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07/06/2007 | FRANCE | N°05NC00617

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 07 juin 2007, 05NC00617


Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2005, complétée par des mémoires enregistrés les 17 octobre 2005 et 25 octobre 2006, présentée pour la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE, dont le siège est 8 rue de Behlenheim à Strasbourg (67200), par Me Hugodot, avocate ; la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002742-0100030-0100031-0200894 en date du 17 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à obtenir la décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à concurrence de

93 702 F en droits, et le remboursement de crédits de taxe de montants ...

Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2005, complétée par des mémoires enregistrés les 17 octobre 2005 et 25 octobre 2006, présentée pour la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE, dont le siège est 8 rue de Behlenheim à Strasbourg (67200), par Me Hugodot, avocate ; la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002742-0100030-0100031-0200894 en date du 17 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à obtenir la décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à concurrence de 93 702 F en droits, et le remboursement de crédits de taxe de montants respectifs de 21 092 F, 77 891 F et 81 800 F ;

2°) de lui accorder la restitution des sommes en litige ;

3°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il a soulevé un moyen d'ordre public qui ne portait pas, en réalité, sur le champ d'application de la loi, et sans respecter la procédure prévue par l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif commet une erreur de fait en affirmant que la société n'a mis aucun local en location avant le 30 décembre 2001 ;

-la société était passible de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle a justifié avoir conclu un bail le 8 janvier 1998, puis une promesse de bail le 10 mai 2000, qui doit être prise en compte ; la requérante oppose au service, à ce sujet, les instructions 3 A-6-04 du 15 octobre 2004 et 3 A-4-05 du 23 mai 2005 ;

- l'administration ne pouvait refuser le remboursement des crédits de taxe en raison de loyers estimés trop bas, en se fondant sur l'article 238-1e de l'annexe II au code général des impôts, qui ne concerne pas les prestations de services ; de plus, l'appréciation du service n'est pas pertinente dès lors qu'elle ne prend pas en compte la situation du marché locatif ;

- les demandes présentées au tribunal administratif étaient toutes recevables ou ont été régularisées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 19 décembre 2005 et 7 décembre 2006, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif a bien soulevé un moyen d'ordre public tiré du champ d'application de la loi ;

- deux des demandes apparaissent irrecevables : celle enregistrée sous le n° 0002742 en raison d'une absence de réclamation préalable et d'une forclusion en ce qui concerne la taxe du 2ème trimestre de 1999 ; celle enregistrée sous le n° 0200894 parvenue plus de deux mois après le rejet de la réclamation correspondante ;

- l'option pour la taxe sur la valeur ajoutée exercée par la société ne pouvait jouer que pour les locaux effectivement loués lors des demandes de remboursement des crédits de taxe ;

- la société ne peut invoquer une doctrine dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas, à défaut d'avoir établi ses recherches actives de locataires pour la partie demeurant vacante de l'immeuble ;

- la faiblesse du loyer perçu à l'époque des faits ne permet pas de regarder la SCI comme ayant exercé une activité économique ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 avril 2007, présenté par la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2007 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller.

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour rejeter les demandes de la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE, le tribunal administratif s'est fondé sur une analyse, au regard de l'article 260 du code général des impôts, des conditions dans lesquelles cette société avait mis en location les biens immobiliers dont elle avait entrepris la rénovation, et dont les loyers avaient été, sur option, assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, compte tenu de sa formulation, un tel motif se rattachait, non pas à l'assujettissement de la société requérante à la taxe sur la valeur ajoutée, mais aux conditions dans lesquelles la société pouvait exercer ses droits à déduction de cette taxe, régis par l'article 260-2e du code général des impôts ; que ce moyen, qui n'était pas soulevé par les parties au litige et ne se rattachait pas au champ d'application de la loi, ne pouvait, dès lors, être relevé d'office par le tribunal ; que, pour ce motif, la société appelante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la recevabilité des demandes :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la demande enregistrée le 12 juillet 2000 sous le n° 0002742 n'avait pas été précédée d'une réclamation préalable, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, en tant qu'elle était dirigée contre la mise en recouvrement, le 26 mai 2000, d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 93 702 F en droits et de 6 324 F d'intérêt de retard ; que, toutefois, la société redevable a formulé le 20 décembre 2001 une réclamation à l'encontre de cette même mise en recouvrement, rejetée par une décision du service notifiée le 22 janvier 2002 ; que la demande subséquente enregistrée sous le n° 0200894 le 13 mars 2002, et non le 3 avril 2002 comme le soutient le défendeur, a été déposée dans le délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales et a ainsi régularisé la demande n° 0002742 du 12 juillet 2002 sus-évoquée ; que la fin de non-recevoir opposée par le directeur des services fiscaux concernant la contestation de la mise en recouvrement du rappel de taxe du 26 mai 2000 doit, dans ces conditions, être écartée ;

Considérant, en second lieu, que la demande enregistrée le 12 juillet 2000 sous le n° 0002742 a été déposée au-delà du délai de deux mois prévu par l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, en tant qu'elle était dirigée contre un rejet de la réclamation de la société, concernant le crédit de taxe sollicité au titre du deuxième trimestre de l'année 1999, dès lors que cette décision lui avait été notifié le 20 novembre 1999 ; que la fin de non-recevoir opposée par le directeur des services fiscaux aux conclusions de cette demande relative au crédit de taxe sus-mentionné, doit, en revanche, être accueillie ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe :

