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18/10/2007 | FRANCE | N°07NC00155

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 18 octobre 2007, 07NC00155


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2007, présentée pour M. Mohamed X, demeurant ..., par Me Mengus, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606312 du 28 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2006 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui

délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de réexaminer sa situation ;

4°)...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2007, présentée pour M. Mohamed X, demeurant ..., par Me Mengus, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606312 du 28 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2006 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de réexaminer sa situation ;

4°) de condamner l'état à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. X soutient que :

la décision du 25 octobre 2006 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté son recours gracieux contre sa décision du 23 janvier 2006 refusant de lui renouveler son titre de séjour est entachée d'illégalité, dès lors qu'il ne peut bénéficier en Algérie de soins appropriés à son état, que les avis du médecin inspecteur de la santé ne lui ont pas été transmis et que ces avis sont en contradiction tant avec les avis précédents du médecin inspecteur qu'avec ceux des docteurs Y et Z;

- il ne peut pas bénéficier de soins appropriés en Algérie et son état de santé justifie que lui soit fait application des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile ;

- les avis du médecin inspecteur de la santé des 7 octobre 2005 et 5 octobre 2006 ne sont pas suffisamment précis et circonstanciés et n'indiquent pas si l'intéressé peut voyager sans risque ; qu'ils sont contraires à un avis précédent du médecin inspecteur et aux avis des docteurs Y et Z;

- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien, modifié ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2007, présenté par le préfet du Bas-Rhin, tendant au rejet de la requête ; il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 juillet 2007, présenté pour M. X ; il conclut comme précédemment et fait valoir que :

- en se contentant de reprendre l'avis du médecin inspecteur sans justifier du fait qu'il pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet s'est estimé en compétence liée et a commis une erreur de droit ;

- ni le médecin inspecteur, ni le préfet du Bas-Rhin ne justifient de leur décision au regard des soins qui pourraient lui être administrés en Algérie et cela en dépit des dispositions de la circulaire ministérielle du 12 mai 1998 ;

- venant de perdre ses parents, il n'a par conséquent plus aucune attache dans son pays d'origine ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 8 juin 2007, refusant à M. X le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2007 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- les observations de Me Mengus, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête:

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : ( ... ) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. » ;

Considérant que M. X, de nationalité algérienne, souffre d'une pathologie psychiatrique causée par des menaces répétées de la part de terroristes en Algérie et par les séquelles traumatiques liées à un séisme survenu dans sa région en 2003 ; que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé pourrait entraîner, selon les avis du médecin inspecteur de la santé publique en date du 7 octobre 2005 et du 5 octobre 2006, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il appartient dès lors à l'autorité administrative de démontrer qu'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; qu'il ressort du rapport médical établi le 26 juin 2006 par un médecin agréé, psychiatre, pour l'examen de la demande de titre de séjour présentée par M. X que le traitement qui avait commencé en Algérie n'avait pas eu d'effet apaisant et que la durée de traitement à prévoir avant d'obtenir une amélioration suffisante pour envisager le retour de l'intéressé dans son pays d'origine est d' au moins un an, eu égard au risque actuel de décompression de son état psychique s'il devait retourner en Algérie ; que le médecin inspecteur de la santé publique a, dans son avis du 5 octobre 2006 rendu au vu du rapport du médecin agréé, affirmé au contraire que M. X pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, dès lors qu'après qu'un bilan médical ait été fait et un traitement mis en oeuvre, l'intéressé ne nécessitait plus que des soins de suite qui pouvaient être pris en charge tant par les praticiens médicaux que par les instances sanitaires de son pays d'origine ; que, par cet avis, le médecin inspecteur de la santé publique ne démontre pas que l'intéressé puisse, compte tenu de la nature et de la gravité de son affection, bénéficier, à la date de la décision attaquée, d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet du Bas-Rhin, qui reprend les termes de cet avis dans l'arrêté de reconduite à la frontière de M. X, a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros à M. X au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que les dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que l'autorité administrative délivre à l'étranger dont l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'elle ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au Préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 28 décembre 2006 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 29 novembre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

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N°07NC00155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 07NC00155
Date de la décision : 18/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-10-18;07nc00155 ?
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