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27/09/2007 | FRANCE | N°05NC00611

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2007, 05NC00611


Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2005, complétée par un mémoire enregistré le 27 avril 2007, présentée pour M. Thierry X, demeurant ..., par Me Crehange, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 17 mars 2005 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre de l'année 1996 pour un montant de 51 487 F et au titre de l'année 1997 pour un montant de 5 024 F ;

2°) de prononcer la décharge des

impositions susmentionnées ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 5...

Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2005, complétée par un mémoire enregistré le 27 avril 2007, présentée pour M. Thierry X, demeurant ..., par Me Crehange, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 17 mars 2005 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre de l'année 1996 pour un montant de 51 487 F et au titre de l'année 1997 pour un montant de 5 024 F ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 524,49 € au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative .

Il soutient que :

- la requête est recevable car elle critique les motifs du jugement attaqué .

- la décision du directeur des services fiscaux ayant rejeté les réclamations du requérant est irrégulière car dépourvue de motivation .

- cette décision est erronée en droit car elle considère que les frais de repas de l'exploitant sont des dépenses d'ordre personnel alors qu'il s'agit de frais professionnels exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et qui doivent être déduits, par conséquent, des résultats imposables ;

- la position de l'administration, qui se réfère à plusieurs réponses ministérielles, entraîne une rupture d'égalité entre, d'une part, les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux et, d'autre part, les salariés et les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux ; il faut faire application, en l'espèce, de la jurisprudence qui a étendu aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux la possibilité de déduire partiellement les frais de repas pris sur leur lieu de travail ;

- au surplus, l'instruction BOI 4 C-04, publiée le 24 juin 2004, applicable au règlement des litiges en cours, a transposé aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux les règles de déduction de ces frais admis pour les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux ;

- l'administration a fini par se rallier aux arguments du contribuable mais a refusé à tort de faire droit à la déduction intégrale des frais professionnels ; c'est donc à tort que le tribunal a limité la déductibilité des frais supplémentaires de repas exposés par le requérant lors de ses voyages à l'étranger alors que celui-ci est contraint de se déplacer sur des chantiers en Allemagne et en Belgique ; les frais supportés par le requérant sont assortis de justifications suffisantes ;

- s'il accepte le redressement relatif à la déduction en 1996 de charges concernant des exercices antérieurs, le requérant a cependant droit à l'abattement prévu en faveur des entreprises nouvelles au titre du bénéfice ainsi constaté ; l'administration ne peut pas se fonder sur les articles 53 A et 175 du code général des impôts dans une rédaction non applicable à l'époque des faits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2005, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de M. X ;

Il soutient que :

- en l'absence de critiques réelles concernant le jugement, la requête, qui reprend les termes du mémoire introductif de première instance, n'est pas recevable ;

- l'administration ayant admis que les frais de repas pouvaient être déductibles sous déduction du prix de repas à domicile et dans la limite de cinq fois le minimum garanti pour les salariés, le moyen du requérant relatif à la déduction de ces frais est inopérant ;

- une entreprise nouvellement créée ne peut pas, en application des dispositions combinées des articles 44 quinquiès et 53 A du code général des impôts, solliciter le régime d'exonération, qui ne s'applique qu'aux bénéfices qui ont été déclarés spontanément, dès lors qu'elle a omis de déclarer dans les délais légaux les bénéfices en cause, lesquels sont issus d'un redressement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2007 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 1995, 1996 et 1997, M. X, qui exploite à titre individuel une entreprise de montage de façades et de fenêtres depuis 1994, a fait l'objet de redressements au titre de l'impôt sur le revenu dû pour les années 1996 et 1997 correspondant, d'une part, au refus du service d'admettre la déduction des frais de repas du requérant exposés lors de ses déplacements et, d'autre part, à la réintégration dans les résultats imposables au titre de l'exercice clos en 1996 de charges se rapportant à des exercices antérieurs ; que le requérant relève appel du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 17 mars 2005 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre de l'année 1996 pour un montant de 51 487 F et au titre de l'année 1997 pour un montant de 5 024 F ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que la circonstance, au demeurant non établie, que les décisions du directeur des services fiscaux de la Moselle, en date du 20 décembre 2000, portant rejet des réclamations préalables formées par le contribuable seraient entachées d'une insuffisance de motivation, est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la déduction des frais supplémentaires de repas :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts relatif à la détermination du bénéfice industriel et commercial : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ; qu'il ressort des dispositions de l'article 39-5 du code général des impôts que les frais de déplacement et les frais de réception, y compris les frais de restaurant, sont au nombre des dépenses qui peuvent être réintégrées au bénéfice imposable dans la mesure où (...) la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'en particulier, peuvent être compris parmi les charges professionnelles déductibles, les frais de restaurant exposés par les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, à qui il appartient de justifier tant du principe que du montant de ces dépenses, non seulement à l'occasion de repas d'affaires ou de voyages professionnels, mais également à l'occasion de repas pris à titre individuel dans tous les lieux où s'exerce leur activité lorsque la distance entre ces lieux et le domicile fait obstacle à ce que le repas soit pris au domicile ; que, toutefois, le montant des dépenses en résultant doit être justifié, tenir compte des frais que le contribuable aurait dû engager s'il avait pris son repas à son domicile et ne doit pas être excessif mais rester dans les limites de frais à caractère professionnel ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, dont l'exploitation est située à Phalsbourg (Moselle), a porté en charge des frais de restaurant, dont ni le montant ni la réalité ne sont contestés, correspondant aux dépenses qu'il a engagées lorsqu'il travaillait sur des chantiers en Allemagne et en Belgique ; qu'après avoir initialement rejeté ces écritures au motif que les frais exposés par le contribuable en sa qualité d'exploitant individuel ne constituaient pas des frais professionnels exposés dans l'intérêt de son entreprise; mais uniquement des dépenses à caractère personnel, le service a, postérieurement à l'introduction de la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg, admis la déduction d'une fraction de ces dépenses dans la limite d'un montant, par repas, excluant, d'une part, la fraction du prix égale à une fois et demie le minimum garanti visé à l'article L. 141-8 du code du travail, et, d'autre part, la fraction excédant cinq fois ce même minimum, réputée représenter un caractère personnel ; qu'à cet effet, le service a retenu le montant du minimum garanti susmentionné, fixé à 17,95 F pour l'exercice clos en 1996 et à 18,17 F pour l'exercice clos en 1997 ; qu'il a, en conséquence, dégrevé les impositions litigieuses à due concurrence ;