Considérant que la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE est propriétaire de bâtiments inclus dans l'ancienne abbaye bénédictine de Marmoutier (Bas-Rhin) ; qu'ayant opté, conformément à l'article 260-2 du code général des impôts, pour son activité de mise en location de certaines parties de ce bâtiment, pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, elle a sollicité le remboursement des crédits sur le Trésor non imputables, dont elle estimait disposer, à raison de la taxe ayant grevé les travaux de réhabilitation entrepris sur l'immeuble ; que l'administration, qui avait initialement accepté de rembourser les crédits déclarés au titre du 4ème trimestre de l'année 1998 et du 1er trimestre de l'année 1999, a demandé la restitution des crédits allégués pour un montant actualisé, en droits, de 93 702 F, lequel a été mis en recouvrement le 26 mai 2000 ; qu'elle a ensuite systématiquement refusé les autres crédits de taxe allégués par la société, au titre de l'année 1999 et du 2ème trimestre de l'année 2000 ; que, par ses demandes successives déposées au Tribunal administratif de Strasbourg, la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE sollicitait, à la fois, la décharge du rappel de taxe mis à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 26 mai 2000, et la restitution des crédits de taxe sus-mentionnés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts : Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa … , que le troisième alinéa auquel il est fait renvoi précise : Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de … prestataire de services … ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 271 du même code : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération … ;

Considérant, en premier lieu, que doivent être regardées comme des activités économiques celles caractérisées par l'exploitation d'un bien en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence ; que, par ailleurs, en vertu de l'article 271 I 1 également précité, sous réserve d'une éventuelle régularisation ultérieure, une activité qui est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, légalement ou en conséquence d'une option régulièrement exercée, donne droit à la déduction ou, le cas échéant, au remboursement de la taxe ayant grevé les éléments du prix de revient de cette activité, dès lors que celle-ci a été entreprise, et sans qu'il y ait lieu d'attendre la réalisation de l'ensemble de l'opération en cours ; qu'en l'espèce, la mise en location, par la société requérante, des locaux dont elle avait assuré l'aménagement, constitue une activité économique, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, relevée par l'administration, que les surfaces louées demeuraient relativement modestes par rapport à l'ensemble de l'immeuble dont les travaux étaient toujours en cours, lors de la période en litige, dès lors que cette activité était nécessairement tributaire de l'évolution du chantier entrepris ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société redevable a conclu un premier bail en date du 8 janvier 1998 concernant un local de 25 m², moyennant un loyer initial de 500 F par mois ; qu'elle avait consenti une promesse de bail à terme le 10 mai 2000, d'ailleurs confirmé par le bail définitif signé le 30 décembre 2001, pour une salle de 150 m², moyennant un loyer fixé lors de la période en litige à 1 000 F par mois; que ces loyers ne pouvaient être regardés, compte tenu des sujétions inhérentes aux travaux en cours et de l'état du marché locatif local, comme fixés à un niveau anormalement bas, au point de pouvoir être analysés comme des libéralités au profit des preneurs ;

Considérant, en second lieu, que le service ne peut, en tout état de cause, invoquer les dispositions de l'article 238-1 qui excluaient la déduction de la taxe pour les … biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal …, dès lors que, dans leur rédaction applicable en l'espèce, ces dispositions ne concernent pas les prestations de service, incluant la mise en location d'immeubles ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, ces dispositions ne sont pas rendues applicables par la circonstance que le bailleur avait commandé des travaux immobiliers, dont il était d'ailleurs le bénéficiaire direct ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'administration n'était pas fondée à refuser à la société requérante le remboursement des crédits de taxe déclarés, à l'exception du crédit afférent au 2ème trimestre 1999 pour le motif de recevabilité sus-analysé ; que la société est, en revanche, fondée, dans la limite sus-mentionnée, à récupérer les crédits de taxe en litige ;

Sur les conclusions en indemnisation :

Considérant que si, dans le cadre de sa demande enregistrée sous le n° 0002742,et dans le mémoire déposé le 20 décembre 2001, la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE sollicitait des dommages et intérêts à hauteur de 1 200 000 F, en raison de fautes imputées aux services de l'Etat, il est constant qu'elle n'avait formulé aucune réclamation au préalable auprès du service en cause ; que ces conclusions sont, dès lors, irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif ;

Sur les conclusions de la requérante tendant à obtenir l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de faire verser par l'Etat à la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE une somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés, en première instance et en appel, et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 mars 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Il est accordé décharge à la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE du rappel de taxe mis en recouvrement le 26 mai 2002 pour un montant total, en droits en intérêts, de 15 248,87 euros (100 026 F).

Article 3 : L'Etat remboursera à la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE :

- le crédit de taxe constaté au titre de l'année 1999, abstraction faite des crédits déclarés par la redevable au titre des 1er et 2ème trimestres ;

- le crédit de taxe afférent au 2ème trimestre de l'année 2 000 ;

la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE est renvoyée devant l'administration pour le calcul des sommes à lui restituer.

Article 4 : Par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE.

Article 5 : Le surplus des demandes présentées par la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI CENTRE EUROPEEN DE L'ORGUE et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

2

N° 05NC00617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00617
Date de la décision : 07/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : HUGODOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-07;05nc00617 ?
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