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14/12/2006 | FRANCE | N°03NC00707

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2006, 03NC00707


Vu le recours, enregistré le 17 juillet 2003, complété par un mémoire enregistré le 24 septembre 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 99-2142 / 99-2146 du 18 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la SA Meubles X, venant aux droits de l'EURL société européenne d'investissement (S.E.D.I.), dissoute par confusion de patrimoines, d'une part, la réduction du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au tit

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Vu le recours, enregistré le 17 juillet 2003, complété par un mémoire enregistré le 24 septembre 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Il demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 99-2142 / 99-2146 du 18 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la SA Meubles X, venant aux droits de l'EURL société européenne d'investissement (S.E.D.I.), dissoute par confusion de patrimoines, d'une part, la réduction du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 1991, d'autre part, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'exercice susmentionné ;

2°) de remettre à la charge de l'EURL « S.E.D.I », les impositions dont elle a obtenu la décharge, à savoir : s'agissant de l'impôt sur les sociétés : 885 621,92 euros (5 809 299 F) en droits et 79 705,99 euros (522 837 F) en intérêts de retard ; s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée : 1 190 478,19 euros (7 809 025 F) en droits, et 105 167,50 euros (689 854 F) en intérêts de retard ;

Il soutient que :

- il ressort des clauses des contrats de franchise et de location des biens, consentis par le groupe X, et sa filiale « S.E.D.I », à cinq partenaires franchisés, que ces derniers ont, en réalité, conclu un achat de biens immobiliers avec réserve de propriété, et non pas une location avec option d'achat ; il suit de là que le produit des ventes en cause devait être rattaché aux exercices durant lesquels les contrats avaient été conclus et les biens livrés aux preneurs ; le transfert de propriété constitue également le fait générateur et la date d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, dont l'assiette est le prix convenu entre les parties au contrat ;

- à supposer que ces contrats soient regardés comme régissant l'usage des biens, la prestation correspondante aurait donné lieu à un produit imposable dès la signature de la convention ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés au greffe les 14 juin et 27 octobre 2004 les mémoires en défense présentés pour la SA Meubles X, venant aux droits de sa filiale dissoute, l'EURL « S.E.D.I. », représentée par M. Philippe X, président du Directoire, par Me Rutschmann, avocat à la Cour ;

La SA Meubles X conclut au rejet du recours du ministre, à la confirmation du jugement attaqué, et à ce que l'Etat lui verse une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- les contrats conclus avec les franchisés qui leur concèdent un usage des biens nécessaires à l'exploitation, durant une période probatoire, ne peuvent être regardés comme ayant abouti à leur vente immédiate, dont la réalité est contredite par plusieurs clauses, et par l'absence de transcription sur le Livre Foncier ; les modalités financières de ces contrats confirment qu'il s'agissait du louage et non de la vente des biens du franchiseur, par l'EURL « S.E.D.I » ;

- c'est au terme d'une analyse erronée de ces conventions que le ministre estime, en appel, qu'il y a eu vente avec réserve de propriété ;

- à titre subsidiaire, le fait générateur de l'impôt sur les sociétés se situerait lors du transfert de propriété, au terme du contrat, à supposer que celui-ci s'analyse comme une vente avec réserve de propriété, comme il résulte de la réponse ministérielle à M. DelahaisY, député publiée le 11 février 1991 ; en outre, ce transfert de propriété n'a jamais eu lieu en l'espèce ;

- le fait générateur et l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvaient se situer qu'à la date de cet éventuel transfert de propriété, conformément à l'article 256 II 3e c, et à la doctrine reprise sous référence 8 A 122 ;

Vu, enregistré au greffe le 15 novembre 2006, le nouveau mémoire présenté pour la SA Meubles X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 novembre 2006 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'EURL « Société européenne d'investissement » dite « S.E.D.I », alors filiale de la SA « Meubles X », a été initialement imposée au titre de l'exercice clos en 1991, à raison des loyers qu'elle percevait des entreprises franchisées du groupe « X », dans le cadre des opérations immobilières qu'elle assurait pour le compte de ce dernier et consistant à mettre à la disposition de ses partenaires commerciaux les locaux et équipements nécessaires à leurs activités ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a rehaussé les bases de l'impôt sur les sociétés, ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée, auxquels l'EURL était assujettie, après avoir estimé que les conventions conclues avec cinq entreprises franchisées devaient s'analyser comme des ventes réalisées au cours de l'exercice sus-mentionné ; que la SA « Meubles X », venant aux droits de l'EURL « S.E.D.I. », dissoute par confusion des patrimoines le 31 janvier 1999, a saisi le 6 juillet suivant le Tribunal administratif de Strasbourg de deux demandes, en vue d'obtenir la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée résultant du chef de redressement sus-évoqué ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement du 19 février 2003 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant que, par ses articles 1 à 3, il a accordé à l'EURL « S.E.D.I. » la décharge des impositions sus-mentionnées ;

