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30/11/2006 | FRANCE | N°06NC00275

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2006, 06NC00275


Vu la requête, enregistrée au greffe le 17 février 2006, complétée par mémoires enregistrés les 20 juillet et 3 octobre 2006, présentée pour M. François , élisant domicile ..., par Me Roller, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Besançon en date du 17 novembre 2004 ayant prononcé à son encontre la sanction de l'abaissement d'échelon et à la condamnation de l'Etat à lui paye

r une somme de 32 766 € au titre du préjudice moral et matériel ;

2°) de condamner ...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 17 février 2006, complétée par mémoires enregistrés les 20 juillet et 3 octobre 2006, présentée pour M. François , élisant domicile ..., par Me Roller, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Besançon en date du 17 novembre 2004 ayant prononcé à son encontre la sanction de l'abaissement d'échelon et à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 32 766 € au titre du préjudice moral et matériel ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme susmentionnée au titre du préjudice moral et matériel ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 300 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la sanction disciplinaire est illégale sur la forme ; la mesure de suspension a été prise par une autorité incompétente, n'a pas été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et n'est pas justifiée par une situation d'urgence ;

- la composition de la commission administrative paritaire académique siégeant en formation disciplinaire était irrégulière et le requérant n'a pas été convoqué devant le conseil de discipline ayant statué sur le cas de l'élève Z ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le requérant ne pouvait se prévaloir de la loi d'amnistie du 6 août 2002 ; l'administration ne peut pas se fonder sur des faits amnistiés et ne peut pas rappeler l'existence de sanctions disciplinaires amnistiées ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le requérant n'avait subi aucun préjudice moral et matériel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 20 juillet et 2 novembre 2006, présentés par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Le ministre conclut ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer sur la requête de M. ;

Il soutient à cet effet que consécutivement à l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy en date du 4 mai 2006, qui a infirmé le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 5 octobre 2004 et qui a fait ainsi revivre la sanction du déplacement d'office, et en application de la règle non bis in idem, la décision du recteur de l'académie de Besançon en date du 17 novembre 2004 prononçant la sanction de l'abaissement d'échelon a été retirée par une décision du 19 juin 2006 ; qu'ainsi, la requête est devenue sans objet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et notamment l'article 28 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie, notamment les articles 11 et 15 ;

Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2006 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de M. ,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. , professeur de lycée professionnel affecté à la section d'enseignement professionnel du lycée « Lumière » de Luxeuil a, en raison de plusieurs incidents survenus notamment au cours de l'année 2002 ayant affecté le fonctionnement des classes dont il avait la charge, fait l'objet le 19 juin 2003 d'une décision d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans ; qu'après annulation de ladite décision par jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 18 mars 2004 pour erreur manifeste d'appréciation, le recteur de l'académie de Besançon a, le 4 mai 2004, prononcé le déplacement d'office de l'intéressé au lycée Jules Ferry de Delle ; que, consécutivement au jugement en date du 5 octobre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé, à la demande de M. , l'arrêté du 4 mai 2004 prononçant la sanction du déplacement d'office, le recteur a pris à l'encontre de celui-ci la sanction de l'abaissement d'échelon ; que M. relève appel du jugement en date du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Besançon en date du 17 novembre 2004 ayant prononcé à son encontre la sanction de l'abaissement d'échelon et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 32 766 € au titre des préjudices moral et matériel et à le rembourser des frais de déplacement entre Delle et Vesoul ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que postérieurement à l'introduction de la requête de M. , la décision du recteur de l'académie de Besançon en date du 17 novembre 2004 prononçant à l'encontre de celui-ci la sanction de l'abaissement d'échelon, dont l'annulation était demandée devant le Tribunal administratif de Besançon, a été retirée par une décision du recteur en date du 19 juin 2006, notifiée le 28 juin 2006, précisant que l'intéressé est rétabli au 10ème échelon de la classe normale des professeurs de lycée professionnel à compter du 17 novembre 2004 ; qu'ainsi, à supposer même que le requérant ait entendu reprendre à hauteur d'appel ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 novembre 2004, ces conclusions sont, comme le soutient le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, devenues sans objet ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, les conclusions à fin d'indemnité ne sont pas devenues sans objet ;

