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14/12/2006 | FRANCE | N°04NC00486

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2006, 04NC00486


Vu la requête, enregistrée au greffe le 4 juin 2004, complétée par mémoire enregistré le 9 octobre 2006, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, représenté par son directeur en exercice, ayant son siège 2 Place Saint-Jacques à Besançon (25000), par Me Vilmin, avocat ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser diverses indemnités à M. X, en réparation des conséquences dommageables de l'i

nfection nosocomiale contractée par celui-ci au sein de cet établissement, et à rem...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 4 juin 2004, complétée par mémoire enregistré le 9 octobre 2006, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, représenté par son directeur en exercice, ayant son siège 2 Place Saint-Jacques à Besançon (25000), par Me Vilmin, avocat ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser diverses indemnités à M. X, en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par celui-ci au sein de cet établissement, et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et à la Caisse suisse de compensation les débours exposés au profit de la victime ;

2°) - d'ordonner une nouvelle expertise ou à défaut de rejeter les demandes présentées par M. X, par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et par la Caisse suisse de compensation ;

Il soutient que :

- la réalité de l'infection nosocomiale n'est plus contestée mais l'imputabilité des séquelles à cette infection n'est pas démontrée ; le tribunal a écarté à tort le moyen en défense selon lequel les séquelles ne sauraient être imputées totalement à l'infection nosocomiale ;

- il faut en effet tenir compte de l'état antérieur du patient avant son hospitalisation à Besançon dès lors que celui-ci présentait des lombalgies très invalidantes liées à plusieurs accidents ; si l'expert indique que l'infection aurait été à l'origine d'une escalade chirurgicale, à aucun moment il n'est précisé que les interventions réalisées auraient aggravé l'état de santé antérieur de M. X ; il n'est pas établi par l'expert que les rechutes postérieures aux interventions de 1986 et 1993 soient liées à l'infection nosocomiale ; en dépit de ces interventions qualifiées de succès, l'état de la victime ne s'est en effet pas amélioré ;

- le préjudice directement lié à la faute de l'hôpital devra être déterminé par une nouvelle expertise et se limite pour l'essentiel à une incapacité temporaire totale de deux mois liée à l'intervention en 1984 ;

- la responsabilité du requérant ne peut être engagée sur le terrain du défaut d'information car M. X devait de toute façon recourir à la chirurgie, seul traitement pouvant apporter une amélioration à son état de santé ;

- le préjudice est surévalué et doit en tout état de cause être déterminé conformément aux règles de la prescription quadriennale appliquées à bon droit par le tribunal ; par conséquent, il n'y a pas lieu, comme l'a fait le tribunal, de prendre en considération les créances antérieures au 1er janvier 1996 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 18 août 2004 et le 12 octobre 2006, présentés pour M. Richard X, élisant domicile ..., par Me Vilmin, avocat ;

M. X conclut :

1°) au rejet de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON ;

Il soutient à cet effet que :

- l'expert a admis la probabilité d'une infection nosocomiale en se fondant sur les constatations faites lors de la deuxième opération le 3 avril 1986 à l‘hôpital Edouard-Herriot de Lyon ;

- le lien de causalité est précisé par l'expert qui indique que l'infection nosocomiale a compromis le résultat de la première intervention, a été un élément déterminant dans l'échec de la greffe postérieure et a été à l'origine du cycle chirurgical lourd mis en oeuvre ultérieurement ;

- l'hôpital a manqué à son devoir d'information, d'autant que le spondylolisthésis peut être traité autrement que par une intervention chirurgicale ;

- la demande d'une nouvelle expertise doit être rejetée ;

2°) par la voie d'un recours incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a limité le montant de certaines indemnités et a commis une erreur de calcul dans l'imputation de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ;

Il soutient à cet effet que :

- le requérant a subi des gênes dans les gestes de la vie courante liés à une incapacité temporaire partielle de plus de neuf ans, ce qui justifie une indemnité de 99 900 € ; les pertes de revenus de M. X durant la période d'incapacité temporaire sont évaluées à 303 774,42 € ; le préjudice séquellaire est évalué à 45 000 € ;

- l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle depuis 1989 entraîne un préjudice en matière de retraite, l'intéressé n'ayant pu cotiser depuis cette date, qui est évalué à 222 447,10 €, montant du capital représentatif des rentes viagères ;

- le pretium doloris, estimé à 3/7, est évalué à 15 000 € ; le préjudice d'agrément, omis à tort par l'expert, est évalué à 10 000 € ; le préjudice esthétique estimé à 3/7, est évalué à 7 000 € ;

- les frais de déplacement d'environ 2 000 € doivent lui être remboursés ;

3°) au rejet de la demande de remboursement présentée par la caisse de compensation suisse ;

Il soutient que la créance de la caisse suisse n'est pas suffisamment précisée ;

4°) à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON à lui payer une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires, enregistrés le 21 septembre 2004 et les 20 juin, 16 août et 2 octobre 2006, présentés pour la Caisse suisse de compensation, élisant domicile A.E. Vaucher 18 CH 1211 Genève, par Me Pauly, avocat ;

La Caisse suisse de compensation conclut :

1°) au rejet de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON ;

2°) par la voie d'un recours incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a limité ses prétentions en raison de la prescription quadriennale et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON à lui verser la contre-valeur en euros d'une somme de 38 075 francs suisses en remboursement des indemnités journalières versées à M. X, d'une somme de 291 900 francs suisses en remboursement des arrérages de rentes versés à ce dernier et, enfin, d'une somme de 155 934 francs suisses au titre du capital représentatif de la rente d'invalidité ;