Sur les suppléments d'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'en application du 1. de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209-I du même code, le bénéfice imposable est « … déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises … » ; que le 2 bis de l'article 38 précise que « … les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes … » ; que sur le fondement de ces dispositions, l'administration a réintégré, parmi les produits imposables de l'EURL « S.E.D.I. » au titre de l'exercice 1991, cinq ventes de biens immobiliers, réputées réalisées avec des entreprises franchisées du groupe « X » ; que pour contester le jugement attaqué, qui a estimé que les ventes en cause n'avaient pu être effectuées au cours de l'exercice 1991, le ministre fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que chacune de ces transactions s'analyse comme une vente avec clause de réserve de propriété jusqu'au paiement complet du prix ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2.3.7. de chacune des conventions conclues avec les entreprises franchisées : « Le preneur pourra mettre fin au contrat pour l'un quelconque des termes de paiement convenus aux conditions particulières aux annexes, en avisant le loueur de son intention par lettre recommandée avec accusé de réception et en respectant un préavis de six mois » ; que le ministre fait valoir que cette faculté de résiliation apparaît dépourvue de toute portée, dès lors qu'elle ne modifie pas l'obligation du preneur au paiement de l'intégralité du prix des biens, dont il a eu la libre disposition jusqu'à l'éventuelle rupture du contrat ; que, toutefois, cette possibilité de résiliation qui est offerte aux preneurs à chaque échéance des loyers, n'a pas d'autre conséquence financière que le paiement d'une indemnité spécifique régie par l'article 2.3.8. suivant, distincte de la valeur des biens ; qu'en outre ce dernier article exonère alors formellement le loueur…« de son obligation de reprise des matériels et équipements objet du présent contrat… » ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le preneur serait, en toute hypothèse, débiteur du prix convenu pour acquérir la totalité des biens mis à sa disposition lors de la signature du contrat, n'est pas fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le transfert du droit de propriété soit imposé au terme d'une période probatoire de quatre ans ne suffit pas à établir que la vente était parfaite dès la signature de la convention dès lors que cette obligation de reprise des biens est subordonnée à la condition formelle de l'exécution de celle-ci jusqu'au terme de cette période, et cesse dans divers cas, incluant celui, sus-analysé, régi par l'article 2.3.7. ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas des termes de l'article 2.3.3. que la perte éventuelle des locaux ou des matériels soit à la charge du preneur ;

Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la convention ne rend pas l'entreprise franchisée d'emblée débitrice du prix des locaux et matériels, lequel ferait l'objet de versements étalés sur la période convenue ; que l'annexe du contrat distingue expressément les indemnités de mise à disposition du bâtiment et de ses aménagements, payables par mensualités progressives, et le prix de rachat de l'immeuble et de ses accessoires ; que l'article 2.1.1. du contrat précise que celui-ci a pour objet « … de transférer au preneur, pendant la période contractuelle et moyennant le paiement du prix convenu, l'usage exclusif des locaux , aménagements, installations … » ; que selon l'article 2.4.5. : « Le prix convenu au profit du loueur est la contrepartie de l'usage exclusif des locaux, matériels et équipements objet du contrat … » ; qu'il résulte en outre des éléments du dossier que les sommes versées par les franchisés correspondent uniquement à la location des biens mis à leur disposition, et non au financement à crédit de l'achat des immeubles, dont d'ailleurs aucun n'a été concrétisé ;

Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que les conventions étaient conclues pour une durée non renouvelable de quatre ans, que le ministre met en relation avec la qualité de marchande de biens de la « S.E.D.I », n'a par elle-même aucune incidence sur la nature de la transaction conclue avec les franchisés, qui se déduit des clauses des conventions sus-analysées ; qu'au demeurant, la « C.E.D.I » pouvait, à son choix, revendre ou conserver les biens qu'elle possédait, selon la politique immobilière du groupe auquel elle se rattachait ;

Considérant qu'il résulte de tous ces éléments que le ministre n'établit pas que, dès la signature des contrats conclus par la « C.E.DI. » avec des entreprises franchisées du groupe « X », la vente des locaux et équipements mis à leur disposition durant une période probatoire de quatre années aurait, en réalité, été conclue avec une clause de réserve de propriété ; qu'il suit de là que le produit de ces ventes prétendues ne pouvait être rattaché à l'exercice 1991 durant lequel ces conventions avaient été signées ;

Considérant enfin que si, à titre subsidiaire, le ministre soutient que le contrat d'usage s'il est admis comme tel, devrait néanmoins être regardé comme assurant une prestation unique et achevée dès la conclusion du contrat au profit du locataire, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les preneurs versaient des loyers en contrepartie de la mise à leur disposition des locaux et de leurs aménagements ; que dès lors, trouvaient à s'appliquer en l'espèce les dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, selon lesquelles ces produits doivent être pris en compte…« pour les prestations continues rémunérées notamment par … des loyers … au fur et à mesure de l'exécution … » ; que ce moyen subsidiaire soulevé en appel ne peut qu'être écarté ;

Sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que, compte tenu des éléments sus-analysés, l'administration n'était pas fondée à appliquer en l'espèce les dispositions spécifiques du 7e de l'article 257 du code général des impôts régissant la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée, des « … opérations concourant à la production ou la livraison d'immeubles … » incluant notamment « les ventes d'immeubles » ; que le service ne pouvait, sur ce fondement légal, rehausser la base de la taxe due par l'EURL « C.E.D.I », en y incluant l'ensemble des cessions d'immeubles réputées effectuées au cours de la période correspondant à l'exercice 1991, en faveur des entreprises franchisées sus-évoquées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1 à 3 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à l'EURL « S.E.D.I. » la décharge des impositions consécutives au redressement sus-analysé ;

Sur les conclusions de la défenderesse en appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de faire verser par l'Etat à la SA X, une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par elle, et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SA X.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, et à la SA Meubles X.

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N° 03NC00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 03NC00707
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : RUTSCHMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-12-14;03nc00707 ?
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