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14/06/2007 | FRANCE | N°06NC00764

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2007, 06NC00764


Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2006, complétée par mémoire enregistré les 6 février et 2 mars 2007, présentée pour la société UPC FRANCE, ayant son siège 10 rue Albert Einstein à Champs-sur-Marne (77420), par Me Feldman, avocat ; la société UPC FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 2005/29/233 émis à son encontre le 26 janvier 2005 pour un montant de 13 339,29 euros par la commune de Sarralbe ;

) d'annuler le titre exécutoire susmentionné ;

3°) de condamner la commune de Sar...

Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2006, complétée par mémoire enregistré les 6 février et 2 mars 2007, présentée pour la société UPC FRANCE, ayant son siège 10 rue Albert Einstein à Champs-sur-Marne (77420), par Me Feldman, avocat ; la société UPC FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 2005/29/233 émis à son encontre le 26 janvier 2005 pour un montant de 13 339,29 euros par la commune de Sarralbe ;

2°) d'annuler le titre exécutoire susmentionné ;

3°) de condamner la commune de Sarralbe à lui payer une somme de 4 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il ne contient pas les signatures requises par l'article 741-7 du code de justice administrative ; en outre, le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des moyens invoqués à l'appui de la demande de première instance, s'agissant de la légalité interne du titre exécutoire ; ainsi, le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'acte était fondé sur l'article 6-1 de la convention de câblage qui est illégal et qu'il prévoit le versement d'une redevance à titre de remboursement au mépris des règles régissant la maîtrise d'ouvrage publique ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le titre exécutoire est irrégulier en la forme car il aurait dû faire apparaître à la fois les bases de liquidation et le texte ou fait générateur qui fonde la créance ; or, s'il se réfère à l'article 28 de la convention, le titre attaqué ne permet pas d'établir le mode de calcul de la somme demandée ;

- surtout, le titre exécutoire est contraire aux prescriptions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 selon lesquelles toute décision administrative comporte les nom, prénom, signature et qualité de son auteur ; or, le titre exécutoire contesté ne comporte aucune de ces mentions, ce qui d'ailleurs interdit d'apprécier la compétence de l'auteur de l'acte ; par ailleurs, les autres volets du titre exécutoire ne comportent pas non plus les mentions obligatoires ; la commune ne saurait se prévaloir du bordereau de transmission adressé au comptable qui n'est aucunement le titre exécutoire ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'illégalité de stipulations de la convention et a fait une fausse interprétation des clauses contractuelles ;

- d'une part, l'article 6 de la convention est illégal car la partie du réseau financé par la commune a été illégalement réalisée sous maîtrise d'oeuvre publique sans respecter la loi MOP et le code des marchés publics ;

- d'autre part, le tribunal n'a pas respecté la règle selon laquelle le montant de la redevance doit correspondre à l'avantage retiré par le permissionnaire de l'occupation privative du domaine public ; en effet, l'article 28 de la convention institue une redevance à caractère forfaitaire et global et ne permet pas de déterminer la part correspondant à l'avantage procuré au permissionnaire, lequel a en outre participé en qualité de maître d'oeuvre à la réalisation des ouvrages qu'il exploite en vertu de la convention ; la méthode de calcul fixée par l'article 28 méconnaît ainsi les règles jurisprudentielles en matière de calcul des redevances d'occupation du domaine public ;

- la convention doit, conformément à son article 2, être interprétée comme mettant à la charge du concédant la réalisation de certains ouvrages énumérés à l'article 6-1 du contrat mis à disposition du concessionnaire pendant toute le durée du contrat et que cette participation au financement demeure définitivement acquise à ce dernier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 28 août 2006 et 20 février 2007, présentés pour la commune de Sarralbe, agissant par son maire en exercice dûment habilité, par Me Hugodot, avocat ;

La commune conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société UPC FRANCE à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est régulier dès lors notamment que le tribunal, qui a effectivement répondu aux moyens de légalité interne présentés par la requérante, n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par la société UPC, d'ailleurs à titre dilatoire, juste avant la clôture de l'instruction ; l'irrégularité liée au défaut de signature n'est pas établie dès lors que la requérante se réfère à l'expédition du jugement adressée aux parties et non à la « minute » conservée par le greffe ;

- le titre exécutoire est suffisamment motivé dès lors qu'il comportait les informations suffisantes pour comprendre le mode de calcul de la redevance, qui au demeurant était fixe, et se référait à l'article 28 de la convention joint en annexe ;

- le titre exécutoire respecte les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que, conformément à l'instruction budgétaire et comptable n° 06-022-M14, la commune produit les volets du titre exécutoire ainsi que le bordereau de transmission, lequel matérialise la décision du maire et comporte la signature de l'adjoint délégué au maire ;

- le moyen tiré de l'illégalité de l'article 6 manque en droit dès lors que le contrat litigieux qui est une délégation de service public et non pas un marché public n'avait pas à suivre les règles de procédure du code des marchés publics ; en tout état de cause, le moyen est inopérant dès lors que l'article 6 qui fixe les modalités de la réalisation du réseau câblé est étranger à la redevance réclamée ;

- c'est à tort que la requérante soutient que la redevance est une indemnité d'occupation du domaine public qui ne pourrait être fixe et devrait comporter une part fixe liée à la valeur locative et une part variable lié à l'avantage procuré au permissionnaire ; en réalité, la redevance n'est que le remboursement différé des investissements effectués par la commune au profit du service public exploité par la requérante ;

