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14/06/2007 | FRANCE | N°05NC01395

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2007, 05NC01395


Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2005, présentée pour la SCI ESSOR, agissant par son gérant en exercice, ayant son siège 3 route d'Offenheim à Truchtersheim (67370, par Me Anjuere, avocat ; la SCI ESSOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 7 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 1996 et 1997 et des cotisations d'impo

sition forfaitaire annuelle dues au titre des exercices clos en 1998 et e...

Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2005, présentée pour la SCI ESSOR, agissant par son gérant en exercice, ayant son siège 3 route d'Offenheim à Truchtersheim (67370, par Me Anjuere, avocat ; la SCI ESSOR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 7 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 1996 et 1997 et des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle dues au titre des exercices clos en 1998 et en 1999 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 10 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas sanctionné l'irrégularité de la procédure de contrôle suivie à l'encontre de la société requérante ; s'agissant d'une société civile immobilière n'exerçant qu'une activité civile et qui n'est pas astreinte à la tenue d'une comptabilité, l'administration ne pouvait pas effectuer une vérification de comptabilité ;

- c'est à tort que le tribunal a admis la qualification de marchand de biens alors que la requérante a justifié les motifs pour lesquels les ventes incriminées ont été effectuées ; ces opérations n'ont pas été réalisées dans une optique spéculative ; en effet, les acquisitions ont été faites en vue de la seule construction ou location et la revente a été opérée à la fois pour faire face à des difficultés financières liées à la sortie d'un associé et au marasme immobilier entraînant une insuffisance de rendement locatif et pour satisfaire aux besoins de la bonne gestion du patrimoine de la société ; en outre, il convient de tenir compte de l'objet social de la SCI qui consiste uniquement en l'achat d'immeubles en vue de leur simple location ;

- le tribunal a fait une inexacte appréciation des faits en confirmant le redressement relatif la vente des lots 11,20 et 27 de l'immeuble à Gries au titre de l'année 1996 ; contrairement à l'avis de la commission départementale des impôts, l'administration a estimé à tort que la surface du bien vendu ainsi que son prix de vente auraient été minorés ; les actes passés lors de l'achat du bien le 7 avril 1995 et lors de sa revente le 26 mars 1996 font état d'une même surface de 53,20 m2 pour le lot 11 et la modification de surface intervenue après la revente n'est pas imputable à la société ESSOR ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de la SCI ESSOR ;

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition n'est pas fondé dès lors que l'administration est en droit d'opérer un contrôle sur place des documents notamment comptables des SCI de gestion dont la tenue est prévue aux articles 172 bis du code général des impôts et 46 B à D de l'annexe III ;

- la qualité de marchand de biens est établie en raison de la fréquence des opérations et du court délai qui sépare l'acquisition et la revente des biens concernés ; le caractère civil de l'objet statuaire de la SCI ne correspond donc pas à la réalité de son activité ; les raisons ayant déterminé ces aliénations sont sans incidence dès lors que sont remplis les critères tirés du caractère habituel des opérations et de leur intention spéculative ;

- c'est à juste titre que l'administration a considéré que la vente du bien immobilier litigieux relevait d'une gestion anormale dans la mesure où il a été vendu à un prix nettement insuffisant au regard de la surface réelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 172 bis du code général des impôts, ainsi que des dispositions réglementaires des articles 46 B à D de l'annexe III audit code prises pour leur application, qu'afin d'examiner les documents comptables et autres pièces justificatives que ces dernières dispositions imposent de tenir aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés, l'administration peut légalement procéder à un contrôle sur place de ces documents, dans le respect des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu'une société civile immobilière ne serait pas contrainte de tenir une comptabilité ne saurait faire obstacle à la mise en oeuvre de ce contrôle sur place qui, s'il doit se dérouler dans le respect des garanties générales conférées aux contribuables faisant l'objet d'une vérification de comptabilité, ne saurait néanmoins être regardé comme une vérification de comptabilité ; qu'il n'est pas allégué par la requérante que le service aurait exigé la production de documents ou de pièces autres que ceux qu'elle était tenue de conserver en vertu des dispositions précitées du code général des impôts ; qu'il n'est pas davantage allégué par celle-ci qu'elle aurait été privée d'une des garanties attachées à la procédure de contrôle sur place dont s'agit ; que dès lors c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Strasbourg a écarté le moyen de la requérante selon lequel elle aurait indûment fait l'objet d'une vérification de comptabilité ;

