Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2006, présentée pour M. André-Valéry X, demeurant ..., par Me Frédérick, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-03435 en date du 21 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Agolsheim à lui verser la somme de 17 030,74 €, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2001, en règlement du marché de maîtrise d'oeuvre conclu pour les travaux de rénovation et d'extension de l'église de la commune ;
2°) de condamner la commune d'Agolsheim à lui verser la somme de 19 129,39 €, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2001, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés par année entière ;
3°) de condamner la commune d'Agolsheim à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) d'enjoindre à la commune d'Agolsheim de verser les montants mis à sa charge dans un délai maximal d'un mois à compter du jour de l'arrêt à intervenir à peine d'astreinte d'un montant de 300 € par jour de retard ;
M. X soutient que :
- la commune n'a jamais adressé de décompte au titulaire du marché, ce qui s'oppose à l'application de l'article 12-31 du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles » ;
- il faut admettre que, par application de l'article 33 du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles », le décompte non contesté de l'exposant n'ayant pas fait l'objet d'une décision de rejet régulièrement notifiée a emporté, de facto, acceptation d'office de la demande de rémunération de ses prestations ;
- s'agissant de travaux publics, aucun délai n'est applicable ;
- les délais de recours ne sont applicables que s'ils ont été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;
- le CCAP reconnaît le caractère ajustable et révisable de la rémunération du titulaire du marché, ce qui autorise le paiement des prestations supplémentaires qu'il a été obligé d'accomplir du fait du prince, par suite des modifications unilatérales imposées par la commune ;
- le cocontractant a le droit d'être indemnisé en cas d'augmentation de la masse des travaux sur le double fondement du bouleversement économique du contrat et de la théorie de l'enrichissement sans cause ;
Vu le mémoire en défense, enregistré les 30 avril et 3 mai 2007, présenté pour la commune d'Agolsheim par Me Soler-Couteaux, avocat ; la commune d'Agolsheim conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune d'Agolsheim soutient que :
A titre principal :
- la personne responsable du marché n'est tenue de notifier le décompte arrêté que dans l'hypothèse où elle est conduite à modifier le projet qui lui a été adressé ;
- en l'espèce, la commune avait d'ores et déjà rejeté la demande tendant à l'augmentation de la rémunération et à la négociation d'un nouvel avenant ;
- la commune avait pour seule obligation d'informer son cocontractant de ce qu'elle refusait son projet de décompte, ce qu'elle a fait par courrier du 14 janvier 2002 ;
- les articles 32 et 33 du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles » étant relatifs aux vérifications et à la réception des prestations du marché et non à son règlement financier, le requérant ne peut s'en prévaloir ;
- les règles générales de procédure administratives sont inapplicables à l'espèce ;
- il résulte de l'article 40 du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles » que le juge ne peut être valablement saisi d'un différend entre le titulaire du marché et la personne responsable de celui-ci qu'à la condition que le contentieux ait été lié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- le requérant n'est pas fondé à invoquer indifféremment deux fondements juridiques distincts dans le cadre d'un recours ;
A titre subsidiaire :
- il ressort clairement des stipulations du marché que la rémunération est établie sur la base du seul coût réel des travaux sans prise en compte du montant réel et effectif des travaux ;
- un nouveau forfait de rémunération n'était possible que dans l'hypothèse où le maître de l'ouvrage est conduit à procéder à des modifications substantielles dans la consistance du projet, ce qui n'est pas le cas ;
- contrairement à ce qui est soutenu, il n'y a pas eu bouleversement de l'économie du contrat ;
- le paiement de travaux supplémentaires dans le cadre d'un marché à forfait est subordonné à la circonstance que ces travaux se situent hors marché et qu'ils aient présenté un caractère indispensable ;
A titre très subsidiaire :
- le requérant n'établit pas la réalité de son préjudice en ne produisant aucune pièce permettant de le chiffrer et en n'en justifiant pas le mode de calcul, son chiffrage ayant évolué aux différents stades du contentieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été réguliérement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2007 :
; le rapport de Mme Monchambert, président,
- les observations de Me Brignatz, pour la SCP Soler-Couteaux/Llorens, avocat de la commune d'Algolsheim,
; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un acte d'engagement notifié le 30 juin 2000, la commune d'Algolsheim a confié à M. X, architecte, la maîtrise d'oeuvre des travaux de rénovation de l'église protestante de la commune moyennant un forfait de rémunération fixé à 342 240 FHT (52 174,15 € HT) correspondant à un marché de travaux chiffré à un montant de 2 480 000 FHT ; qu'au cours de l'exécution, le projet a subi plusieurs modifications qui ont fait l'objet d'avenants soumis à la commission d'appel d'offre, portant ainsi le montant du marché de travaux à 3 779 675,38 F TTC ; que ces travaux ont été réceptionnés sans réserve le 5 décembre 2001 ; que M. X fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Agolsheim à lui verser la somme de 17 030,74 €, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2001, en règlement d'un complément d'honoraires qu'il estime lui être dû à raison de l'augmentation du montant des travaux résultant de la conclusion de différents avenants entre la commune et les entreprises intervenantes ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 12-31 du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles » applicable au marché : « Après réception, selon les stipulations du chapitre V, des prestations faisant l'objet du marché ou, si le marché est fractionné, d'une phase assortie d'un paiement partiel définitif, le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu. Si le projet de décompte, malgré une mise en demeure formulée par la personne responsable du marché, n'a pas été produit dans un délai de trois mois à partir de la réception des prestations, la personne publique est fondée à procéder à la liquidation sur la base d'un décompte établi par ses soins. Celui-ci est notifié au titulaire » ; que, d'autre part, aux termes l'article 12-32 du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles » applicable au marché : « Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. A l'occasion de la notification du montant du solde et des paiements partiels définitifs, le titulaire n'est admis à présenter aucune réclamation sur les pénalités, sur les révisions ou actualisations de prix pour lesquelles il a donné son acceptation ou qu'il est réputé avoir acceptées à l'occasion de la notification de décomptes. » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, s'appuyant sur le montant du projet de décompte des travaux exécutés pour un montant 3 156 859,70 F H.T. qu'il a établi le 25 septembre 2001, M. X a adressé à la commune d'Agolsheim, le 1er octobre 2001, une demande tendant à la conclusion d'un avenant au marché de maîtrise d'oeuvre dont il était titulaire en exposant que la rémunération définie par l'acte d'engagement représente la rémunération provisoire assise sur le coût prévisionnel des travaux et qu'il convenait de l'ajuster au coût réel, en précisant alors qu'il acceptait de limiter le supplément d'honoraires à 34 560,64 FHT ; que, faute de réponse à sa proposition d'avenant, le maître d'oeuvre a adressé à la commune, le 8 janvier 2002, conformément aux stipulations de l'article 12-31 du cahier des clauses administratives générales « prestations intellectuelles », son projet de décompte définitif établi sur la base du contrat initial et du supplément d'honoraires qu'il a alors arrêté à la somme de 116 510,59 F (17 761,92 €) ; que si, en réponse à ce décompte final, la commune d'Algolsheim lui a notifié, le 14 janvier 2002, la délibération en date du 23 novembre 2001, par laquelle son conseil municipal a refusé de lui verser une rémunération d'un montant supérieur à la rémunération forfaitaire initiale de 334 740 FHT, cette notification ne pouvait tenir lieu, ainsi que le soutient M. X, du décompte retenu au sens des dispositions précitées de l'article 12-31 ; que, dans ces conditions, le délai de quarante-cinq jours énoncé à l'article 12-32 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles n'a pas commencé à courir ; que, par suite, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a jugé que la demande enregistrée au greffe du tribunal le 23 septembre 2002, par laquelle il a sollicité la condamnation de la commune d'Agolsheim à lui verser un complément d'honoraires, n'est pas recevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : « […], l'avenant permettant de fixer le coût prévisionnel définitif des travaux fixe le forfait définitif de rémunération. Cet avenant interviendra à l'issue de l'APD » ; qu'aux termes de l'article 4.3 dudit cahier : « Si, en cours d'exécution du marché, le maître d'ouvrage décide des modifications de programme conduisant à des modifications substantielles dans la consistance du projet, leur incidence financière sur le coût prévisionnel des travaux doit être chiffrée et un nouveau forfait définitif de rémunération est alors fixé par avenant » ; qu'il résulte de l'instruction que les travaux supplémentaires ont été acceptés par la commune pour un montant de 679 859,70 FHT et ont donné lieu à des avenants ; qu'eu égard à leur volume, ces travaux supplémentaires doivent être regardés comme ayant le caractère de modifications substantielles dans la consistance du projet ; qu'ainsi, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que la commune d'Agolsheim lui a refusé la fixation d'un nouveau forfait définitif de rémunération et à demander la condamnation de celle-ci à lui verser une somme de 17 030,74 € correspondant à la prise en compte dans le calcul de son forfait de l'incidence financière des modifications intervenues ;
Sur les intérêts :
Considérant que M X a droit aux intérêts de la somme de 17 030, 74 € à compter du 1er octobre 2001, jour de la réception par la commune d'Agolsheim de sa demande ; que M. X a demandé le 18 avril 2006 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, par application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. » ;
Considérant que le présent arrêt implique que la commune d'Agolsheim procède au versement de l'indemnité susmentionnée ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de lui enjoindre d'y avoir procédé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la commune d'Agolsheim, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune d'Agolsheim à payer à M. X une somme de 1 500 € à ce titre ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 21 février 2006 est annulé.
Article 2 : La commune d'Agolsheim est condamnée à verser à M. X la somme de 17 030,74 € (dix-sept mille trente euros et soixante-quatorze centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2001 ; les intérêts échus à la date du 18 avril 2006 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Agolsheim de procéder au paiement de l'indemnité mentionnée à l'alinéa précédent dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune d'Agolsheim versera à M. X une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Agolsheim tendant à la condamnation de M. X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. André-Valéry X et à la commune d'Agolsheim.
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N°06NC00566