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25/01/2007 | FRANCE | N°05NC01394

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2007, 05NC01394


Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005, complétée par mémoire enregistré le 5 mai 1996, présentée pour Mme Catherine X, élisant domicile ..., par Me Thibaut, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 août 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ayant rejeté sa demande de titularisation dans le corps des ingénieurs de recherche, d'autre part, à en

joindre au ministre de reconstituer sa carrière et, enfin, de condamner l'Etat ...

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005, complétée par mémoire enregistré le 5 mai 1996, présentée pour Mme Catherine X, élisant domicile ..., par Me Thibaut, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 août 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ayant rejeté sa demande de titularisation dans le corps des ingénieurs de recherche, d'autre part, à enjoindre au ministre de reconstituer sa carrière et, enfin, de condamner l'Etat à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices subis du fait de ce refus de titularisation ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté le recours hiérarchique de Mme X en date du 19 février 2004 tendant à sa titularisation dans le corps des ingénieurs de recherche ;

3°) de condamner le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à lui verser une somme de 133 904 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de condamner le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le ministre de l'éducation nationale n'avait pas méconnu les dispositions de l'article 73 de la loi du 11 janvier 11984 ; en effet, la décision implicite du ministre de l'éducation nationale rejetant la demande de titularisation de la requérante est un refus illégal de prendre les décrets d'application de la loi du 11 janvier 1984 nécessaires à la titularisation des agents contractuels de la catégorie A des bibliothèques ; le délai raisonnable pour prendre ces décrets étant dépassé à la date du 1er janvier 1993 et encore plus la date de la décision attaquée, le refus du ministre est entaché d'excès de pouvoir ;

- le ministre a commis une première faute en n'ayant pas pris le décret d'application permettant la titularisation de la requérante ; cette titularisation aurait dû intervenir en 1988, date à laquelle auraient dû, selon la jurisprudence, être pris les textes d'application de la loi du 11 janvier 1984 ou, à tout le moins en 1993, la loi de finances pour 1993 ayant transformé cinq emplois d'agents sur contrat de bibliothèque de 1ère catégorie en cinq emplois d'ingénieurs de recherche de 1ère classe ;

- le ministre a, en méconnaissance de l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984, organisé des concours internes en 1993 et en 1995 sur des emplois transformés par la loi de finances pour titularisation ; il a ainsi commis un détournement de pouvoir et en outre méconnu le principe d'égalité devant la loi dans la mesure où d'autres agents contractuels ont bénéficié de mesures de titularisation ;

- l'ensemble des préjudices financiers et des troubles dans les conditions d'existence subis par la requérante du fait de cette absence de titularisation est évalué à 133 904 euros ;

- la requérante a perdu une chance sérieuse d'être titularisée en 1993 sur l'emploi créé, compte tenu de son ancienneté, du niveau de ses responsabilités et des fonctions exercées et de la transformation de son emploi en emploi d'IGR (ingénieur de recherche) 1ère classe ; l'administration ne peut pas reprocher à la requérante de ne pas avoir présenté une demande d'intégration sur le fondement du décret du 8 janvier 2003 alors que les modalités d'accès et de reclassement proposées sont inacceptables au regard des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistré les 26 décembre 2005 et 9 octobre 2006, présentés par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de Mme X ;

Il soutient que :

- la requérante n'apporte en appel aucun élément de droit nouveau ; elle avait seulement vocation à être titularisée et ne peut se prévaloir d'aucun droit à titularisation ;

- surtout, la requérante, qui était chargée de fonctions administratives, n'a pas présenté sa candidature pour bénéficier des dispositions du décret du 8 janvier 2003 fixant les conditions d'intégration de certains agents non titulaires du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et du ministère des sports et n'a pas, a fortiori, satisfait aux épreuves organisées dans le cadre de ses dispositions spécifiques et ne saurait donc prétendre à sa titularisation sur simple demande ;

- en refusant de se présenter à l'examen professionnel considéré, la requérante a sciemment choisi de ne pas utiliser les voies de droit qui auraient permis sa titularisation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative, et notamment l'article R. 613-3 selon lequel les mémoires présentés après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Thibaut, avocat de Mme X,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, agent non titulaire, recrutée en 1982 par le ministre de l'éducation nationale en qualité d' « agent sur contrat de bibliothèque de 1ère catégorie », a exercé ses fonctions en administration centrale jusqu'au 31 décembre 1994 puis au sein des services déconcentrés à l'université de Metz du 1er janvier 1995 au 31 août 1997 et à l'Institut polytechnique de Lorraine à compter du 1er septembre 1997 ; que par un recours hiérarchique en date du 19 février 2004, elle a sollicité sa titularisation dans le corps des ingénieurs de recherche ainsi que la réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait, d'une part, de son absence de titularisation à compter de 1993 et, d'autre part, d'agissements constitutifs de harcèlement de la part de ses employeurs ; que l'intéressée demande l'annulation du jugement en date du 30 août 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ayant rejeté sa demande de titularisation dans le corps des ingénieurs de recherche, d'autre part, à enjoindre au ministre de reconstituer sa carrière et, enfin, de condamner l'Etat à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices subis du fait des agissements de l'administration ;

Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractères définis à l'article 3 du titre Ier du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances (...) ; qu'aux termes de l'article 79 de la même loi : (...) des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 ci-dessus l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant l'une des modalités ci-après ou suivant l'une ou l'autre de ces modalités : 1° par voie d'examen professionnel ; 2° par voie d'inscription sur une liste d'aptitude en fonction de la valeur professionnelle des candidats (...) ; qu'aux termes de l'article 80 de la loi précitée, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 79 ci-dessus fixent : 1° Pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 peuvent accéder ; ces corps sont déterminés en tenant compte, d'une part, des fonctions réellement exercées par ces agents et du niveau et de la nature des emplois qu'ils occupent, d'autre part, des titres exigés pour l'accès à ces corps ; en tant que de besoin, des corps nouveaux peuvent être créés en application du b) de l'article 22 du présent titre ; 2° Pour chaque corps, les modalités d'accès à ce corps, le délai dont les agents non titulaires disposent pour présenter leur candidature, les conditions de classement des intéressés dans le corps d'accueil (...) ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que si les articles 73 et 74 de la loi du 11 janvier 1984 ont reconnu, sous réserve qu'ils remplissent les conditions qu'ils définissent, à certains agents non titulaires, une vocation à être titularisés sur leur demande, dans des emplois vacants ou qui seront créés par les lois de finances, il résulte des article 79 et 80 de la même loi que le législateur a confié à des décrets en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application du principe ainsi posé ; que dès lors, et en tout état de cause, faute de publication à la date de la décision attaquée de décrets en Conseil d'Etat permettant la titularisation dans le corps des ingénieurs de recherche régi par le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985, le ministre chargé de l'éducation nationale ne pouvait que rejeter la demande présentée par Mme X sur la seule base des articles 73 et 74 de la loi du 11 janvier 1984 ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande de titularisation ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X ne saurait rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de la prétendue illégalité de la décision implicite de refus susmentionnée ; qu'elle ne saurait pas davantage rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de faits de harcèlement moral dont elle n'établit pas, en tout état de cause, la réalité ;

Considérant, il est vrai, que le gouvernement avait l'obligation de prendre les décrets prévus par les articles 79 et 80 précités dans un délai raisonnable ; qu'il résulte de l'instruction que ce n'est qu'à compter de la publication du décret n° 2003-40 du 8 janvier 2003 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de certains agents non titulaires que la requérante s'est vu offrir la possibilité de bénéficier d'une intégration dans un corps de fonctionnaires de catégorie A du ministère de l'éducation nationale et correspondant aux fonctions administratives jusqu'alors exercées par celle-ci ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de Mme X tiré de l'illégalité des concours internes organisés en 1993 et 1995 sur son poste d'ingénieur de recherche de 1ère classe, la requérante est fondée à soutenir que l'Etat, qui n'a pas satisfait à l'obligation de mettre en place un dispositif de titularisation adapté à la situation de Mme X dans un délai raisonnable, a méconnu les dispositions des articles 79 et 80 et a ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la requérante d'établir la réalité du préjudice professionnel et de carrière qu'elle aurait subi en prouvant qu'elle a été privée d'une chance sérieuse d'être titularisée dans un corps de catégorie A et en particulier dans celui des ingénieurs de recherche ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit plus haut, que si Mme X avait vocation à être titularisée dans un corps de catégorie A de l'administration de l'éducation nationale, elle n'avait aucun droit à être intégrée sur simple demande dans le corps des ingénieurs de recherche ; que Mme X ne se prévaut à cet effet d'aucune disposition législative ou réglementaire d'où il résulterait qu'elle pouvait être titularisée par voie d'intégration directe dans le corps des ingénieurs de recherche créé ni même d'ailleurs dans un autre corps dont les membres ont ou auraient vocation à occuper l'emploi détenu par celle-ci ou un emploi de même nature ; que contrairement à ce que soutient la requérante, en ne retenant comme modalité de titularisation que la voie de l'examen professionnel à l'exclusion de la procédure d'intégration directe, le décret susvisé du 8 janvier 2003 n'a pas méconnu les dispositions de l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984 ; que si la requérante fait état de l'expérience acquise dans l'exercice de fonctions administratives, il résulte de l'instruction qu'elle a échoué à deux reprises aux concours internes organisés en 1993 et en 1995 dans le cadre de l'article 15 du décret susvisé du 31 décembre 1985 relatif au recrutement dans le corps des ingénieurs de recherche ; qu'elle indique s'être opposée en 1997 et 1998 à l'organisation de ce même concours interne sur son poste budgétaire ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, Mme X a volontairement renoncé à présenter une demande de titularisation dans les conditions fixées par le décret du 8 janvier 2003 et n'a pu, par suite, se présenter à l'examen professionnel organisé à cet effet ; que dans ces conditions, nonobstant la circonstance que la loi de finances pour 1993 a transformé son emploi d'agent sur contrat de bibliothèque de 1ère catégorie en un emploi d'ingénieurs de recherche de 1ère classe, la requérante n'établit pas qu'elle aurait eu des chances sérieuses d'être retenue au terme des opérations de sélection prévues par l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'indemnité ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que la Cour enjoigne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de procéder à la reconstitution de sa carrière ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Catherine X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

6

N° 05NC01394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC01394
Date de la décision : 25/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP THIBAUT - SOUCHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-01-25;05nc01394 ?
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