La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2007 | FRANCE | N°05NC01587

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 février 2007, 05NC01587


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2005, complétée par le mémoire enregistré le 24 novembre 2006, présentée pour M. et Mme Abderrahmane X, élisant domicile ..., par la SCP d'avocats Gaucher Dieudonné Niango ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 03-02411 en date du 27 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la ville de Saverne à leur verser une somme de 3000 € qu'ils estiment insuffisante, en réparation du préjudice subi par suite du non-respect par la ville de l'engagement pris de réali

ser un muret le long de leur propriété ;

2°) à titre principal, de condamner la ...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2005, complétée par le mémoire enregistré le 24 novembre 2006, présentée pour M. et Mme Abderrahmane X, élisant domicile ..., par la SCP d'avocats Gaucher Dieudonné Niango ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 03-02411 en date du 27 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la ville de Saverne à leur verser une somme de 3000 € qu'ils estiment insuffisante, en réparation du préjudice subi par suite du non-respect par la ville de l'engagement pris de réaliser un muret le long de leur propriété ;

2°) à titre principal, de condamner la ville de Saverne à leur verser une somme fixée dans le dernier état de leurs écritures à 90 924,70 € en réparation du préjudice subi ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue de chiffrer le coût d'édification du mur de soutènement ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la ville de Saverne à leur verser une somme de 27 771,12 € en réparation du préjudice subi ;

5°) à titre infiniment plus subsidiaire, d'ordonner une expertise sur l'évaluation de la perte de jouissance sur la propriété ainsi que la perte de valeur financière dudit bien ;

6°) enfin, de condamner la ville de Saverne à leur verser une somme de 1500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M et Mme X soutiennent que :

- le tribunal a reconnu que la ville de Saverne n'établissait pas avoir respecté son engagement consigné dans une promesse de vente ;

- eu égard à la jurisprudence du Conseil d'Etat qui, en cas de dommage à un bien, admet, soit la condamnation à une indemnité compensatrice, soit la condamnation de la collectivité à prendre en charge l'exécution des travaux, le devis établi le 5 juin 2005 devait être pris en compte pour le chiffrage du préjudice subi ;

- la responsabilité sans faute de la ville est engagée, dès lors que la réalisation de la voie publique a généré la création du talus qui les prive d'une bande de jardin de 100 m2 , ce qui constitue un préjudice anormal et spécial ;

- le devis produit en première instance étant bien insuffisant quant à la nature des travaux à entreprendre, il y a lieu de prendre en compte le nouveau devis produit ;

- au surplus, la ville a commis une faute en ne réalisant pas le muret promis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 9 mai 2006, 15 et 17 janvier 2007, présentés pour la ville de Saverne par Me Hugodot, avocat, tendant :

- au rejet de la requête et, subsidiairement, à la réduction des dommages intérêts alloués, ainsi qu'au rejet de l'injonction de construire le mur ;

- par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande de M. et Mme X, et, en tout état de cause, à la condamnation de M. et Mme X à lui verser une somme fixée dans le dernier état de leurs écriture à 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La ville de Saverne soutient que :

- les requérants ne démontrent pas en quoi consiste leur préjudice, dès lors que le remplacement d'un mur de soutènement n'est en rien nécessaire à la séparation de leur propriété avec la voie publique ;

- l'aménagement réalisé apporte comme prévu une amélioration au terrain des requérants ;

- le tribunal a confondu la séparation des propriétés, que la commune s'est engagée à réaliser, et le soutènement de l'ouvrage, qui incombait au promoteur immobilier, maître d'ouvrage à hauteur de la moitié des travaux ;

- à la date de la signature de la promesse de vente, le dispositif de soutènement n'était pas envisagé ;

- la ville s'est acquittée de sa promesse en réalisant le muret prévu ;

- les requérants ont accepté la réalisation du talus qu'ils avaient souhaité et ne sauraient en faire le reproche à la ville ;

- en l'absence de demande préalable, le contentieux n'est pas lié à la hauteur des nouvelles conclusions indemnitaires, qui sont irrecevables ;

- ces conclusions sont également irrecevables dès lors qu'elles majorent le montant des indemnités en l'absence de toute aggravation du dommage ;

- la perte de jouissance d'un bien constituant l'un des attributs du droit de propriété, seule la juridiction judiciaire est compétente pour fixer l'indemnisation du préjudice subi ;

- le dommage dont ils se plaignent n'est pas constitutif d'un dommage de travaux publics ;

- la solution du talutage a été arrêtée après concertation avec les requérants, de manière à ménager un isolement visuel et sans réduire la superficie du terrain ;

