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25/01/2007 | FRANCE | N°06NC00684

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2007, 06NC00684


Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2006, présentée pour Mlle Nathalie X, élisant domicile ..., par la SCP Froussart-Liégeois, avocats ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sedan à réparer les conséquences dommageables de l'infection qu'elle a contractée lors de son accouchement par césarienne au sein de cet établissement le 17 août 2001 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de S

edan à lui verser, en réparation de ses préjudices, les sommes suivantes :

- 2 100 ...

Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2006, présentée pour Mlle Nathalie X, élisant domicile ..., par la SCP Froussart-Liégeois, avocats ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Sedan à réparer les conséquences dommageables de l'infection qu'elle a contractée lors de son accouchement par césarienne au sein de cet établissement le 17 août 2001 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sedan à lui verser, en réparation de ses préjudices, les sommes suivantes :

- 2 100 € au titre de l'incapacité temporaire totale ;

- 2 700 € au titre de l'incapacité permanente partielle ;

- 7 200 € au titre du pretium doloris ;

- 3 000 € au titre du préjudice esthétique ;

- 15 000 € au titre du préjudice moral ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Sedan à supporter les frais d'expertise taxés à 800 € ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Sedan à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité de l'établissement au titre d'une infection nosocomiale alors que l'expert avait conclu formellement à l'existence d'une telle infection contractée lors de la césarienne ; le tribunal a dénaturé le rapport d'expertise en estimant qu'il n'était pas suffisamment motivé sur ce point ;

- il convient, pour la jurisprudence immédiatement antérieure à la loi du 4 mars 2002, d'appliquer le principe selon lequel le centre hospitalier est présumé fautif et doit rapporter la preuve d'une cause étrangère ; qu'en estimant que le germe en cause était probablement présent dans l'organisme de la parturiente, le tribunal a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article L. 1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique ;

- les différents chefs de préjudice invoqués, y compris le préjudice moral lié à l‘impossibilité d'une nouvelle grossesse, sont établis ; ils ont été estimés en fonction des constatations de l'expert, qui évalue notamment à 6% le taux d'incapacité permanente partielle, à 3,5/7 le pretium doloris et à 2/7 le préjudice esthétique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2006, présenté pour le centre hospitalier de Sedan, par le cabinet Devarenne Associés, avocats ;

Le centre hospitalier de Sedan conclut :

1°) au rejet de la requête de Mlle X ;

2°) à la condamnation de Mlle X à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la loi du 4 mars 2002 n'est pas applicable au litige car la césarienne à l'origine de la prétendue maladie nosocomiale a eu lieu le 17 août 2001 soit avant la date d'application de la loi ;

- la présomption de responsabilité n'est qu'une présomption simple et l'hôpital démontre qu'il n'a commis aucune faute et a pris toutes les précautions, comme le relève l'expert ;

- de toute évidence, l'infection a ici une cause étrangère ; l'affirmation de l'expert selon laquelle il s'agit d'une infection nosocomiale n'est pas motivée, comme l'a jugé le tribunal ;

- le germe en cause, qui est extrêmement fréquent, était nécessairement présent dans l'organisme de la requérante lorsqu'elle est entrée à l'hôpital et a profité d'un hématome banal pour se développer ; malgré les conditions rigoureuses d'asepsie et d'antibiotiques post-opératoires, il n'a pas été possible d'empêcher le développement du germe ;

- subsidiairement, les prétentions indemnitaires de la requérante sont excessives ; le préjudice moral n'est pas établi et le chiffrage des autres chefs de préjudice est exagéré et devra être réduit ;

Vu les mémoires enregistrés les 15 septembre et 14 décembre 2006, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse, représentée par son directeur en exercice, par la SCP d'avouées Millot-Logier et Fontaine ;

La caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse conclut :

1°) à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement des débours exposés au profit de Mlle X ;

2°) à la condamnation du centre hospitalier de Sedan à lui rembourser une somme globale de 18 774,18 € ;

3°) à la condamnation du centre hospitalier de Sedan à lui payer une somme de 910 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Elle soutient que :

- les conclusions en remboursement de la caisse sont recevables alors même qu'elles sont formulées après l'expiration du délai d'appel ;

