La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2007 | FRANCE | N°03NC00653

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 15 février 2007, 03NC00653


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2003, complétée par un mémoire enregistré le 16 janvier 2004, présentée pour la société SOGEA EST, représentée par son représentant légal, ayant son siège social SA Lesménils, BP 69, à Pont-à-Mousson (54703), par Me Lebon, avocat ; la société SOGEA EST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-1360 en date du 1er avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné la communauté urbaine du grand Nancy à verser à M. X la somme de 13 326,18 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une somme

de 900 euros au titre des frais irrépétibles et l'a condamnée à garantir la commu...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2003, complétée par un mémoire enregistré le 16 janvier 2004, présentée pour la société SOGEA EST, représentée par son représentant légal, ayant son siège social SA Lesménils, BP 69, à Pont-à-Mousson (54703), par Me Lebon, avocat ; la société SOGEA EST demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-1360 en date du 1er avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné la communauté urbaine du grand Nancy à verser à M. X la somme de 13 326,18 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une somme de 900 euros au titre des frais irrépétibles et l'a condamnée à garantir la communauté urbaine du Grand Nancy de l'intégralité de ces condamnations ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy, sinon de rejeter l'appel en garantie de la communauté urbaine du Grand Nancy ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine du Grand Nancy une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de M. X était irrecevable, le tribunal ayant épuisé sa compétence par son jugement du 11 avril 2000 ayant rejeté la demande de la communauté urbaine du Grand Nancy tendant à voir la société SOGEA déclarée responsable des désordres survenus à l'immeuble de M. X et revêtu de l'autorité de la chose jugée ; il y a identité d'objet puisque le tribunal a regardé la communauté comme subrogée dans les droits de M. X et a donc déjà examiné les conclusions tendant à la réparation de son préjudice ; il y a identité de cause, l'action subrogatoire de la communauté ayant nécessairement le même fondement de responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics que celle de M. X ; les parties sont les mêmes compte tenu de la subrogation reconnue par le tribunal ;

- subsidiairement, l'appel en garantie de la communauté urbaine du Grand Nancy était irrecevable, se heurtant également à l'autorité de la chose jugée par le tribunal le 11 avril 2000, qui a expressément écarté la responsabilité contractuelle de l'entreprise à l'égard de la communauté ;

- à titre très subsidiaire, la responsabilité du maître d'ouvrage ne saurait être retenue en raison des multiples causes du dommage, dont l'horizon sablonneux à hauteur de la berge et le défaut de fondations de l'immeuble déjà fissuré ;

- à titre infiniment subsidiaire, la responsabilité de l'entreprise ne saurait être retenue compte tenu du jugement du 11 avril 2000 revêtu de l'autorité de la chose jugée et alors que le glissement de terrain est antérieur à la foration des tirants d'ancrage causés par l'abaissement du plan d'eau ; l'expert a relevé que les entreprises avaient pris le maximum de précautions dans la conception et la réalisation du chantier ;

- l'article 35 du CCAG ne lui est pas opposable, l'entreprise ayant suivi les prescriptions du maître d'oeuvre et la technique préconisée par le CCTP, par tubage à air comprimé, a été reconnue comme étant à l'origine du sinistre, ainsi qu'il résulte des ordres de service n° 51 et 58 imposant une autre méthode ;

- M. X n'établit pas, notamment avec la production d'un devis vieux de plus de cinq ans, que le tribunal a sous-évalué son préjudice ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 15 octobre 2003 et 26 novembre 2003, présentés pour la communauté urbaine du Grand Nancy, représentée par son président, ayant son siège 22-24 viaduc Kennedy à Nancy (54000), par Me Thiry, avocat, qui conclut au rejet de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy, sinon au rejet de la requête de la société SOGEA EST et à ce que soit mise à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de M. X était irrecevable, celui ci devant faire valoir ses droits dans le cadre de l'instance engagée par la communauté contre l'entreprise SOGEA EST ;

- le jugement du 11 avril 2000 n'était pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, étant frappé d'appel ;

- la cause juridique de l'appel en garantie de la CUGN, fondée sur la responsabilité contractuelle, n'est pas la même que celle de son précédent recours, fondé sur la responsabilité sans faute ;

- la société SOGEA EST n'établit pas que c'est la technique de forage qui est à l'origine du dommage plutôt que sa mise en oeuvre, ni l'existence de l'ordre de service de changer de technique dont elle se prévaut et qui, s'il existait, n'entraînerait pas la responsabilité du maître d'ouvrage qui n'en est pas à l'origine ;

