Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2007, complétée par un mémoire complémentaire enregistré le 30 janvier 2007, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour d'annuler le jugement du 29 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 20 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Rustan X, lui a prescrit de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement rendu et a condamné l'Etat à verser à M. X une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- M. X n'a jamais pu justifier de son identité ni de sa nationalité ;
- il n'est pas établi que l'intéressé soit orphelin et isolé dans son pays d'origine ;
- M. X a commis des infractions sur le territoire français ;
- M. X ne remplit pas les conditions pour obtenir une carte de séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'éloignement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 2 et 30 mars 2007, présentés pour M. Rustan X par le cabinet d'avocats Jung, Jung, Pallucci, Le Maître ; M. X demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du PREFET DU BAS-RHIN ;
2°) de condamner l'Etat à verser à Me Laurent Jung la somme de 1 794 euros T.T.C. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jung renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient que :
- la requête du PREFET DU BAS-RHIN est irrecevable ;
- l'arrêté de reconduite à la frontière est fondé sur une décision de refus de délivrance de titre de séjour illégale ;
- l'arrêté de reconduite à la frontière est signé par une autorité incompétente ;
- la commission de titre de séjour n'a pas été saisie ;
- l'arrêté de reconduite à la frontière ne pouvait être fondé sur les dispositions de l'article L. 511-1 II 1° et 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'exécution de la mesure d'éloignement est contraire aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porterait une atteinte excessive à sa situation personnelle ;
- sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
Vu la décision du 9 mars 2007 du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X dans le cadre de la présente instance ;
Vu la lettre du 22 mars 2007 du président de la juridiction informant les parties de la possibilité pour la Cour de procéder d'office à une substitution de base légale de l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2007 :
- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête du préfet :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité russe, né en juillet 1986, qui est entré en France irrégulièrement en septembre 2003, a été placé par ordonnance du 21 octobre 2003 en foyer par le juge des enfants de Strasbourg, puis a bénéficié d'une mesure de protection jeune majeur ; qu'il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 9 mars 2004, confirmée par la commission de recours des réfugiés le 8 décembre 2004 ; que, dès son admission en foyer, il a été scolarisé et, après avoir suivi un module d'apprentissage du français dans un lycée professionnel, de janvier à avril 2004, a été admis en première année de préparation du certificat d'aptitude professionnelle d'installateur sanitaire, dite «année zéro», afin de lui permettre une mise à niveau et une découverte des formations professionnelles ; qu'admis pour l'année scolaire 2004-2005 en première année de préparation du certificat d'aptitude professionnelle de maçon, il a réussi l'examen l'année suivante, avec une moyenne de 14,19 sur 20, meilleur résultat de sa classe ; qu'il a été alors admis à préparer en un an le brevet d'enseignement professionnel gros-oeuvre et a déjà effectué un stage en entreprise du 13 novembre au 1er décembre 2006 ; que M. X a ainsi fait preuve du sérieux de ses études et de sa volonté d'insertion sociale ; que, par suite, en prenant à son encontre, le 20 décembre 2006, un arrêté de reconduite à la frontière, qui a pour effet de le mettre dans l'impossibilité de terminer son cycle scolaire, le PREFET DU BAS-RHIN a, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 20 décembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Sur les conclusions tendant au paiement de frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à payer à Me Laurent Jung, avocat de M. X, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à la perception de l'indemnité prévue par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DU BAS-RHIN est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Laurent Jung une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part constitutive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement et à M. Rustan X.
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N° 07NC00125