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13/11/2006 | FRANCE | N°06NC00746

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 13 novembre 2006, 06NC00746


Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 23 mai 2006, complété par mémoire enregistré le 15 septembre 2006, présenté par le MINISTRE de l'ECONOMIE, des FINANCES et de l'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 14 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de la société des Hauts-Fourneaux de Maxéville, les arrêtés du 9 février et du 5 avril 2004 du préfet de Meurthe-et-Moselle prescrivant respectivement des mesures de police des mines au titre de la concession de Boudonville et l'exécution d'

office des études, travaux, surveillance des zones d'affaissement et de...

Vu le recours enregistré au greffe de la Cour le 23 mai 2006, complété par mémoire enregistré le 15 septembre 2006, présenté par le MINISTRE de l'ECONOMIE, des FINANCES et de l'INDUSTRIE ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 14 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de la société des Hauts-Fourneaux de Maxéville, les arrêtés du 9 février et du 5 avril 2004 du préfet de Meurthe-et-Moselle prescrivant respectivement des mesures de police des mines au titre de la concession de Boudonville et l'exécution d'office des études, travaux, surveillance des zones d'affaissement et de fontis prévus par l'arrêté du 9 février 2004 ;

Il soutient que :

- la requête d'appel est recevable ;

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le caractère non immédiat et non important des risques pour annuler les arrêtés préfectoraux ;

- seul l'article 79 du code minier, en l'absence de toute procédure d'arrêt de travaux, avait vocation à s'appliquer ; en combinant les articles 79, 91 et 93 du code minier le Tribunal a commis une erreur ;

- en retenant l'exigence d'un risque immédiat, le Tribunal a ajouté une condition ne figurant pas dans le texte ;

- la sécurité publique se trouve incontestablement menacée par l'existence d'un risque d'affaissement progressif de terrain ou de fontis ;

- les autres moyens invoqués par la Société des Hauts Fourneaux de Maxéville à l'encontre des arrêtés du préfet et tirés du défaut de motivation, de l'abandon régulier des travaux miniers, du caractère exorbitant des mesures prescrites, du transfert d'une contrainte pesant normalement sur l'Etat, ne sont pas fondés ; la circonstance que les mesures n'ont pas un terme fixé n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, critiquable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 9 et 14 août, les 14 et 25 septembre 2006, présentés pour la Société des Hauts Fourneaux de Maxéville par la SELARL Savin-Martinet, avocats associés ;

La Société des Hauts Fourneaux de Maxéville conclut :

- au rejet de la requête,

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- dans aucun des deux arrêtés, le préfet n'invoque comme base légale à ses mesures l'article 79 du code minier ; ledit article ne peut trouver à s'appliquer dès lors qu'il concerne des sites en activité, ce qui n'est pas le cas du site de Boudonville ;

- en toute hypothèse, aucune menace ou aucun risque pour la sécurité au sens des articles 79, 91 et 93 du code minier n'a été établi ;

- les arrêtés ne sont pas motivés et la majorité des documents motivant les mesures prescrites ont été communiqués postérieurement à leur notification ;

- la présence du directeur de Géodéris dans le comité d'experts fait peser un doute sur l'impartialité de l'avis rendu par ledit comité ;

- les arrêtés sont dépourvus de base légale ; les travaux ayant été délaissés et actés, la concession a cessé d'être soumise à la police des mines ; il appartient à l'Etat de réaliser les éventuels travaux nécessaires et de répondre des éventuels dommages causés aux ouvrages publics par d'anciennes concessions ;

- les mesures prescrites présentent un caractère exorbitant ; la situation de la société serait compromise de manière grave et immédiate si elle devait supporter la charge desdites mesures ;

- l'Etat transfère sur elle la charge et le financement de travaux qui constituent la première étape d'un plan de prévention des risques et que les spécialistes n'ont pas en l'état réussi à établir ;

- les mesures ne sont pas déterminées dans leur montant, ni limitées dans le temps ;

- le pouvoir d'exécution d'office du préfet ne peut intervenir qu'au terme du délai qu'il a lui-même fixé ;

Vu l'ordonnance fixant au 15 septembre 2006 la clôture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance en date du 22 septembre 2006 portant réouverture de l'instruction ;

Vu, enregistré le 13 octobre 2006, le mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code minier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- les observations de M. X... intervenant pour le MINISTRE de l'ECONOMIE, des FINANCES et de l'INDUSTRIE et de Me Boccara, avocat de la société des Hauts-Fourneaux de Maxéville,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du Tribunal administratif de Nancy a été notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 27 mars 2006 ; que la requête d'appel qui a été suivie de l'envoi, réceptionné le 26 mai 2006, d'une copie du jugement attaqué, a été enregistrée au greffe de la Cour le 23 mai 2006 ; qu'ainsi, elle a été formée dans le délai d'appel et n'était donc pas tardive ;

Sur le bien-fondé du jugement de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code minier, alors en vigueur : « Les travaux de recherches ou d'exploitation d'une mine doivent respecter les contraintes et les obligations afférentes à (….) la sécurité et la salubrité publiques, (…) à la solidité des édifices publics et privés (…) / Lorsque les intérêts mentionnés à l'alinéa précédent sont menacés par ces travaux, l'autorité administrative peut prescrire à l'explorateur ou à l'exploitant de mines toute mesure destinée à assurer la protection de ces intérêts, dans un délai déterminé. / En cas de manquement à ces obligations à l'expiration du délai imparti, l'autorité administrative fait procéder en tant que de besoin d'office à l'exécution des mesures prescrites, aux frais de l'explorateur ou de l'exploitant. » ;