En ce qui concerne la décision du 17 novembre 2004 prononçant la sanction de l'abaissement d'échelon :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire n'est pas assorti des précisons suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de ce que la mesure de suspension dont a fait l'objet M. en mars 2003 aurait été prise par une autorité incompétente, n'a pas été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et n'est pas justifiée par une situation d'urgence, sont sans influence sur la légalité de la décision du 17 novembre 2004 et doivent, en tout état de cause, être écartés ; que le moyen tiré de ce que M. n'a pas été convoqué devant le conseil de discipline ayant statué sur le cas d'un élève ayant proféré des injures à son endroit doit également être écarté comme inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de la loi d'amnistie du 6 août 2002 : « Article 11 : Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles…» ; que les faits reprochés à M. , qui se sont déroulés notamment à la fin de l'année 2002, en particulier au cours du mois de novembre, et encore durant l'année 2003, se sont ainsi poursuivis au-delà du 17 mai 2002 et ne sont, dès lors, et en tout état de cause, pas couverts par la loi d'amnistie ; que, par suite, le moyen du requérant tiré de ce que l'administration se serait fondée sur des faits amnistiés doit, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, être écarté ; que si le requérant fait valoir en outre que l'administration ne pouvait rappeler l'existence de sanctions amnistiées, il n'apporte cependant aucun élément permettant d'établir que les sanctions dont il a fait l'objet auraient été effacées par l'effet des dispositions de la loi du 6 août 2002 ; qu'en tout état de cause, la circonstance que les visas de l'arrêté du17 novembre 2004 mentionnent les précédentes sanctions prononcées à l'encontre du requérant, est sans influence sur la régularité de ladite décision, dès lors que l'autorité administrative s'est fondée, pour prononcer la sanction de l'abaissement d'échelon, uniquement sur les faits ci-dessus relatés reprochés à l'agent ; qu'enfin, l'interdiction de rappeler sous quelque forme que ce soit des peines disciplinaires effacées par l'amnistie ne s'applique qu'à la mention des peines elles-mêmes et non à celle des faits qui les auraient entraînées ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté en date du 17 novembre 2004 du fait de l'intervention de l'amnistie doit également être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à de nombreuses reprises, au cours des années 2001, 2002 et 2003, en méconnaissance des règles d'organisation de l'établissement et notamment de son règlement intérieur et en dépit des directives contraires adressées par la direction de l'établissement, M. a pris à l'encontre de différents élèves des mesures d'exclusion ou d'interdiction d'accès à sa classe ; qu'il n'a pas déféré aux ordres de sa hiérarchie, y compris ceux émanant du recteur d'académie, tendant à la réintégration des élèves concernés ; que ces manquements répétés et caractérisés à l'obligation d'obéissance à laquelle est soumis tout fonctionnaire ont en outre perturbé le fonctionnement normal du service public de l'enseignement ; qu'au surplus, M. a manqué à son obligation de réserve en faisant état dans la presse locale de son opposition à une sanction prise par l'autorité disciplinaire à l'encontre d'un élève ; que ces faits étaient de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire ; que si l'enseignant a pu être légitimement blessé par l'attitude insolente et injurieuse d'un élève et a pu trouver inadaptée la sanction infligée à l'encontre de ce dernier, cette circonstance ne l'exonérait pas de son obligation de se conformer aux ordres et instructions de sa hiérarchie, dès lors qu'ils n'étaient pas manifestement illégaux et de nature à compromettre gravement un intérêt public ni non plus d'observer les règles d'organisation et de fonctionnement de l'établissement ; qu'en prononçant à l'encontre de M. la sanction de l'abaissement d'échelon, qui relève des sanctions du deuxième groupe, le recteur de l'académie de Besançon n'a pas, dans les circonstances de l'affaire, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du 17 novembre 2004 n'était pas entachée d'illégalité et ne saurait, par suite, être constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l' Etat ; que, dès lors, M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité au titre du préjudice qui serait résulté pour lui de ladite sanction en tant qu'elle a produit des effets avant son retrait intervenu le 19 juin 2006 ;

En ce qui concerne les autres sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de M. :

Considérant, en premier lieu, que si la décision du 19 juin 2003 prononçant à l'encontre de M. la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pendant deux ans a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 18 mars 2004, devenu définitif, comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne résulte pas de l'instruction que cette sanction, dont l'exécution a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du même tribunal en date du 11 juillet 2003, ait entraîné pour l'agent un préjudice financier ; que, dans ces conditions, et compte tenu par ailleurs de la gravité des manquements reprochés au requérant, celui-ci ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, prétendre à une indemnité au titre du préjudice moral ou matériel qu'il aurait subi du fait de cette mesure ;

Considérant, en second lieu, que par un arrêt du 4 mai 2006 la Cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, annulé le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 5 octobre 2004 ayant, sur la demande de l'agent, annulé la décision du 4 mai 2004 prononçant à l'encontre de M. la sanction du déplacement d'office et, d'autre part, rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par l'intéressé contre cette décision au motif que celle-ci n'était pas entachée d'illégalité ; que, par suite, en l'absence de faute imputable à l'administration, les prétentions de M. tendant à la réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de la prétendue illégalité de cette décision ne sauraient, en tout état de cause, être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté l'ensemble de ses conclusions à fin d'indemnité ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Besançon en date du 17 novembre 2004.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. est rejeté .

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. François et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00275
Date de la décision : 30/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : ROLLER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-11-30;06nc00275 ?
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