Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2005, complétée par un mémoire enregistré le 30 novembre 2006, présentée pour M. Maurice X élisant domicile ... et M. Jean-Marc X élisant domicile ..., par Me Lorach avocat ; MM. X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0101804 en date du 10 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1184 du 31 juillet 2001 du préfet du Jura autorisant la SARL Jacquot-Baudier à exploiter une installation de travail du bois et un dépôt de bois à Cramans et à ce qu'il soit organisé une nouvelle enquête publique concernant l'aire de stockage de bois ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'ordonner l'organisation d'une nouvelle enquête publique concernant l'aire de stockage du bois et sa suppression ;
4°) de condamner les parties défenderesses à leur verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à la fin de non-recevoir qu'ils avaient soulevée dans leur mémoire du 17 février 2005 à l'encontre de l'intervention à l'instance de la SARL Jacquot-Baudier ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges et ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise, il y a bien un lien de causalité entre les dommages subis et l'exploitation autorisée par l'arrêté du préfet ;
- le préfet n'a pas fait respecter la distance minimale de 100 m imposée par l'arrêté du 3 avril 2000 entre les dépôts de bois et les zones de loisirs ; or leur terrain contigu, constitué d'un potager et d'un jardin d'agrément est bien constitutif d'une telle zone de loisirs, distant de seulement 83 m de l'aire de stockage (parcelle 177) ;
- le bassin de récupération des eaux est à moins d'un mètre de leur terrain (parcelle 151), avec une menace d'effondrement des berges lors du passage du tracteur de leur fermier ;
- l'aire a été autorisée en pleine agglomération, alors qu'ils bénéficient de l'antériorité d'installation ;
- le préfet n'a jamais exigé la mise en place de l'affichage légal d'avertissement apposé sur toutes les autres aires de la région, ainsi qu'un portail ; la barre d'accès est d'ailleurs toujours ouverte ;
- la SARL Jacquot-Baudier bénéficie d'une extension et d'une nouvelle voie d'accès en plein village sans concertation et sans rien débourser, tirant profit de ce que le co-gérant de l'entreprise est également membre du conseil municipal ;
- la nouvelle entrée-sortie d'usine, résultant des ventes de parcelles consenties par la commune à l'entreprise à l'été 2002, aurait dû être abordée par l'enquête publique ;
- le préfet a décidé d'intégrer dans les installations de la SARL Jacquot-Baudier une activité de rubrique 1531 «aire de stockage par voie humide de bois non traité chimiquement» au lieu et place de l'activité initialement déclarée par la commune sous la rubrique 1530 «dépôt de bois, papier, carton et matériaux combustibles analogues»; cette fausse déclaration ou vice de forme invalide tant l'arrêté du préfet que le récépissé 66/2000 ;
- l'adjonction de l'aire de stockage aux installations déjà existantes porte la capacité de stockage dont dispose la SARL Jacquot-Baudier à plus de 20 000 m3 et la simple déclaration faite est insuffisante ;
- aucune mesure de bruit n'a été réalisée par un organisme indépendant comme il a été demandé dans le rapport de l'enquête publique ;
- la SARL Jacquot-Baudier n'a pas informé l'inspection des installations classées des incidents, en violation de l'arrêté du 3 avril 2000 ;
- l'aire devra être supprimée, les besoins liés à la tempête ayant disparu ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2006, présenté par le ministre de l'écologie et du développement durable qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la SARL Jacquot-Baudier, bénéficiaire de l'autorisation, est recevable dans son intervention, ayant intérêt au maintien de l'arrêté ;
- l'aire de stockage de bois est exploitée sur les parcelles 177, 178, 179 et 185 dans la commune de Cramans sur le fondement d'un récépissé de déclaration délivré le 12 mai 2000 à la SARL Jacquot-Baudier, alors que l'arrêté contesté du 31 juillet 2001 n'a eu pour effet que de délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de travail du bois et un dépôt de bois sur les parcelles 31 et 134 section ZE du plan cadastral de la commune ; dés lors les moyens dirigés contre cet arrêté et relatifs aux conditions d'exploitation de l'aire de stockage de bois sont inopérants ;
- les préjudices invoqués ne sont pas établis ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2006, présenté par la SARL Jacquot-Baudier qui conclut au rejet de la requête et à ce que MM. X soient condamnés à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Elle soutient que :