Sur le bien-fondé des impositions

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'en vertu de l'article 206-2 du code général des impôts, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à des opérations visées à l'article 35 du même code ; qu'il résulte de ce dernier article qu'ont le caractère de bénéfices industriels et commerciaux « les bénéfices réalisés par les personnes (...) qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) » ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel ;

Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur place, portant sur la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, l'administration fiscale a considéré que la SCI ESSOR, société civile immobilière de gestion ayant pour objet social la location d'immeubles nus, se livrait en réalité à une activité commerciale de marchand de biens et a, par suite, remis en cause le régime d'imposition des sociétés de personnes non soumises à l'impôt sur les sociétés sous lequel s'était placée l'intéressée ; qu'en conséquence, le service a assigné à la requérante des cotisations à l'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 %, au titre des exercices clos en 1996 et 1997, ainsi que des cotisations à l'imposition forfaitaire annuelle au titre des exercices clos en 1998 et 1999 ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que de 1995 à 1997, la société requérante a réalisé plusieurs opérations d'achat revente, consistant en l'achat le 7 avril 1995 à la SCI les Bonsaïs d'un appartement à Gries, revendu le 18 mars 1996, l'achat le 31 mai 1995 à la même SCI d'un appartement au même endroit revendu le 18 juin 1996, l'achat le 18 juin 1996 d'un terrain à bâtir à Nordheim, revendu divisé en deux lots le 22 août 1996 et l'achat le 27 juillet 1995 d'un terrain à bâtir à Stutzheim-Offenheim, avec édification d'un immeuble loué à la société Maison Jaurès du 1er juin 1996 à mars 1999, date à laquelle l'immeuble a été revendu ; qu'à la même date, la SCI ESSOR ne disposait plus d'immeuble inscrit à son actif ; qu'ainsi, en raison de la fréquence et du nombre des transactions au cours de la période considérée, les cessions consenties ont revêtu un caractère habituel ; que, d'autre part, ces opérations, dont il n'est pas contesté qu'elles ont dégagé des profits, se caractérisent par le court délai séparant l'acquisition et l'aliénation des biens immobiliers ; qu'en outre, les associés de la SCI ESSOR sont également associés de la société Maisons Jaurès, laquelle exerce son activité dans le domaine immobilier et notamment l'activité de marchands de biens ; que si la société requérante fait état de circonstances particulières tenant aux difficultés consécutives à la sortie d'un associé ou à la nécessité de satisfaire aux besoins d'une bonne gestion patrimoniale, elle n'apporte aucun élément précis au soutien de ses allégations ; que la circonstance, au demeurant non établie, que certaines cessions auraient été motivées par des difficultés financières liées à l'évolution du marché immobilier est sans incidence ; que, dans ces conditions, et alors même que l'objet social statutaire de la SCI ESSOR se limiterait à des activités exclusivement civiles, notamment de location d'immeubles, il résulte de l'ensemble des circonstances susmentionnées que la société requérante doit être regardée comme ayant procédé à l'acquisition des immeubles concernés dans une intention spéculative ; qu'il suit de là, ainsi que l'a jugé le tribunal, que le service a pu, à bon droit, assujettir à l'impôt sur les sociétés les profits immobiliers réalisés par la SCI ESSOR et lui assigner également, par voie de conséquence, des cotisations à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés et des cotisations à l'imposition forfaitaire annuelle ;

En ce qui concerne la minoration du prix de vente des lots de copropriété n°11, n° 20 et n° 27, cédés le 27 mars 1996 :

Considérant que le service a considéré que la cession le 27 mars 1996 du logement, composé des lots n° 11, 20 et 27, situé dans l'immeuble sis 46 rue principale à Gries aurait été réalisée à un prix insuffisant, constitutif d'une libéralité ne relevant pas d'une gestion commerciale normale ; qu'il a par suite réintégré dans les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1996 la somme 185 700 francs hors taxes, correspondant à la différence entre le prix de vente stipulé, soit 517 000 F toutes taxes comprises, et la valeur vénale réelle du bien immobilier estimée par le service à 740 954 F toutes taxes comprises ;

