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27/09/2007 | FRANCE | N°05NC00389

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2007, 05NC00389


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2005, complétée par mémoire enregistré le 12 mars 2007, présentée pour la SOCIETE TOULOKOWITZ, ayant son siège 41 avenue Galliéni à Sainte-Savine (10300), représentée par son président-directeur général, par Me Eyssautier, avocat inscrit au barreau des Hauts-de-Seine ; la SOCIETE TOULOKOWITZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 18 janvier 2005 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociét

s et contribution de 10% auxquelles elle a été assujettie au titre des exercice...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2005, complétée par mémoire enregistré le 12 mars 2007, présentée pour la SOCIETE TOULOKOWITZ, ayant son siège 41 avenue Galliéni à Sainte-Savine (10300), représentée par son président-directeur général, par Me Eyssautier, avocat inscrit au barreau des Hauts-de-Seine ; la SOCIETE TOULOKOWITZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 18 janvier 2005 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contribution de 10% auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 2 500 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'activité de M. X en tant qu'agent commercial de la Sarl Pajalefi n'était pas dissociée de son activité de PDG de la société requérante ;

cette affirmation est d'ailleurs contradictoire avec le constat fait par le tribunal de la réalité des prestations d'agent commercial effectuées par la société Pajalefi en la personne de M. X ;

- contrairement à ce que prétend le tribunal, la circonstance que la société Pajalefi n'a pas rémunéré M. X pour son activité d'agent commercial ne signifie pas que les sommes ne correspondent pas à des prestations commerciales fournies à la société requérante ; l'absence de rémunération de ce dernier relève d'une décision de gestion de la société Pajalefi, qui limite ainsi ses charges sociales, et d'un choix personnel de l'intéressé en matière d'impôt sur le revenu ;

- l'argumentation du ministre sur la charge de la preuve est inopérante dès lors que le contentieux porte ici sur l'opportunité de l'engagement de la dépense et non de sa réalité ; la charge de la preuve du caractère anormal d'un acte de gestion incombe à l'administration fiscale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 août 2005, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de la SOCIETE TOULOKOWITZ ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ; le contribuable doit justifier de la réalité des écritures de charges et l'acte anormal de gestion est établi ;

Vu l'ordonnance du 27 février 2007 fixant la clôture de l'instruction au 16 mars 2007 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Renard pour la CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat de la SOCIETE TOULOKOWITZ,

; et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 août 1995, 1996 et 1997 visant la SOCIETE TOULOKOWITZ, qui exerce une activité de négociant en mobilier de bureau, l'administration fiscale a, d'une part, réintégré dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés le montant des prestations commerciales facturées à la requérante par la société Pajelefi et d'autre part refusé à la société requérante le droit de déduire la TVA grevant ces mêmes prestations ; que par jugement du 18 janvier 2005, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions en matière d'impôt sur les sociétés à concurrence du dégrèvement de 9 385,67 € accordé en cours d'instance, rejeté le surplus de la demande de la SOCIETE TOULOKOWITZ tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er septembre 1994 au 31 août 1997 et, d'autre part, à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contribution de 10% auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 ; que, compte tenu des termes dans lesquels sont énoncées les conclusions d'appel de la SOCIETE TOULOKOWITZ, celle-ci doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement seulement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contribution de 10% ;

Considérant d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toutes natures faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que d'autre part, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal, sous réserve, toutefois, du respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ; qu'enfin, lorsque l'acte de gestion contesté se traduit en comptabilité par une écriture portant sur des charges de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du code général des impôts et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à l'article 38 du même code, il appartient au contribuable de justifier dans son principe comme dans son montant de l'exactitude de l'écriture dont s'agit ; qu'il apporte cette justification par la production de tout élément suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retiré ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause est dépourvue de contrepartie ou qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou encore que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant que pour estimer que l'administration apportait la preuve que les sommes facturées par la société Pajalefi à la société requérante ne correspondaient pas à des prestations de la société Pajalefi, le tribunal s'est fondé sur ce que l'activité de M. X en tant qu'agent commercial de la Sarl Pajalefi n'était pas dissociée de son activité de PDG de la société requérante et sur la circonstance que la société Pajalefi n'avait pas rémunéré M. X pour son activité d'agent commercial ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que jusqu'au terme de l'exercice clos le 31 août 1995, M. X assurait, au sein de la SOCIETE TOULOKOWITZ, un mandat de président directeur général de la société pour laquelle il percevait une rémunération mensuelle fixe de 900 F et y exerçait en outre les fonctions de représentant de commerce pour lesquelles il percevait une rémunération comprenant notamment une part forfaitaire égale à 2% du chiffre d'affaires ; que M. X a décidé de créer, en association avec son épouse, la Sarl Pajalefi dont l'objet social est notamment d'effectuer pour le compte de la SOCIETE TOULOKOWITZ, son unique client, divers travaux d'ordre administratif, comptable et commercial ; qu'à cette fin, les salariés de la SOCIETE TOULOKOWITZ affectés aux services administratifs et commerciaux ont été repris par la nouvelle société tandis que M. X a continué d'assurer des prestations de représentant de commerce au profit de la société Pajelefi sans toutefois être rémunéré par celle-ci ;

