrage de bonne qualité du canal médulaire et qu'un bilan radiologique en mars 1991 a constaté la bonne stabilité du matériel d'ostéosynthèse ; qu'en raison de cette récupération neurologique satisfaisante permettant une marche normale, la requérante a ainsi pu reprendre ses activités professionnelles à la fin de janvier 1993 jusqu'à un nouvel arrêt de travail en raison de lombalgies ; que si les clichés radiographiques réalisés le 4 août 1994 révèlent une rupture des vis supérieures de la plaque de Sénégas, ils attestent cependant la consolidation du rachis lombaire ; que, dans ces conditions, eu égard à la consolidation du bloc lombaire au niveau de L 4, également constatée lors d'examens effectués en 1996 et 1997, ni la rupture des vis supérieures de la plaque d'ostéosynthèse ni le déplacement des vis inférieures, lequel est la conséquence d'une mobilisation du matériel résultant, selon l'expert, d'une « évolution naturelle » en rapport avec une reprise de mobilité des fractures initiales et avec les lésions initiales du rachis lombo-sacré, ne peuvent être regardés, en l'espèce, comme étant en relation de cause à effet avec la pseudarthrose affectant les vertèbres L 3 et L 5 et ayant occasionné des rechutes d'accident de travail ; que, dès lors, en l'absence d'un lien de causalité direct entre les défaillances du matériel d'ostéosynthèse invoquées par la requérante et les troubles présentés par l'intéressée et qui ont notamment rendu nécessaire une intervention en 2002, Mlle X n'est pas fondée à rechercher la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire de Besançon en raison de l'utilisation d'un matériel défaillant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Besançon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la requérante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans des les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du centre hospitalier universitaire de Besançon tendant au bénéfice desdites dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée de Mlle X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Besançon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Sophie X, au centre hospitalier universitaire de Besançon et à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse.

2

N° 05NC00563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00563
Date de la décision : 15/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP HENNEMANN DEMOLY ROSSELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-11-15;05nc00563 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award