- à supposer qu'il y ait un préjudice, il ne peut s'agir que d'un préjudice moral ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 :

; le rapport de Mme Monchambert, président ;

- les observations de Me Dieudonné pour la SCP Gaucher, Dieudonné, Niango, avocat de M. et Mme Abderrahmane X ;

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a retenu la responsabilité de la ville de Saverne pour ne pas avoir tenu la promesse faite le 25 octobre 1993 d'édifier un mur de soutènement le long de la propriété de M. et Mme X ; que ceux-ci relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation de la ville de Saverne à réparer le préjudice subi du fait de ce manquement à une somme de 3 000 € tandis que, pour sa part, la ville de Saverne, par la voie de l'appel incident, conteste avoir commis une faute et demande en conséquence l'annulation du jugement ;

Sur la responsabilité de la ville de Saverne :

Considérant que la ville de Saverne a acquis une parcelle de terrain située au n° 12 de la rue neuve à Saverne, en vue d'aménager une nouvelle voie publique ; qu'aux termes de l'acte de vente du 25 octobre 1993, la cession de la parcelle a été consentie sous réserve de l'engagement de la ville de Saverne de « faire édifier, au profit des époux X, acquéreurs de la maison d'habitation et du terrain attenant, un muret d'une hauteur à définir sur toute la largeur séparant leur propriété de la voie publique dont l'aménagement était projeté »; que l'engagement de réaliser un muret en limite séparative a été confirmé par courrier en date du 8 février 1995 ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne résulte ni des termes de la clause portée à l'acte de vente, ni des termes du courrier du 8 février 1995 que la ville de Saverne se soit engagée à édifier un mur de soutènement le long de la propriété des requérants ; que les travaux d'aménagement de ladite voie publique réalisés au cours de l'année 2001 ont conduit à la réalisation d'une voie en surplomb de la propriété de M. et Mme X ; que si à l'occasion de ces travaux, M. et Mme X ont accepté la mise en place sur leur parcelle d'un talutage destiné à soutenir la voie publique, cet accord a un objet distinct de la promesse consignée à l'acte de vente ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction que la ville s'est acquittée de son engagement en réalisant sur la limite séparative entre la propriété de M. et Mme X et la voie publique le muret prévu en soubassement d'un grillage d'un mètre de hauteur ; que les requérants ne contestent ni l'existence de l'ouvrage, ni ses modalités de réalisation ; que, par suite, la ville de Saverne est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a retenu sa responsabilité à raison du manquement à ses engagements et l'a, en conséquence, condamnée à verser une somme de 3 000 € à M. et Mme X ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X tant devant le Tribunal administratif de Strasbourg que devant la Cour ;

Considérant que les époux X invoquent pour la première fois en appel la responsabilité sans faute de la commune de Saverne en leur qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par la nouvelle voie publique créée au droit de la rue Neuve ;

Considérant que si les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître des atteintes portées par l'administration communale à la propriété privée immobilière, lorsque ces atteintes présentent le caractère d'une emprise irrégulière, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que M. et Mme X ont accepté, lors d'une réunion organisée le 22 janvier 2001, la mise en place sur leur parcelle d'un talutage destiné à soutenir la voie publique ; qu'ainsi, à supposer même que la mise en place de ce talus, qui n'a pas pour effet de priver M. et Mme X de la jouissance de leur propriété, soit constitutive d'une emprise, la ville de Saverne n'est pas fondée, en l'absence de tout caractère irrégulier de cette emprise, à soutenir que les conclusions présentées en appel par M et Mme X soulèvent un litige relevant de la compétence de l'ordre judiciaire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X, qui, dans leurs écritures, admettent avoir accepté la proposition de talutage qui leur a été faite lors de l'ouverture de la voie en surplomb de leur propriété, se sont, dès lors, exposés en toute connaissance de cause, aux inconvénients résultant de cette implantation ; que, par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à demander à être indemnisés des préjudices qu'ils allèguent avoir subis et dont la réalité n'est, au demeurant, pas sérieusement établie par les pièces du dossier produit tant devant les premiers juges que devant la Cour ; que, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de leurs conclusions, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité sans faute de la ville de Saverne est engagée à leur encontre;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville de Saverne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser une indemnité de 3 000 € à M. et Mme X ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. et Mme X, partie perdante, puissent se voir allouer les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner M. et Mme X à verser à la ville de Saverne la somme qu'elle réclame sur ce fondement ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement en date du 25 octobre 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la ville de Saverne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Abderrahmane X et à la ville de Saverne.

5

N°05NC01587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC01587
Date de la décision : 15/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-02-15;05nc01587 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award