- le jugement est critiquable car la requérante a bien été victime d'une infection nosocomiale comme l'a constaté l'expert ; la jurisprudence antérieure à la loi de 4 mars 2002 admettait la responsabilité de plein droit de l'établissement hospitalier sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat ; la présence d'un germe commensal ne saurait exclure l'application de cette jurisprudence dès lors que l'infection a été provoquée par le séjour à l'hôpital ;

- la caisse a droit au remboursement de ses débours qui sont effectivement liés à l'infection nosocomiale ;

Vu les ordonnances du président de la 3ème chambre en date des 7 novembre et 14 décembre 2006 portant clôture puis réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique et notamment l'article L. 1142-1 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Devarenne, avocat du centre hospitalier de Sedan,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur le régime de responsabilité applicable :

Considérant qu'aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ; qu'il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002, que le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours ; qu'il n'est en revanche pas applicable aux procédures en cours relatives à des infections nosocomiales liées à des actes réalisés avant cette date ; que l'intervention par césarienne réalisée lors de l'accouchement de Mlle X et à laquelle est imputé le dommage subi par celle-ci a été pratiquée le 17 août 2001 ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de faire application, dans le présent litige, du régime de responsabilité institué par la loi du 4 mars 2002 ; que, par suite, Mlle X ne saurait utilement, et en tout état de cause, soutenir que le tribunal aurait renversé la charge de la preuve et ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 1142-1 alinéa 2 nouveau du code de la santé publique ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans les suites d'un accouchement par césarienne réalisé le 17 août 2001 au centre hospitalier de Sedan, Mlle X a présenté un hématome pelvien accompagné d'une infection de l'utérus ; qu'en dépit d'une intervention pratiquée le 1er septembre 2001 en vue de résorber cet hématome et de la mise en place d'une antibiothérapie, l'infection s'est propagée à la cavité pelvienne sous forme de péritonite diffuse et a rendu nécessaire une hystérectomie subtotale effectuée le 7 septembre suivant au centre hospitalier universitaire de Reims ; que Mlle X a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Sedan à raison des conséquences dommageables de l'infection survenue lors de la césarienne ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance du président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 11 février 2002, que le germe anérobie probablement à l'origine de l'infection est de type pepto- streptocoque ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que ce germe microbien, germe commensal très fréquent dans l'appareil génito-utérin, était présent dans l'organisme de la parturiente avant la première intervention dont elle a fait l'objet et s'est développé à l'occasion de l'hématome pelvien consécutif à la césarienne ; qu'ainsi, l'infection dont s'agit a présenté un caractère endogène ; que si l'expert indique que « la péritonite secondaire à la césarienne rentre dans le cadre des infections nosocomiales puisque survenues durant le séjour hospitalier », il n'apporte cependant aucun élément de nature à établir que cette contamination serait causée par d'autres germes que celui susmentionné et qu'elle serait consécutive à l'introduction accidentelle dans l'organisme de la requérante d'un germe, liée à l'intervention litigieuse et plus généralement aux conditions d'hospitalisation de Mlle X lors de son accouchement au centre hospitalier de Sedan ; qu'en outre, il résulte également du rapport d'expertise que le syndrome infectieux a été favorisé et entretenu par une endométrite liée à un phénomène de rétention placentaire marquée par la présence de cotylédons placentaires restants dans la cavité utérine ; que, dans ces conditions, à supposer même que la requérante n'ait pas été porteuse d'un foyer infectieux préalablement à son hospitalisation, ce qui ne ressort pas du rapport d'expertise, Mlle X n'est pas fondée à soutenir que l'infection dont elle a souffert révélerait, par elle-même, un défaut en matière d'asepsie et d'hygiène constitutive d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni Mlle X ni la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n'a pas déclaré le centre hospitalier de Sedan responsable des conséquences dommageables de l'infection dont a été victime Mlle X et a rejeté leur demande d'indemnité respective ; qu'il y lieu, par suite, de rejeter la requête de Mlle X ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse tendant au remboursement de ses débours et au versement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce le centre hospitalier de Sedan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mlle X la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer au centre hospitalier de Sedan la somme qu'il réclame à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mlle X, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse et les conclusions du centre hospitalier de Sedan sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Nathalie X, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Meuse et au centre hospitalier de Sedan.

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N° 06NC00684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00684
Date de la décision : 25/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : MILLOT-LOGIER et FONTAINE SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-01-25;06nc00684 ?
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