- étant la bénéficiaire de l'autorisation, elle est partie à l'instance, ayant intérêt au maintien de l'arrêté ;
- l'aire de stockage de bois humide ne peut être considérée comme une extension de son activité : chacune de ces installations se situe sur des propriétés distinctes, leurs activités sont distinctes et elles ont été initiées par deux personnes juridiques également distinctes ;
- elle n'était pas en droit d'intégrer à son activité l'exploitation de l'aire de stockage de bois dont le maître d'ouvrage est la commune de Cramans et qui a pour seul objet de répondre à l'urgence créée par la tempête ; au demeurant, elle a déposé sa demande d'autorisation le 9 mars 2000 alors que la commune a déposé sa déclaration le 19 avril suivant ;
- à la date du dépôt de déclaration par la commune, le gestionnaire futur du site n'était pas encore déterminé ; elle n'est intervenue qu'en qualité de prestataire de service pour le compte de la commune qui a perçu en sa qualité de maître d'ouvrage du site une subvention exceptionnelle ;
- le préfet a néanmoins pris en compte les éléments synergiques du site et les nuisances de l'aire de stockage ont été appréciées pour la délivrance de l'autorisation ; aussi est-elle visée dans l'annexe I de l'arrêté d'autorisation et le conseil départemental d'hygiène l'avait prise en compte pour émettre son avis ;
- l'aire de stockage de moins de 20 000 m3 est soumise à déclaration, ne nécessitant pas d'enquête publique ;
- la proximité entre l'aire de stockage et l'exploitation n'a pas pour effet de modifier la demande initiale de l'exploitant car elle n'avait pas pour conséquence d'aggraver les nuisances d'une activité similaire soumise à autorisation ; son installation a d'ailleurs fait l'objet d'une étude indépendante ;
- à les supposer établis, l'existence de dommages n'est pas susceptible d'entacher un acte d'illégalité ; les terrains des requérants subissent une inondation naturelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu l'arrêté en date du 3 avril 2000 du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement relatif aux prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous la rubrique n° 1531 «stockages par voie humide (immersion ou aspersion) de bois non traité chimiquement» ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2006 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,
- les observations de Me Barrail, de la SCP Coppi - Grillon - Brocard, avocat de l'entreprise Jacquot Baudier «La Palette Comtoise»,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que la SARL Jacquot-Baudier, étant la bénéficiaire de l'autorisation d'exploiter délivrée par la décision attaquée et par suite une partie à l'instance, les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité en ne répondant pas au moyen inopérant tiré par les requérants de l'irrecevabilité de son intervention ;
Sur la légalité de l'arrêté :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : «Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.(…)» ; qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 512-1 du même code : «Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. La délivrance de l'autorisation, pour ces installations, peut être subordonnée notamment à leur éloignement des habitations, immeubles habituellement occupés par des tiers, établissements recevant du public, cours d'eau, voies de communication, captages d'eau, ou des zones destinées à l'habitation par des documents d'urbanisme opposables aux tiers. Elle prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 ; qu'aux termes de l'article L. 512-2 du même code : «L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet, après enquête publique relative aux incidences éventuelles du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et après avis des conseils municipaux intéressés» ; qu'enfin son article L. 512-8 dispose : «Sont soumises à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1.» ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la tempête de décembre 1999, la commune de Cramans a confié au syndicat d'électricité et d'équipement collectif la maîtrise d'ouvrage pour la réalisation d'une aire de stockage du bois, sur un terrain communal contigu de celui de l'entreprise SARL Jacquot-Baudier ; que le syndicat a déposé le 19 avril 2000 un dossier de déclaration pour la création d'une plate forme pour le dépôt de bois et son arrosage ; que le récépissé en a été délivré le 12 mai 2000, au nom de la SARL Jacquot-Baudier, à qui la gestion de l'aire de stockage a été confiée par contrat du 20 juillet 2000 passé avec la commune de Cramans ; que la SARL Jacquot-Baudier a déposé le 9 mars 2000 une demande d'autorisation d'exploiter pour son activité de fabrication de palettes, caisses et emballages spéciaux en bois avec une puissance motrice utilisée de 603 kw (rubrique n° 2410 de la nomenclature des installations classées) ; qu'une enquête publique a été réalisée du 22 mai au 26 juin 2000, suivie de l'avis favorable du commissaire-enquêteur en date du 29 juin 2000 ; que par l'arrêté attaqué n° 1184 du 31 juillet 2001, le préfet du Jura, a autorisé la SARL Jacquot-Baudier à exploiter une installation de travail du bois et un dépôt de bois à Cramans ; que le champ de l'autorisation décrit à l'article I et à l'annexe I soumet à ses prescriptions les activités soumises à déclaration, dont l'aire de stockage, ayant donné lieu à délivrance du récépissé susmentionné en date du 12 mai 2000 ; que l'installation de stockage de bois a cessé d'être exploitée le 1er avril 2005 ;
Considérant, en premier lieu, que si les consorts X soutiennent que le préfet n'a jamais exigé la mise en place de l'affichage légal d'avertissement apposé sur toutes les autres aires de la région, ainsi qu'un portail, que la barre d'accès est d'ailleurs toujours ouverte, que la SARL Jacquot-Baudier n'a pas informé l'inspection des installations classées des incidents survenus liés à l'exploitation de l'aire de stockage, en violation de l'arrêté du 3 avril 2000, que le préfet n'a pas fait respecter la distance minimale de 100 m imposée par l'arrêté du 3 avril 2000 entre les dépôts de bois et les zones de loisirs, que le bassin de récupération des eaux est à moins d'un mètre de leur terrain, créant un risque d'effondrement des berges lors du passage du tracteur de leur fermier, que la SARL Jacquot-Baudier bénéficie d'une extension et d'une nouvelle voie d'accès en plein village en tirant profit de ce que le co-gérant de l'entreprise est également membre du conseil municipal, que la nouvelle entrée-sortie d'usine, résultant des ventes de parcelles consenties par la commune à l'entreprise à l'été 2002, aurait dû être abordée par l'enquête publique, que le préfet a illégalement décidé d'intégrer dans les installations de la SARL Jacquot-Baudier une activité de rubrique 1531 «aire de stockage par voie humide de bois non traité chimiquement» au lieu et place de l'activité initialement déclarée par la commune sous la rubrique 1530, qu'existerait un lien de causalité entre les inondations de leur terrain agricole et l'exploitation autorisée par l'arrêté du préfet, que l'aire de stockage a été autorisée en pleine agglomération, alors qu'ils bénéficient de l'antériorité d'installation, enfin, que son adjonction aux installations déjà existantes porterait la capacité de stockage dont dispose la SARL Jacquot-Baudier à plus de 20 000 m3, rendant la simple déclaration faite insuffisante, ces moyens sont inopérants à l'encontre de l'arrêté attaqué ;
Considérant, en second lieu, qu'il est constant que le commissaire enquêteur a émis un avis favorable non assorti de réserves à la demande de la SARL Jacquot-Baudier ; que s il a exprimé la recommandation que ce projet soit accompagné d'une mesure de bruits en limite de la propriété X, il a ainsi exprimé des voeux qui ne sauraient être regardés comme des réserves ou des conditions auxquelles aurait été subordonné le caractère favorable de l'avis émis ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au préfet de se conformer aux suggestions ou recommandations émises par le commissaire enquêteur dans son rapport ; que par suite le moyen tiré de ce qu'aucune mesure de bruit n'a été réalisée ainsi qu'il a été demandé dans le rapport de l'enquête publique ne peut qu'être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que, compte tenu de ce qui précède, les conclusions tendant à ce que la Cour ordonne, d'une part, l'organisation d'une nouvelle enquête publique concernant l'aire de stockage du bois et, d'autre part, sa suppression, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner les consorts X à payer à la SARL Jacquot-Baudier une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Jacquot-Baudier, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser aux consorts X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MM. X est rejetée.
Article 2 : M. Maurice X et M. Jean-Marc X verseront, ensemble, une somme de 1 000 euros à la SARL Jacquot-Baudier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Maurice X, à M. Jean-Marc X, au ministre de l'écologie et du développement durable et à la SARL Jacquot-Baudier.
7
N° 05NC00586