Vu le recours, enregistrée le 24 juin 2005, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-01329 du 26 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 6 novembre 2000 du préfet de la Marne et le rejet implicite du recours gracieux diminuant de 15,66 hectares, la surface éligible aux aides compensatoires pour les surfaces cultivées en céréales de la SCEA du Grand Chemin ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCEA du Grand Chemin devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Le ministre soutient que :
- le Tribunal a insuffisamment motivé son jugement dès lors qu'il ne précise pas en quoi les dispositions communautaires imposaient de ne pas prononcer de sanction ; en effet, le jugement ne fait aucune référence aux dispositions communautaires qui, seules, permettent de déroger à l'application de l'article 9 du règlement CEE n° 3887/92 de la commission du 23 décembre 1992, alors que le tribunal n'établit pas l'applicabilité à l'espèce du 2 a) de l'article 4 dudit règlement qui permet une modification des demandes d'aides dans des conditions précises ;
- le tribunal a commis une erreur et dénaturé les pièces du dossier en considérant que des échanges de terres avaient été opérés alors qu'il s'agissait d'un simple projet dont l'effectivité n'était pas établie;
- le tribunal a commis une erreur de droit dès lors que, contrairement à ce qu'il énonce, la localisation pour le contrôle de l'état de la parcelle et l'exactitude des superficies font partie des conditions d'éligibilité des aides ; or le jugement admet qu'une modification peut intervenir à tous moments en méconnaissant les dispositions susmentionnées ; au surplus, aucune modification n'est possible après le relevé des irrégularités ;
- en ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation de la situation faite par l'administration dans le cadre de l'article 5 ter, il ne peut s'agir que d'erreurs purement matérielles évidentes lors du simple examen de la demande sans qu'elles imposent, pour leur découverte, l'organisation d'un examen approfondi de la situation ;
- la Cour de justice des communautés européennes a jugé que les sanctions prévues s'appliquent également lorsque l'intéressé a omis d'informer l'autorité des modifications intervenues ayant des incidences sur les conditions d'octroi des aides ;
- le raisonnement tenu par le tribunal impose à l'administration d'établir l'inéligibilité alors que les dispositions communautaires font obligation à l'exploitant d'établir son droit à l'aide ;
- la décision n'est entachée d'aucune erreur relative aux surfaces et à la sanction ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 25 juillet 2005, la transmission de la requête à la SCEA du Grand Chemin ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 3 mai 2006 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement CEE n° 1251/99 modifié du 17 mai 1999 ;
Vu le règlement CEE n° 3887/92 modifié du 23 décembre 1992 ;
Vu le code rural ;
Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;
Vu le décret n° 84-1193 du 28 décembre 1984 ;
Vu le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2007 :
- le rapport de M. Job, président,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a admis, dans son jugement en date du 26 avril 2005, que les échanges de terres entre exploitants permettaient d'établir l'égalité entre les surfaces en blé tendre déclarées à l'administration et celles cultivées par la SCEA du Grand Chemin dans la même nature de culture, il n'a pas, en revanche, explicité les raisons pour lesquelles l'admission de ces 8ha 69a de culture sur un total de 105ha 66a de terres rendait illégale la décision du 6 novembre 2000 par laquelle le préfet de la Marne a exclu du bénéfice des aides communautaires une surface de 15ha 66a réservée à la culture du blé tendre ; qu'ainsi, le ministre est fondé à soutenir qu'eu égard à sa motivation insuffisante, le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité qui justifie son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Sur la légalité de la décision du 6 novembre 2000 :
Considérant, en premier lieu, que l'article 4 du décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 modifié portant charte de la déconcentration prévoit que, sauf disposition législative contraire ou exception prévue par un décret en Conseil d'Etat, la circonscription départementale est l'échelon territorial de mise en oeuvre des politiques nationale et communautaire, sous réserve des attributions dévolues à la circonscription régionale et à l'arrondissement ; qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 82-389 du 10 mai 1982 modifié relatif aux pouvoirs du préfet et à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans le département alors en vigueur : «Le préfet prend les décisions dans les matières entrant dans le champ des compétences des administrations civiles de l'Etat exercées à l'échelon du département» ; qu'en vertu, enfin, de l'article 1er du décret n° 84-1193 du 28 décembre 1984 relatif à l'organisation et aux attributions des directions départementales de l'agriculture et de la forêt alors en vigueur, le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt est chargé, sous l'autorité du représentant de l'Etat dans le département, d'appliquer notamment les mesures de politique agricole ;