Considérant qu'il est constant que les coûts de revient de ces salariés, soit les salaires et les charges sociales y afférentes, ont alors été refacturés à la société requérante avec une marge commerciale dont le service a reconnu le caractère normal ; que par ailleurs la requérante a produit au cours de la procédure de contrôle et devant le tribunal, un récapitulatif chiffré de l'ensemble des bons de commandes prises personnellement par M. X au cours des exercices vérifiés d'où il ressort que l'intéressé a apporté 2,5 à 3 millions de francs de chiffre d'affaires par an à la SOCIETE TOULOKOWITZ ; que ces justificatifs, dont la validité n'est pas contestée, attestent ainsi la réalité des prestations commerciales assurées par la société Pajelefi au profit de la société requérante ainsi que la valeur de la contrepartie que celle-ci en a retirée ; que les prestations commerciales en cause ne sauraient, eu égard à leur nature, faire double emploi avec les prestations d'assistance administrative susmentionnées assurées par les anciens salariés de la SOCIETE TOULOKOWITZ transférés à la société Pajelefi ; qu'il s'ensuit que la somme versée par la société requérante à la société Pajelefi au titre des prestations commerciales effectuées par M. X ne saurait être analysée comme un complément du prix des prestations administratives dont s'agit ; que ces prestations ne sauraient pas davantage être regardées comme faisant double emploi avec les attributions et les fonctions de représentation assumées en qualité de président directeur général par M. X et pour lesquelles il a conservé au cours des exercices vérifiés une rémunération identique ; que si l'administration relève que M. X n'a pas été rémunéré par la société Pajalefi, cette circonstance, qui résulte d'une décision de gestion de ladite société et d'un choix personnel de celui-ci en tant qu'associé, est par elle-même sans incidence sur la réalité du service rendu par la société Pajalefi à travers les prestations commerciales assurées par ce dernier ; que dès lors la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le service a estimé que les prestations commerciales effectuées par la société Pajalefi étaient dépourvues de contrepartie réelle ; qu'enfin, à supposer même que le service ait entendu invoquer l'absence de proportion entre le montant de la rémunération des prestations commerciales et le service rendu, il n'apporte pas d'élément précis permettant de déterminer la fraction de cette rémunération qui serait excessive au regard des pratiques commerciales habituelles alors d'ailleurs qu'il est constant que le montant total de la rémunération versée par la SOCIETE TOULOKOWITZ à la société Pajelefi est identique à celui qui avait été initialement versé à M. X avant la création de cette dernière et dont le service n'a pas contesté qu'il correspondait à une rémunération normale au regard du chiffre d'affaires apporté ; que dans ces conditions, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'administration fiscale ne peut être regardée comme apportant la preuve que la rémunération des prestations commerciales dont s'agit serait contraire à l'intérêt propre de la société requérante et, par suite, constitutive d'un acte anormal de gestion ; que, dès lors, la SOCIETE TOULOKOWITZ est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contribution de 10% auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 ; qu'il y a lieu de réformer le jugement dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE TOULOKOWITZ une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SOCIETE TOULOKOWITZ est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et contribution de 10% auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 à concurrence du montant des impositions subsistant après le dégrèvement susmentionné d'un montant de 9 385,67 €.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article ci-dessus.

Article 3 : L'Etat versera à la société la SOCIETE TOULOKOWITZ une somme de 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux ETABLISSEMENTS PIERRE TOULOKOWITZ et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N° 05NC00389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00389
Date de la décision : 27/09/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-09-27;05nc00389 ?
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