- la société SOGEA EST, si elle estimait la technique de forage non adaptée se devait d'émettre des réserves ; à défaut elle engage sa responsabilité contractuelle ;

- la société SOGEA EST connaissait l'état de l'immeuble de M. X et les caractéristiques du sol ; ses forages sont antérieurs à l'apparition des dommages ;

- M. X n'établit pas, notamment avec la production d'un devis vieux de plus de cinq ans, que le tribunal a sous-évalué son préjudice ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2003, présenté pour M. X demeurant ... (54130), par la SCP d'avocats Gossin et Horber, qui conclut à ce que la communauté urbaine du Grand Nancy soit condamnée à lui verser une somme d'un montant de 24 302,81 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 1998 et que soit mise à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- comme l'a jugé le tribunal, à défaut d'identité d'objet, la demande de M. X ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée par le Tribunal administratif de Nancy le 11 avril 2000 ;

- le coût de réparation des dommages causés à l'immeuble doit être évalué à 19 393,95 euros, la perte de loyers à 335,39 euros et le préjudice moral à 4 573 euros ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 20 octobre 2006 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2007:

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me Larère, substituant Me Lebon, de la SCP Lebon et Mennegand, avocat de la société SOGEA EST, de Me Luisin, avocat de la communauté urbaine du grand Nancy et de Me Fort, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la demande de la société SOGEA EST :

Considérant que par un marché en date du 2 octobre 1996, la communauté urbaine du Grand Nancy a confié à un groupement d'entreprises dont la société SOGEA EST était mandataire des travaux d'aménagement de la Meurthe, consistant à effectuer le recalibrage de la rivière entre le barrage de Nancy et le parc de l'Ecorcherie sur le territoire de Nancy rive gauche et de Tomblaine, ainsi que sur Saint-Max rive droite ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux était confiée au service de la navigation du Nord-Est ; que les entreprises ont procédé au confortement des berges par enfoncement de palplanches métalliques, introduites dans le sol par percussion et, pour les maintenir verticales, enfoncé des tirants d'ancrage, par fonçage, sous les propriétés riveraines ; qu'à l'occasion de ces travaux, le 5 août 1997, des dommages ont été causés à l'immeuble de M. X situé ..., sur lequel la société SOGEA EST a effectué des travaux confortatifs ; qu'il ressort du rapport de l'expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 1998 que les dommages consistent, à l'extérieur, en l'aggravation de la fissuration du mur pignon et affectent également le mur de clôture, à l'intérieur, en des fissures qui affectent les sols carrelés des séjours des deux logements, dus également à l'absence de joints de fractionnement non conforme aux règles de l'art, et que quelques «jours» sont apparus entre les éléments de doublage en placoplâtre, certains éléments menuisés et au droit d'ouvrages en bois, désordres purement esthétiques pouvant être camouflés ; que les experts ont déterminé que la cause des dommages était un glissement de terrain localisé, le sous-sol ayant été déstabilisé par la foration des tirants d'ancrage de cinq palplanches ; que les tirants ont été mis en oeuvre par la société Sofrem sous-traitant selon le plan de positionnement fourni par la société SOGEA EST titulaire, Fondaconcept devant, pour le compte de Sogem, calculer la longueur des tirants et ancrages libres ; que la fissure principale du mur pignon s'est aggravée et d'autres sont apparues ; que si l'existence d'un horizon sablonneux à hauteur de la berge était connue, les entreprises intervenantes ont cependant pris un maximum de précautions dans la conception, le suivi et l'exécution du chantier, faute de quoi les désordres auraient été beaucoup plus importants ; enfin, que la fragilité de l'immeuble était difficilement décelable avant le début des travaux et les travaux confortatifs le mettent dans une meilleure situation de stabilité qu'avant les travaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si des fissures existaient déjà sur l'immeuble et qu'il présentait un défaut de fondations, il est constant que la foration des tirants l'a déstabilisé, amplifié les fissures existantes et provoqué l'apparition de nouvelles, sans que puisse être retenus une faute de la victime ou un cas de force majeure ; que dans ces conditions, M. X étant tiers par rapport aux travaux publics à l'origine du dommage, lequel revêt un caractère anormal et spécial, la société SOGEA EST ne peut se prévaloir du caractère injustifié de la condamnation en première instance de la communauté urbaine du Grand Nancy, maître d'ouvrage à réparer, même en l'absence de faute, le préjudice subi par l'intéressé, pour demander à être déchargée de son obligation de garantie ;

