Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2006 , présentée par le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE ;
Le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0600511 en date du 31 mars 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté en date du 27 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ahmet X et fixant la Turquie comme pays de renvoi ;
Il soutient que :
- le premier juge a estimé que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales était méconnu, alors que M. Ahmet X n'a pas d'enfant, a des attaches familiales en Turquie, peut bénéficier d'un regroupement familial avec son épouse turque ou peut vivre avec elle en Turquie ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la même convention n'est assorti d'aucun élément nouveau depuis le rejet de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié ;
- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise sur les conséquences de la mesure d'éloignement pour la situation personnelle de l'intéressé ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2006, présenté pour M. X par Me Levi-Cyferman, avocat ; M. X demande le rejet de la requête du PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE ;
Il fait valoir que :
- il est marié depuis trois ans à une compatriote, titulaire d'une carte de résident de dix ans, actuellement enceinte, et qu'une partie de sa famille vit en France ; que c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre méconnaissait les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Vu la décision du 29 septembre 2006 du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à M. X ;
Vu, en date du 22 septembre 2006, l'arrêt décidant la réouverture de l'instruction de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2006 :
- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,
- les observations de Me Levi-Cyferman, avocat de M. X,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, qui est entré irrégulièrement en France en août 2002, s'est marié en avril 2003 à une compatriote, titulaire d'une carte de résident ; que si Mme X est enceinte, le couple n'avait pas d'enfant à la date de la décision attaquée ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière et à la faculté pour Mme X de déposer une demande tendant à bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué ne porte pas au respect de la vie familiale de l'intéressé, qui a conservé en Turquie des attaches familiales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté attaqué ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X devant le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nancy ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il parle français et qu'il a été en mesure de faire face aux besoins financiers de sa famille, il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant, enfin, que M. X n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il serait personnellement exposé à un risque de traitements inhumains ou d'atteinte à sa vie en cas de retour en Turquie ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision fixant le pays de renvoi ne saurait être retenu ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE MEURTHE-ET-MOSELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté en date du 27 mars 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ahmet X et fixant la Turquie comme pays de renvoi ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 mars 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmet X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
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N° 06NC00599