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24/05/2007 | FRANCE | N°05NC00224

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 mai 2007, 05NC00224


Vu la requête, enregistrée le 24 février 2005, présentée pour la COMMUNE D'AMNEVILLE (57360), agissant par son maire en exercice, par Me Muller, avocat ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 par avis de mise en recouvrement du 14 juin 1999 et pour la période du 1er octobre au 31 décemb

re 1998 par avis de mise en recouvrement du 8 juillet 1999 ;

2°) de prononcer l...

Vu la requête, enregistrée le 24 février 2005, présentée pour la COMMUNE D'AMNEVILLE (57360), agissant par son maire en exercice, par Me Muller, avocat ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 par avis de mise en recouvrement du 14 juin 1999 et pour la période du 1er octobre au 31 décembre 1998 par avis de mise en recouvrement du 8 juillet 1999 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le jugement a confirmé la position de l'administration, qui a arbitrairement isolé l'activité de location des serres horticoles de l'ensemble des activités de la commune alors que celle-ci est propriétaire d'un important patrimoine immobilier donné en location et que l'ensemble des loyers déclarés dépasse le seuil de 5% retenu par le vérificateur ;

- c'est à tort que l'administration a estimé que les loyers afférents aux serres horticoles avaient été abandonnés alors que la société d'économie mixte gestionnaire avait versé, fin 1996, un montant cumulé de loyers supérieur au seuil fixé par la circulaire invoquée par le vérificateur, et qui a été atteint dès 1994 ;

- c'est à tort que le jugement a confirmé la position de l'administration en matière de régularisations de TVA ;

- contrairement à l'analyse du vérificateur, confirmée par le tribunal, la régularisation de 2/10èmes de la TVA déduite à raison de la partie de l'immeuble louée à la Sàrl La Roseraie est illégale dans la mesure où cette fraction de l'immeuble a donné effectivement lieu à encaissement de loyers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2005, présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de la commune d'Amnéville ;

Il soutient que :

- l'activité de location de serres horticoles est un secteur distinct qui ne peut être confondu avec les autres activités immobilières de la commune, qui ne saurait demander la prise en compte des loyers relevant d'un autre secteur d'activité ;

- la contrepartie du droit à déduction est l'obligation de soumettre à la TVA des loyers qualifiés de normaux ; en l'espèce, compte tenu du seuil minimal de 5% retenu par la doctrine administrative, les déclarations de TVA font apparaître des insuffisances de TVA collectée en raison de loyers très inférieurs à un loyer normal ; les loyers encaissés indiquent que la commune a subventionné l'activité d'horticulture ;

- l'immeuble repris à bail partiellement par la société La Roseraie a cessé d'ouvrir droit à déduction à compter du 1er avril 1996 ; ce changement d'affectation d'une partie des locaux devait donc entraîner une régularisation de 7/10èmes en application de l'article 210 de l'annexé II du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE D'AMNEVILLE a fait construire des bâtiments à usage de serres horticoles et a conclu le 1er mai 1992 avec la société d'économie mixte Les Serres d'Amnéville-les-Thermes un contrat de bail à usage agricole enregistré le 6 novembre 1992 à la recette des impôts ; que la commune a opté pour l'assujettissement des loyers à la taxe sur la valeur ajoutée par courrier du 29 janvier 1992, confirmé le 28 janvier 1993 ; qu'elle a en conséquence récupéré la valeur ajoutée ayant grevé la construction et l'agrandissement de l'immeuble et a bénéficié à cet effet de remboursements de crédits de taxe d'un montant total de 5 023 452 F au titre des années 1992 et 1993 ; qu'à la fin du bail, intervenue le 7 février 1996 à la suite de la liquidation judiciaire de la société susmentionnée, la COMMUNE D'AMNEVILLE a donné en location à compter du 1er avril 1996 une partie des serres, d'une superficie de 16 970 m² pour une surface totale de 31 314 m, à la Sàrl « La Roseraie » dont le bail a pris fin le 28 février 1998 ; que l'autre partie des bâtiments a été occupée par différents services municipaux avant d'être louée, à partir du 16 mars 1998, à M. X ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur son activité de location de bâtiments horticoles pendant la période du 1er janvier 1995 au 30 septembre 1998, la COMMUNE D'AMNEVILLE a fait l'objet de redressements notifiés le 22 décembre 1998 portant sur la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ; que le vérificateur a, d'une part, constaté une insuffisance de déclaration des bases imposables à la TVA, d'autre part, rejeté l'imputation de crédits de taxe sollicité par la commune et, enfin, procédé à un rappel de TVA au titre de la régularisation par dixième de la TVA initialement déduite ; que, par ailleurs, dans le cadre d'un contrôle sur pièces opéré à la suite d'une demande de remboursement de crédits de TVA, le service a notifié le 9 mars 1999 un nouveau redressement pour la période du 1er octobre au 31 décembre 1998 également pour le motif tiré de l'insuffisance de déclaration de la TVA collectée ; que les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement respectivement le 14 juin 1999 pour un montant de 2 913 908 F (444 223,09 euros) et le 8 juillet 1999 pour un montant de 31 654 F (4 825,62 euros) ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel… » ; qu'aux termes de l'article 261 D dudit code : « Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° les locations de terres et de bâtiments à usage agricole… » ; qu'aux termes de l'article 260 du même code : « Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : 6° A compter du 1er octobre 1988, les personnes qui donnent en location, en vertu d'un bail enregistré, des terres et bâtiments d'exploitation à usage agricole. L'option ne peut être exercée que si le preneur est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et elle s'applique à tous les baux conclus par un même bailleur avec des agriculteurs répondant à cette condition… » ; que d'autre part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ... » ; qu'aux termes de l'article 213 de l'annexe II audit code : « Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction, » ; qu'enfin aux termes de l'article 201 sexies de l'annexe II dudit code relatif aux collectivités locales : « Chaque service couvert par l'option constitue un secteur d'activité pour l'application de l'article 213 » ;

