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30/11/2006 | FRANCE | N°05NC00618

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2006, 05NC00618


Vu la requête, enregistrée au greffe le 19 mai 2005, présentée pour Mme Gisèle X, élisant domicile à ..., Mlle Céline X, élisant domicile à ..., Mlle Julie X, élisant domicile à ..., M. Georges X, élisant domicile ..., Mme Jeannine X, élisant domicile ..., M. Alain X, élisant domicile ..., M. Didier X, élisant domicile ... et M. François X, élisant domicile ..., par Me Beyer-Buchwalter, avocat ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0101583 en date du 22 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a re

jeté leur demande tendant à condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'ils ont s...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 19 mai 2005, présentée pour Mme Gisèle X, élisant domicile à ..., Mlle Céline X, élisant domicile à ..., Mlle Julie X, élisant domicile à ..., M. Georges X, élisant domicile ..., Mme Jeannine X, élisant domicile ..., M. Alain X, élisant domicile ..., M. Didier X, élisant domicile ... et M. François X, élisant domicile ..., par Me Beyer-Buchwalter, avocat ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0101583 en date du 22 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'ils ont subis à la suite du suicide de M. Bernard X ;

2°) de condamner l'Etat à verser une somme de 152 449,01 € à Mme Gisèle X et à ses filles, Céline et Julie, au titre du préjudice économique, une somme de 76 224,51 € respectivement à Mme Gisèle X et à ses filles, au titre de leur préjudice moral et, enfin, une somme de 30 489,80 € à M. Georges X, Mme Jeannine X, parents de Bernard X, et MM. Alain, Didier et François X, frères de la victime ;

Ils soutiennent qu'en rejetant la demande d'indemnité des requérants, le tribunal a commis une erreur de droit et fait une inexacte application des règles prescrites en la matière ; en effet, l'article 434-3 du code pénal et l'article 40 du code de procédure pénale, qui recommandent d'informer le procureur de la République en cas de connaissance de l'exactitude des agressions sexuelles sur un mineur, n'étaient pas applicables, en l'espèce, car il s'agissait plutôt de suspicions d'attouchements ; dans ce cas, la circulaire du 22 mai 1997 prévoit une enquête préalable de l'administration avant toute saisine du procureur sauf en cas d'urgence ; l'administration a donc agi ici dans la précipitation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2005, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Le ministre conclut au rejet de la requête des Consorts X ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les requérants font valoir que le décès de M. X résulte des conditions dans lesquelles l'administration a informé le procureur de la République de la suspicion d'abus sexuel pesant sur la victime ;

- la circulaire du 15 mai 1997 qui concerne les cas de maltraitance commis en dehors de l'institution scolaire n'était pas applicable en l'espèce ;

- l'administration a fait une exacte application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale et de l'article 434-3 du code pénal, qui obligeaient le chef d'établissement à mettre en oeuvre la procédure de signalement, comme le rappelle une circulaire ministérielle du 26 août 1997 ; aucune faute ne peut donc lui être reprochée ;

- en tout état de cause, l'information du procureur a été faite dans la discrétion qui s'impose dans ce genre de cas, ce que n'eût pas permis une enquête administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2006 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 434-3 du code pénal, le fait pour quiconque ayant eu connaissance d'atteintes sexuelles infligées à un mineur de quinze ans de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement ; qu'aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale : Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbal et actes qui y sont relatifs ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le principal du collège de Montmirail a été informé, le samedi 7 juin 1997, par les parents d'un élève de ce que ce dernier s'était plaint d'avoir été victime d'attouchements sexuels de la part du professeur d'éducation physique et sportive ; que le 9 juin suivant, le chef d'établissement a porté à la connaissance de M. Bernard X les accusations portées à son encontre par les parents de l'élève ; que le mardi 10 juin 1997, après avoir pris l'attache de l'inspecteur d'académie et du rectorat, le directeur de l'établissement a dénoncé au Parquet les agissements prêtés à M. X en informant celui-ci de l'engagement de cette procédure ; que le soir même, M. X s'est donné la mort en laissant à l'attention des siens une lettre dans laquelle il réfutait les accusations portées contre lui ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas des dispositions législatives précitées que l'autorité administrative soit tenue de mettre en oeuvre une enquête administrative préalablement au signalement auprès du procureur de la République ; que les requérants ne sauraient pas davantage, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'éducation nationale du 15 mai 1997 relative notamment aux cas de maltraitance commis en dehors de l'institution scolaire, qui n'était pas applicable en l'espèce ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent également les requérants, il ne résulte pas des dispositions précitées que l'obligation de dénonciation auprès de l'autorité judiciaire des faits délictueux ou criminels, qui s'impose à l'autorité administrative, soit limitée au seul cas dans lequel celle-ci a acquis la certitude de l'exactitude des faits reprochés à l'agent ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'autorité administrative, qui n'a pas à se substituer à l'autorité judiciaire dans la qualification pénale des faits litigieux, pouvait légitimement estimer, compte tenu des révélations faites par les parents de l'élève concerné et du degré suffisant de vraisemblance lié aux suspicions d'attouchement, que les faits invoqués étaient de nature à justifier la mise en oeuvre de la procédure d'information des autorités judiciaires ; que, d'ailleurs, dans le cadre de l'action pénale engagée à l'encontre de l'élève, au terme de laquelle la chambre spéciale des mineurs de la Cour d'appel de Reims a, par un arrêt du 2 juin 2002, confirmé la relaxe de ce dernier au motif que les éléments constitutifs du délit de dénonciation mensongère n'étaient pas réunis, le tribunal des enfants avait admis la crédibilité des propos tenus par l'élève ; qu'en signalant, après en avoir avisé sa hiérarchie, les faits reprochés à l'enseignant trois jours après la plainte présentée par les parents de l'élève, tout en s'efforçant d'organiser une rencontre entre la famille et l'enseignant, qui n'a pu néanmoins avoir lieu du fait des tergiversations des parents, le principal du collège s'est conformé aux prescriptions posées par l'article 40 précité du code de procédure pénale et rappelées par la circulaire du ministre de l'éducation nationale en date du 26 août 1997 ; que, par suite , s'il est vrai que la chambre spéciale des mineurs a reconnu que «l'accusation portée à l'encontre du professeur était dénuée de tout fondement», les requérants ne sont cependant pas fondés à soutenir que l'administration aurait agi dans la précipitation et en méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'enfin, il est constant que, conformément à l'obligation de discrétion professionnelle, ni le principal du collège ni aucune autre autorité administrative n'ont rendu l'affaire publique ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les agissements de l'administration sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande d'indemnité ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée des consorts X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Gisèle X, à Mlle Céline X, à Mlle Julie X, à M. Georges X, à Mme Jeannine X, à M. Alain X, à M. Didier X, à M. François X et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

2

N° 05NC00618


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BEYER-BUCHWALTER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 30/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05NC00618
Numéro NOR : CETATEXT000007574566 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-11-30;05nc00618 ?
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