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toutes natures faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que, d'autre part, si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par acte notarié du 7 avril 1995, la SCI ESSOR a acquis de la SCI Les « Bonsaïs » les lots n° 11, n° 20 et n° 27 susvisés représentant un appartement en duplex d'une surface au premier niveau de 53 m2 et de 50 m2 au second niveau pour un montant de 448 000 F toutes taxes comprises porté après deux avenants à 465 925 F ; que ce bien a été revendu le 27 mars 1996 pour un prix de 517 000 F toutes taxes comprises à M. Denis X, associé de la SCI ESSOR depuis sa création le 1er octobre 1994 jusqu'au 7 février 1995, date à laquelle il a cédé toutes ses parts à M. Robin X ; que M. Denis X a été associé dans la Sàrl Maison Jaurès, maître d'oeuvre de la construction de l'immeuble concerné, dont il a été le gérant du 3 avril 1989 au 7 juin 1996, et a d'ailleurs suivi le chantier en sa qualité de responsable technicien, salarié de ladite société ;

Considérant, en premier lieu, que pour déterminer la valeur vénale des lots vendus, le service a, s'agissant de la surface du lot n° 11, retenu une surface totale pondérée de 99,16 m2 en prenant en compte l'esquisse d'étage n° 6 du 30 janvier 1995 dressée par un géomètre-expert, annexée à l'état descriptif de division et au règlement de copropriété de l'immeuble, actes également publiés au livre foncier, et qui précise que le lot considéré est un appartement dans les combles d'une surface habitable de 92,70 m2 ; que les énonciations du document du géomètre expert sont corroborées par l'acte de vente du 27 mars 1996, qui renvoie expressément à l'esquisse susvisée, et qui décrit le lot n°11 comme un appartement en duplex incluant aux « combles 1 », deux chambres, une cuisine, un W.C., une entrée, un débarras, un escalier d'accès aux combles 2 et un balcon, et aux « combles 2 », deux chambres, une salle de bains, un bureau, un W.C., un dressing, un dégagement et un palier ; que, dans ces conditions, dès lors que la vente a nécessairement porté sur les deux niveaux constituant l'appartement à aménager, la société requérante ne saurait soutenir que la vente concernait une surface limitée à 53,20 m2 ; que la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'avis de la commission départementale des impôts en date du 1er mars 2000 constatant que les actes notariés mentionnent une surface de 53,20 m2 dès lors que ledit avis ne précise pas s'il s'agit d'une surface totale ou de la surface de premier niveau ; qu'enfin, si la requérante argue de ce que la modification de surface serait intervenue après la revente des lots et ne lui serait dès lors pas imputable, elle n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations ;

Considérant, en second lieu, que pour fixer la valeur vénale du logement litigieux à 740 954 francs toutes taxes comprises, soit 7 472 francs par mètre carré, le service a pu légalement prendre comme termes de comparaison le prix auquel ont été cédés quatre autres logements situés dans le même immeuble, les 7 avril et 29 décembre 1995 présentant des caractéristiques similaires au logement litigieux, compte tenu notamment de leur date de construction et de leur localisation ; que, d'ailleurs, la société requérante, tant en première instance qu'en appel, n'apporte aucun élément de nature à contester valablement les termes de comparaison retenus par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration, qui a suivi la procédure contradictoire pour procéder aux redressements litigieux, doit être regardée, au vu de l'ensemble des circonstances ci-dessus relevées, comme apportant la preuve que la SCI ESSOR a vendu le 27 mars 1996 les lots n° 11, 20 et 27 susmentionnés à un prix ne relevant pas d'une gestion commerciale normale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI ESSOR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la requérante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la SCI ESSOR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI ESSOR et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

5

N° 05NC01395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC01395
Date de la décision : 14/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : JUDICIA CONSEILS CABINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-14;05nc01395 ?
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