Considérant que la mise en oeuvre du régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, sous forme de paiements compensatoires, institué par le règlement susvisé n° 1765/92 relève, à défaut de disposition contraire, de la circonscription départementale en vertu de l'article 4 du décret précité du 1er juillet 1992 ; qu'en application des dispositions susrappelées du décret du 10 mai 1982, et en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire contraire, le préfet doit être regardé comme l'autorité chargée d'assurer la coordination des contrôles prévus par l'article 8 paragraphe 3 du règlement susvisé n° 3508/92 du 27 novembre 1992 et prendre, le cas échéant, les sanctions instituées par les articles 9 et 11 du règlement susvisé n° 3887/92 ;
Considérant qu'eu égard à la demande d'aides des surfaces présentées par la société en 2000 au titre du régime communautaire de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, agissant sur délégation du préfet de la Marne, avait compétence pour prendre, le cas échéant, les sanctions prévues en matière d'attributions desdites aides ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision est infondé ;
Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 9 du règlement de la communauté économique européenne susvisé n° 3887/92 : «(…) 2. Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aide «surfaces» dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée de deux fois l'excédent constaté lorsque celui ci est supérieur à 3 % ou à 2 hectares et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée» ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par décision du 6 novembre 2000 prise en application des dispositions précitées, le préfet de la Marne a exclu du bénéfice des aides communautaires prévues par le règlement CEE n° 1251/99 modifié du 17 mai 1999, 15,66 hectares en céréales exploitées par la SCEA du Grand Chemin au motif qu'un contrôle administratif avait fait apparaître que la surface de 81,67 ha constatée en céréales était inférieure de 5,22 hectares à la surface déclarée de 86,89 ha, correspondant à un écart de 6,39 % ; que, si la société déclare exploiter effectivement depuis 1997 une superficie de 5,22 ha non inscrite au registre parcellaire de l'année 2000, égale à la différence avec la superficie déterminée, elle ne l'établit ni par témoignages, ni par la production d'un registre parcellaire non daté de la campagne 1997 surchargée en «1999-2000», qui n'a pas été produit à l'administration, ni par l'attestation d'un notaire chargé depuis septembre 1997 de préparer un acte d'échange de terrains entre plusieurs propriétaires fonciers non finalisé à la date du 11 avril 2001 ; qu'ainsi, les circonstances que l'administration ait pu être antérieurement abusée par des déclarations inexactes faisant état de production de blé tendre sur des terrains appartenant à d'autres propriétaires fonciers, ne sont pas de nature à faire regarder ces faits comme relevant d'une erreur matérielle aisément décelable par les services de l'agriculture chargés du contrôle de surface ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que le préfet a fait une application erronée du 2 de l'article 9 du règlement de la CEE susvisé n° 3887/92, en diminuant la superficie effectivement déterminée lors du contrôle de deux fois l'excédent constaté dès lors que celui-ci était compris entre 3 % et 20 % de la superficie déterminée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la SCEA du Grand Chemin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par sa décision du 6 novembre 2000, le préfet de la Marne a exclu 15,66 hectares en céréales du bénéfice des aides communautaires prévues par le règlement CEE n° 1251/99 modifié du 17 mai 1999 ;
Sur les conclusions d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SCEA du Grand Chemin la somme qu'elle réclame au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 01-01329 du 26 avril 2005 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SCEA du Grand Chemin devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE et à la SCEA du Grand Chemin.
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N° 05NC00794