Considérant que, par arrêté du 9 février 2004, le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné à la Société des Hauts Fourneaux de Maxéville de procéder à des études et de mettre en place des mesures de surveillance destinées à évaluer les risques résiduels résultant de l'exploitation de la concession minière de Boudonville, à l'aplomb des quartiers du Haut du Lièvre et des Aulnes inclus dans le projet de renouvellement urbain de la communauté urbaine du Grand Nancy ; qu'il résulte de l'instruction que la Société des Hauts Fourneaux de Maxéville est exploitant en droit de la concession faute d'avoir engagé les procédures d'abandon de travaux et de renonciation au titre minier, en dépit de plusieurs invitations à le faire et à l'exception d'un puits pour lequel une déclaration de délaissement a été entreprise et a abouti à un donné acte ; qu'ainsi, les mesures de police des mines prescrites par le préfet l'ont été sur le fondement de l'article 79 du code minier et non des articles 91 et 93 du même code qui s'appliquent à la phase légale d'arrêt de travaux ; que, dans ces conditions, la simple existence d'une menace pour la protection des intérêts visés à l'article 79 du code minier, est de nature, par elle-même, à justifier la prescription de mesures de police des mines ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 9 février 2004 et par voie de conséquence celui du 5 avril 2004 décidant l'exécution d'office, aux frais de l'exploitant, des études et travaux de surveillance prescrits par l'arrêté initial, le Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur le caractère non immédiat et non important des risques constatés ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Société des Hauts Fourneaux de Maxéville devant le tribunal administratif de Nancy ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 9 février 2004 vise les textes applicables, se réfère à la création de la conférence interdépartementale permanente sur les conséquences de l'arrêt de l'activité minière en Lorraine, énonce les conclusions du rapport de Géodéris, par ailleurs communiqué à la Société requérante lors de la procédure contradictoire, mettant en évidence, à l'intérieur du périmètre de la concession de Boudonville, des zones d'aléas et n'excluant pas le risque de mouvement de terrain ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ; que la circonstance que les annexes techniques jointes audit rapport n'auraient pas été communiquées à la Société des Hauts Fourneaux de Maxéville n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la motivation de l'arrêté préfectoral dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, celui-ci énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'un des membres du comité d'experts chargé de vérifier les travaux de Géodéris serait le directeur dudit organisme, n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser un manque d'impartialité dudit comité, dont l'influence sur la nature des prescriptions imposées à la société des Hauts Fourneaux de Maxéville n'est d'ailleurs aucunement démontrée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'étude du sous-sol situé à l'aplomb du projet de renouvellement urbain, que 11 zones d'aléa de type remontée de fontis ont été identifiées dans les zones hors dépilage et que, dans les zones dites dépilées, les conditions de réalisation du foudroyage des piliers soit n'ont pu être vérifiées, soit laissent subsister un risque d'affaissement ou de fontis ; que l'état du sous-sol est ainsi de nature à compromettre la sécurité publique ; qu'ainsi et dès lors qu'il n'est pas établi que les travaux à l'origine de ces risques aient fait l'objet d'une procédure d'arrêt de travaux dans les conditions définies par l'article 91 du code minier, le préfet tenait des dispositions précitées de l'article 79 du même code le pouvoir d'ordonner des études et des mesures de surveillance dans le périmètre concerné ;

Considérant, en quatrième lieu, que les études de caractérisation de l'aléa de la zone

R. 332 A5 et la surveillance des zones à risques de fontis et d'affaissement progressif R. 332 B sont de nature à prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens ; que, de telles mesures, fussent-elles non chiffrées, ne présentent pas un caractère disproportionné par rapport au but en vue duquel elles ont été prises ;

Considérant, en dernier lieu, que si les articles 2 et 3 de l'arrêté du 9 février 2004 ont fixé des délais variant de six à douze mois pour la mise en place des mesures de contrôle et de surveillance des zones à risques, l'article 2 imposait à la société des Hauts Fourneaux de Maxéville de soumettre, dans un délai de quinze jours, à l'accord préalable du préfet ses propositions et son programme concernant les mesures prescrites ; qu'il est constant que la société qui avait d'ailleurs, dès la phase contradictoire, fait connaître au préfet son désaccord sur l'objet de l'arrêté et son fondement légal, n'a produit aucune proposition, ni amorce de programme dans le délai de quinze jours, lequel devait s'entendre, en l'absence de toute autre précision, comme courant à compter de la notification de l'arrêté préfectoral ; que, dans ces circonstances, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu, à bon droit, ordonner, par arrêté du 5 avril 2004, l'exécution d'office des mesures prescrites ; que, par ailleurs, la circonstance que cet arrêté est intervenu avant l'expiration du délai de recours ouvert à l'encontre de l'arrêté du 9 février 2004 n'est pas de nature à priver la société des Hauts Fourneaux de Maxéville de son droit à saisir le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE de l'ECONOMIE, des FINANCES et de l'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 9 février 2004 du préfet de Meurthe-et-Moselle et, par voie de conséquence, l'arrêté du 5 avril 2004 prescrivant l'exécution d'office, aux frais de la Société des Hauts Fourneaux de Maxéville, des études, et travaux de surveillance prévus par l'arrêté du 9 février 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société des Hauts Fourneaux de Maxéville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 14 mars 2006 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la société des Hauts Fourneaux de Maxéville sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE de l'ECONOMIE, des FINANCES et de l'INDUSTRIE et à la société des Hauts Fourneaux de Maxéville.

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06NC00746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 06NC00746
Date de la décision : 13/11/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SAVIN MARTINET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-11-13;06nc00746 ?
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