Considérant qu'en vertu de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 1978 prise pour l'adaptation de la législation française à la sixième directive 77-388 du conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les activités économiques et, notamment, les prestations de services effectuées par une personne à titre onéreux ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune a accepté, par un avenant en date du 26 février 1994, eu égard aux difficultés financières de la société Serres d'Amnéville-Les- Thermes, dont elle était par ailleurs l'actionnaire majoritaire, de ramener le loyer annuel, qui avait été fixé à la somme de 2 615 000 F, à 1 000 000 F, montant inférieur à la valeur d'amortissement de son investissement ; qu'il est constant que la COMMUNE D'AMNEVILLE n'a perçu aucun loyer de cette société en contrepartie de la mise à disposition des bâtiments occupés par celle-ci pendant les années 1995 et 1996 ; qu'il résulte également de l'instruction que pour la location de la partie des serres donnée à bail à la Sàrl « La Roseraie », pendant la période du 1er avril 1996 au 28 février 1998, le montant du loyer était très sensiblement inférieur à l'amortissement des bâtiments en cause ; que, dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, cette opération ne peut être regardée comme présentant le caractère d'une prestation à titre onéreux au sens des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts et la location dont s'agit qui s'apparente à une libéralité ne peut dans les circonstances de l'espèce être regardée comme une activité économique au sens de la sixième directive ; qu'il s'ensuit en réalité, que les locations en cause n'entrant pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, la COMMUNE D'AMNEVILLE ne pouvait pas légalement récupérer par voie d'imputation ou de remboursement la taxe ayant grevé la construction de l'immeuble ;

Considérant il est vrai que les collectivités locales peuvent, en vertu d'une instruction 30-D-89 du 30 août 1989 en vigueur à la date des faits, se voir reconnaître la faculté de récupérer la taxe ayant grevé leurs investissements immobiliers alors même que les loyers perçus sont inférieurs au prix du marché à la condition que celles-ci complètent les bases d'imposition pour que les loyers atteignent au moins le loyer normal défini par cette instruction comme égal à l'amortissement des biens fixé, selon le cas, à 4 ou 5% du prix de revient hors taxe de l'immeuble considéré ; que, conformément à cette instruction, le vérificateur n'a pas remis en cause les droits à déduction de la commune mais a considéré que les loyers ayant servi de base d'imposition devaient être réévalués à un montant égal à 5 % de la fraction du prix de revient des locaux litigieux correspondant à la proportion de la superficie des locaux occupée par la SàrlL « La Roseraie » , entraînant à la fois le rehaussement des bases imposables et l'annulation de crédits de taxe ;