Elle soutient que la responsabilité du requérant est engagée et que le montant des prestations est établi :

3°) à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON à lui payer une somme de 1 525 € au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2004, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain par la SCP d'avocats Michel-Frey-Michel-Bauer-Berna ;

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain conclut :

1°) au rejet de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON ;

Elle soutient que la responsabilité de l'hôpital est établie ;

2°) par la voie d'un recours incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a limité le montant du remboursement de ses débours ;

Elle soutient à cet effet que c'est à tort que le tribunal a écarté les frais médicaux et pharmaceutiques au motif qu'ils n'étaient pas datés et qui sont justifiés pour un montant de 5 407,35 € ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2006 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Canonica pour Me Vilmin, avocate du CENTRE HOSPITALIER DE BESANÇON,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a, compte-tenu de la date de consolidation définitive de l'état de santé de M. X fixée au 4 décembre 2000, écarté l'exception de prescription quadriennale pour les dommages se rattachant aux incapacités permanentes, aux souffrances physiques, au préjudice esthétique et aux troubles dans les conditions d'existence ; qu'en revanche, le tribunal a considéré que la prescription, opposable à M. X et aux caisses de sécurité sociale, était acquise pour toutes les créances susceptibles de se rattacher aux années antérieures au 1er janvier 1996 et se rapportant aux frais médicaux et pharmaceutiques, pertes de revenus et autres préjudices matériels ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ne demande pas la réformation sur ce point du jugement ; que, pour leur part, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON et M. X demandent à la Cour de confirmer les motifs du jugement susmentionnés ; qu'à supposer que la Caisse suisse de compensation ait entendu contester sur ce point le jugement, elle se borne à renvoyer à l'appréciation de la Cour, sans même critiquer les motifs des premiers juges, et ne met pas ainsi le juge d'appel en mesure d'apprécier l'erreur qu'aurait éventuellement commise le tribunal en accueillant partiellement l'exception de prescription quadriennale opposée par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON ; que, par suite, il n'y a pas lieu de réformer sur ce point ledit jugement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que dans le dernier état de ses écritures, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, qui indique avoir retrouvé le dossier médical de M. X, reconnaît que l'intéressé a été victime d'une infection nosocomiale lors de son hospitalisation en 1984 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a considéré que la survenue de cette contamination révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON ;

Sur le préjudice :

Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas à la Cour de statuer en pleine connaissance de cause sur l'étendue du préjudice de M. X imputable à l'infection nosocomiale dont s'agit ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner un complément d'expertise dans les conditions définies ci-dessous ;

DECIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur la requête susvisée du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, il sera procédé à un complément d'expertise médicale.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour administrative d'appel. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R.621-2 à R.621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : Il aura pour mission d'apporter les précisions ci-dessous demandées aux fins notamment de déterminer le lien de causalité direct entre les séquelles dont est atteint M. X et la faute du service public hospitalier.

Il lui appartiendra à cet effet :

- de consulter l'entier dossier médical du requérant, et en particulier le dossier médical détenu par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, et, si besoin, de procéder à un nouvel examen de l'intéressé ;

- d'apporter toutes précisions sur la nature du germe microbien en cause et ses effets pathogènes habituels ;

- d'indiquer si et dans quelle mesure l'infection nosocomiale post-opératoire, à l'origine de l'échec de l'intervention du 11 septembre 1984 à Besançon justifiant une reprise chirurgicale le 3 avril 1986 à Lyon, est également à l'origine du cycle chirurgical mis en oeuvre ultérieurement et notamment des interventions pratiquées le 23 mars 1993, le 27 mars 1995 et le 4 septembre 2000 ;

- d'apporter toutes informations sur les raisons pour lesquelles les différentes interventions, et en particulier celles effectuées à compter de 1993, n'ont pas permis d'améliorer l'état de santé de M. X et préciser si l'infection nosocomiale a eu une incidence sur l'inefficacité de ces interventions ;

- de préciser si les séquelles lombalgiques invalidantes sont exclusivement imputables à l'infection nosocomiale ou sont, au moins en partie, en relation avec l'état pathologique antérieur du patient et les accidents traumatiques qu'il a subis en 1963 et 1990 ainsi qu'avec l'évolution prévisible de la pathologie ;

- d'évaluer le taux global d'incapacité permanente partielle consécutif aux séquelles fonctionnelles liées aux lombalgies et aux troubles neurologiques et, dans le cas où les séquelles ne seraient pas exclusivement imputables à la faute du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, préciser la part des séquelles (incapacités temporaires, souffrances physiques, préjudice esthétique) et le taux d'incapacité permanente partielle imputables à la seule infection nosocomiale.

Article 4 : L'expertise sera réalisée en présence du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, de M. X, de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et de la Caisse suisse de compensation.

Article 5 : Les frais d'expertise, ainsi que tous droits et moyens des parties autres que ceux sur lesquels il a été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BESANÇON, à M. Richard X, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et à la Caisse suisse de compensation.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2006, à laquelle siègeaient :

M. Desramé, président de chambre,

Mme Monchambert, président,

M. Martinez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2006.

Le rapporteur, Le président,

Signé : J. MARTINEZ Signé : J-F DESRAMÉ

Le greffier,

Signé : J. CHAPOTOT

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04NC00486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04NC00486
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : VILMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-12-14;04nc00486 ?
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