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, en estimant que ne pouvaient pas être considérées comme nécessitées par l'exercice de la profession, ni la fraction des repas égale à une fois et demie le minimum garanti visé à l'article L. 141-8 du code du travail, qui est réputé correspondre au coût d'un repas à domicile, ni, en l'absence de circonstances particulières, la fraction excédant cinq fois ce même minimum, réputée présenter un caractère personnel, le service a fait une exacte application des dispositions précitées ; que, d'autre part, en se bornant à faire état de différences de taux de change sans apporter la moindre précision à l'appui de ses allégations, le requérant, qui supporte la charge de la preuve, ne prouve pas qu'il était dans l'impossibilité d'engager des frais ne dépassant pas le montant-plafond déterminé selon les modalités rappelées ci-dessus et ne justifie pas de circonstances particulières de nature à faire regarder la fraction des dépenses excédant ce montant comme revêtant le caractère de dépenses professionnelles ; qu'enfin, M. X ne saurait pas davantage se prévaloir d'une rupture d'égalité des contribuables devant l'impôt en invoquant l'existence de régimes d'imposition différents au regard de l'impôt sur le revenu, selon que le contribuable relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des traitements et salaires ou des bénéfices non commerciaux, dès lors que la différence de traitement alléguée résulte de l'application de la loi fiscale elle-même ;

Considérant, en second lieu, qu'à supposer même que le requérant ait entendu se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales de l'instruction BOI 4C-4-04 du 24 juin 2004, selon laquelle la déduction des frais supplémentaires de repas pris en dehors du domicile est admise, sauf circonstances exceptionnelles, à hauteur d'un plafond de 15,20 € pour l'année 2004 représentant la limite d'exonération des indemnités pour frais de repas applicable aux salariés, en déplacement professionnel, il ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l'interprétation du texte fiscal qu'elle contiendrait, dès lors que ladite instruction est postérieure à la date de mise en recouvrement ou de déclaration des impositions contestées ; que si le requérant fait valoir que cette instruction mentionne qu'elle s'applique au règlement des litiges en cours, cette instruction définit sa propre applicabilité dans le temps et ne saurait, dès lors être regardée sur ce point comme interprétant le texte fiscal constituant le fondement légal de l'imposition contestée ; que, par suite, M. X, qui au demeurant, ainsi qu'il a été dit plus haut, n'établit pas les circonstances exceptionnelles au sens de cette doctrine justifiant le dépassement du plafond qu'elle fixe, ne saurait valablement invoquer les énonciations de l'instruction précitée ;

Considérant qu'il suit de là que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance, rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des droits correspondant au redressement afférent aux frais supplémentaires de repas ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt (…) sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés (…) déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A ; qu'aux termes de l'article 53 A du même code : (…) Les contribuables (…) sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent (…) ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le régime d'exonération prévu à l'article 44 sexies n'est pas applicable aux bénéfices que le contribuable n'a pas déclarés dans les conditions et délais légaux, quels que soient les motifs de cette omission de déclaration ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a rattaché à l'exercice clos en 1996 des charges, pour un montant de 132 729 F, dont il est constant, en vertu des dispositions de l'article 38-2 du code général des impôts, qu'elles ne pouvaient être imputées qu'aux exercices 1994 et 1995 ; qu'après que le service a rehaussé les bases soumises à l'impôt sur le revenu au titre de l'exercice clos en 1996 du montant de cette somme et réduit par compensation le montant du bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 1995, le requérant, qui ne conteste pas le redressement opéré, a demandé le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts pour la fraction de son bénéfice imposable correspondant au montant du rehaussement susmentionné ;

Considérant, toutefois, que M. X n'a pas déclaré, dans les conditions légalement prévues, les bénéfices en cause ; qu'il s'ensuit que le service pouvait, à bon droit, lui refuser le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ; qu'enfin, le moyen du requérant tiré de ce que l'administration aurait fait une application rétroactive des dispositions de l'article 55 A et 175 du code général des impôts n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au requérant la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thierry X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

6

N° 05NC00611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00611
Date de la décision : 27/09/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MUTTER - CREHANGE - HUBERT - BERTRAND - TUFFA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-09-27;05nc00611 ?
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