Considérant que la requérante, qui se place sur le terrain de la doctrine administrative et doit ainsi être regardée comme invoquant les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, selon lesquelles les contribuables sont fondés à se prévaloir de l'interprétation contraire à la loi que l'administration a donnée de celle-ci dans ses instructions ou circulaires, se borne tant en première instance qu'en appel à soutenir que l'administration aurait fait une inexacte application de l'instruction précitée ; qu'elle soutient à cet effet que l'administration aurait arbitrairement isolé l'activité de location des serres horticoles de l'ensemble des activités de la commune et que l'ensemble des loyers déclarés par la commune en tant que propriétaire du patrimoine immobilier donné en location dépasse le seuil de 5% fixé par la circulaire ; que, cependant, compte tenu des conditions posées par l'instruction susvisée et au regard des dispositions des articles 213 et 201 sexies précités, le vérificateur a pu à juste titre apprécier le respect du seuil de 5% en prenant en compte la seule activité de location des serres horticoles à l'exclusion des autres loyers perçus par la commune à raison de locations relevant de secteurs d'activité distincts ; que la commune n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à contester utilement et sérieusement le rehaussement de loyer opéré par le service ; qu'il suit de là que la requérante, qui est tenue de satisfaire à l'ensemble des conditions posées par l'instruction pour prétendre au bénéfice du régime prévu en faveur des collectivités locales, et notamment à la condition tenant à la nécessité de compléter les bases d'imposition pour atteindre « le loyer normal » au sens de la doctrine administrative, n'est pas fondée à soutenir que le service aurait fait une inexacte application de l'instruction précitée ;

Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 194 de l'annexe II au code général des impôts : « L'option exercée couvre obligatoirement une période de dix années, y compris celle au cours de laquelle elle est déclarée./ … Toutefois, lorsque tout ou partie des immeubles intéressés cesse, au cours de la période couverte par l'option, d'être destiné à un usage pour lequel celle-ci est possible, la dénonciation est obligatoire en ce qui concerne les locaux qui ont, de ce fait, changé de destination » ; « qu'aux termes de l'article 210 de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « I. Lorsque des immeubles sont cédés ou apportés avant le commencement de la neuvième année qui suit celle de leur acquisition ou de leur achèvement et que la cession ou l'apport ne sont pas soumis à la taxe sur le prix total ou la valeur totale de l'immeuble, l'assujetti est redevable d'une fraction de la taxe antérieurement déduite. Cette fraction est égale au montant de la déduction diminuée d'un dixième par année civile ou fraction d'année civile écoulée depuis la date à laquelle l'immeuble a été acquis ou achevé. Sont assimilés à une cession ou un apport la cessation de l'activité ou la cessation des opérations ouvrant droit à déduction ainsi que le transfert entre différents secteurs d'activités d'un assujetti … » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société d'économie mixte le 7 février 1996, seule la moitié environ de l'immeuble a été reprise à bail par la société La Roseraie à compter du 1er avril 1996, l'autre moitié des locaux étant occupée, avant d'être louée à M. X à partir du 16 mars 1998, par différents services municipaux pour une activité située hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.) ; que du fait de ce changement d'affectation d'une partie des locaux, le service a pu à bon droit procéder à la régularisation de 7/10èmes de la déduction initialement pratiquée en application des dispositions précitées de l'article 210 rappelées par le IV de l'instruction susvisée ; que, dès lors et en tout état de cause, c'est à bon droit que le tribunal a confirmé le bien-fondé du rappel de TVA afférent à la régularisation des déductions initialement pratiquées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui tout précède que la COMMUNE D'AMNEVILLE, qui, ainsi qu'il a été ci-dessus, ne bénéficiait en vertu de la loi fiscale d'aucun droit à déduction et qui aurait dû à ce titre se voir assigner un redressement plus important que celui qui lui a été notifié en application du régime conféré par l'instruction précitée, n'est pas fondée à se plaindre de ce que le service l'a assujettie par avis de mis en recouvrement des 14 juin et 8 juillet 1999 à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée pour une montant limité respectivement à 2 913 908 francs (444 223,09 euros) et à 31 654 francs (4 825,62 euros) ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la requérante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE D'AMNEVILLE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'AMNEVILLE et au ministre de l'économie, des finances et de l‘industrie.

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N° 05NC00224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00224
Date de la décision : 24/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP BEHR-MULLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-05-24;05nc00224 ?
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