Considérant, cependant, qu'aux termes de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause : «l'entrepreneur a, à l'égard du maître de l'ouvrage, la responsabilité pécuniaire des dommages aux personnes et aux biens causés par la conduite de travaux ou les modalités de leur exécution, sauf s'il établit que cette conduite ou ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordres de service» ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les stipulations des articles G 2.00 et suivants du cahier des clauses techniques particulières du marché imposaient à l'entreprise la technique de forage par tubage à eau ou à air comprimé ; que par ordre de service n° 51 du 21 août 1997, le maître d'oeuvre a demandé à l'entreprise SOGEA EST d'étudier et de lui soumettre pour accord, pour les tirants à réaliser au droit des constructions, une technique qui ne présente pas de risques de déstabilisation des sols, le forage des tubages à l'air comprimé, pouvant être à l'origine des désordres de l'immeuble X, étant dorénavant interdit près des constructions ; que par ordre de service n° 58 du 8 septembre 1997, le maître d'oeuvre a validé pour l'avenir la méthode de forage des tirants à la tarière, proposée par l'entreprise, pour les «zones sensibles du chantier» ; que contrairement à ce qui est soutenu par la communauté urbaine du Grand Nancy, maître d'ouvrage, ces ordres de service étaient régulièrement signés en son nom par le maître d'oeuvre, le service de la navigation du Nord-Est, en application de l'article 2.5. du cahier des clauses administratives générales applicable au marché ; qu'il ne peut être reproché à la société SOGEA EST un défaut de conseil, compte tenu des circonstances peu prévisibles dans lesquelles les dommages sont survenus, ni, comme l'a relevé le tribunal s'appuyant sur les conclusions de l'expertise, aucun défaut de mise en oeuvre, celle ci ayant pris «un maximum de précautions dans la conception le suivi et l'exécution du chantier» ; que dans ces conditions, la société SOGEA EST ne pouvant être regardée comme responsable des dommages causés à l'immeuble X, ceux ci n'ayant pas été causés par la conduite de travaux ou les modalités de leur exécution adoptées par l'entreprise mais par le mode opératoire prévu au marché, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à garantir la communauté urbaine du Grand Nancy de sa condamnation ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de la communauté urbaine du Grand Nancy :

Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. X n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu au jugement du 11 avril 2000 du Tribunal administratif de Nancy ayant rejeté la demande de la communauté urbaine du Grand Nancy tendant, notamment, à voir la société SOGEA EST déclarée responsable des dommages causés à son immeuble ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que la communauté urbaine du Grand Nancy ait été subrogée dans ses droits ni même, d'ailleurs, qu'elle se soit prévalue de cette qualité ; que l'établissement public n'est donc pas fondé à soutenir, à défaut d'identité des parties entre les deux instances, que la demande dont M. X a saisi le tribunal serait irrecevable comme méconnaissant l'autorité de la chose jugée ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la communauté urbaine du Grand Nancy, maître d'ouvrage des travaux d'aménagement de la Meurthe réalisés à l'été 1997, est tenue d'indemniser M. X des dommages causés à sa propriété du fait de l'exécution des travaux ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient fait une évaluation exagérée des indemnités devant être versées par l'établissement public à ce titre ; que, dès lors, les conclusions d'appel provoqué de la communauté urbaine du Grand Nancy ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de M. X :

Considérant que l'admission de l'appel principal de la société SOGEA EST, qui conduit à décharger l'entreprise de l'obligation de garantir la communauté urbaine du Grand Nancy des indemnités qu'elle a été condamnée par les premiers juges à verser à M. X, est sans incidence sur la situation de ce dernier ; que, par suite, ses conclusions présentées devant la cour, par la voie de l'appel provoqué, et tendant à la réévaluation des dommages et intérêts fixés par les premiers juges, doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la communauté urbaine du Grand Nancy à payer à la société SOGEA EST une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société SOGEA EST, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à la communauté urbaine du Grand Nancy la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que de même ces dispositions s'opposent à la prise en compte de la demande formulée au même titre par M. X à l'encontre de la communauté urbaine du Grand Nancy ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 1er avril 2003 est annulé en tant qu'il a condamné la société SOGEA EST à garantir la communauté urbaine du Grand Nancy des condamnations prononcées au profit de M. X.

Article 2 : La communauté urbaine du Grand Nancy versera une somme de 1 000 euros à la société SOGEA EST sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SOGEA EST et les conclusions de la communauté urbaine du Grand Nancy et de M. X sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOGEA EST, à la communauté urbaine du Grand Nancy et à M. X.

2

N° 03NC00653


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : LUISIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 15/02/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 03NC00653
Numéro NOR : CETATEXT000017998566 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-02-15;03nc00653 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award