- contrairement à l'analyse de la requérante, manifestement contraire à l'exigence de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat, il résulte clairement des clauses contractuelles et notamment de l'article 28, que la commune s'est engagée à financer et réaliser certains ouvrages nécessaires à l'exploitation du réseau dont la société UPC disposerait pendant dix ans et qu'à compter de la onzième année, ladite société devrait verser jusqu'à la fin du contrat une redevance correspondant au 1/20ème de l'investissement de la commune ;

- à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour admettrait la nullité de l'article 28, la commune se réserverait le droit de réclamer sur le fondement de la répartition de l'indu le remboursement de l'investissement de 1,750 MF dont a profité la société UPC ;

Vu l'ordonnance en date du 8 février 2007 reportant la date de clôture de l'instruction, du 6 février 2007 au 2 mars 2007 à 16H00 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code civil ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié ;

Vu la circulaire du 18 juin 1998 relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales et établissements publics locaux et à la forme et au contenu des titres de recettes ;

Vu l'instruction budgétaire et comptable n° 06-022-M14 applicable aux communes et aux établissements publics communaux et intercommunaux à caractère administratif ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Feldman, avocat de la societé NOOS , venant aux droits de la société UPC FRANCE,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par convention du 6 mai 1994, la Ville de Sarralbe a confié à la société Nord Est Câble, à laquelle s'est substituée la société UPC FRANCE après une opération de fusion-absorption intervenue durant l'année 2000, la construction et l'exploitation de son réseau de vidéocommunication par câble ; que la société NOOS, qui vient aux droits de la société UPC FRANCE, relève appel du jugement en date du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de cette dernière tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 2005/29/233 émis à son encontre le 26 janvier 2005 pour un montant de 13 339,29 euros par la commune de Sarralbe sur le fondement de l'article 28 de la convention susmentionnée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire :

En ce qui concerne les exceptions et fins de non-recevoir opposées par la commune de Sarralbe en première instance :

Considérant, d'une part, que la circonstance que la convention litigieuse a fait l'objet d'une exécution partielle depuis 1994 ne saurait en tout état de cause faire obstacle à la recevabilité d'une opposition à titre de perception tendant à l'annulation du titre exécutoire émis sur le fondement de la convention et d'ailleurs fondée en partie sur des moyens de légalité propres au titre de recette querellé ; que d'autre part, si la société requérante conteste par voie d'exception la validité de certaines clauses dont elle demande au juge du contrat de constater la nullité, son action qui n'est pas fondée sur les nullités relatives ayant affecté le consentement du cocontractant mais sur une nullité d'ordre public, est régie par le délai de prescription trentenaire prévue à l'article 2262 du code civil ; que, dès lors, la commune de Sarralbe ne saurait se prévaloir de la prescription quinquennale prévue à l'article 1304 du code civil ; qu'il suit de là qu'il y a lieu d'écarter les exceptions et fins de non-recevoir opposées par la commune de Sarralbe en première instance et non abandonnés expressément en appel ;

En ce qui concerne la légalité du titre exécutoire :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Sont considérées comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales (…) » ; que l'article 4 de la même loi dispose notamment que : « Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ;

Considérant que la commune de Sarralbe fait valoir que l'instruction budgétaire et comptable applicable aux communes et aux établissements publics communaux et intercommunaux à caractère administratif n° 06-022-M14 prévoit que tout titre de recette exécutoire comprend quatre volets dont le premier, formant bulletin de perception permettant de suivre le recouvrement de la créance, est adressé au comptable public, le deuxième est annexé au compte de gestion de la collectivité locale, le troisième, formant avis des sommes à payer, est adressé au débiteur, et le quatrième, formant bulletin de liquidation, est conservé par l'ordonnateur ; qu'elle précise à cet effet que le bordereau de transmission adressé au comptable du Trésor a été signé par un adjoint nommément désigné agissant par délégation du maire ;

Considérant qu'un titre exécutoire émis par une commune constitue une décision administrative au sens de la loi du 12 avril 2000 ; qu'en application des dispositions de l'article 4 susvisé de la loi du 12 avril 2000, le destinataire d'une décision administrative doit pouvoir avoir connaissance du nom, du prénom et de la qualité de son auteur et doit pouvoir également constater que ce dernier l'a signée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que l' avis des sommes à payer adressé à la société UPC, qui est la partie du titre exécutoire qui lui a été notifié, ne porte ni la signature de l'ordonnateur ni les autres mentions obligatoires prévues par la loi du 12 avril 2000 ; que si la requérante entend se prévaloir des trois autres volets composant le titre de recette litigieux, lesdits documents ne comportent, en tout état de cause, aucune desdites mentions ; que la circonstance que le bordereau de transmission des titres adressé au comptable comporte ces mentions ne saurait, eu égard à la nature et à la finalité de ce document collectif à caractère interne, destiné au contrôle en matière de comptabilité publique, faire regarder le titre de recette comme satisfaisant aux exigences imposées par l'article 4 précité ; que, dès lors, le titre exécutoire litigieux est entaché d'une irrégularité substantielle de nature à justifier son annulation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société NOOS est fondée à soutenir, par ce moyen nouveau en appel, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son opposition au titre exécutoire du 26 janvier 2005 ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler ledit jugement et le titre exécutoire du 26 janvier 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société NOOS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la commune de Sarralbe la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à la société NOOS la somme qu'elle réclame à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 21 mars 2006 et le titre exécutoire n° 2005/29/233 en date du 26 janvier 2005 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sarralbe et par la société NOOS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société NOOS et à la commune de Sarralbe.

6

N° 06NC00764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00764
Date de la décision : 14/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : HUGODOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-14;06nc00764 ?
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