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13/11/2006 | FRANCE | N°05NC00814

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 13 novembre 2006, 05NC00814


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 29 juin 2005 sous le n° 05NC00814, présentée pour M. et Mme Eddie X, élisant domicile ensemble ..., par la SCP d'avocats Storck-Paulus et associés ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) - de réformer le jugement en date du 25 mai 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a écarté la responsabilité de la communauté de communes de la Haute Bruche et limité à la somme de 5.000 € la condamnation mise à la charge de la commune de Saulxures en réparation du préjudice financier qu'ils estiment avoir

subi du fait du retard apporté à la réalisation de leur projet d'installation e...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 29 juin 2005 sous le n° 05NC00814, présentée pour M. et Mme Eddie X, élisant domicile ensemble ..., par la SCP d'avocats Storck-Paulus et associés ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) - de réformer le jugement en date du 25 mai 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a écarté la responsabilité de la communauté de communes de la Haute Bruche et limité à la somme de 5.000 € la condamnation mise à la charge de la commune de Saulxures en réparation du préjudice financier qu'ils estiment avoir subi du fait du retard apporté à la réalisation de leur projet d'installation en tant qu'exploitants agricoles ;

2°) - de condamner solidairement la commune de Saulxures et la communauté de communes de la Haute Bruche à leur verser une somme de 54.765,29 € en réparation du préjudice financier et la somme de 30.000 € en réparation de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence ;

3°) - de mettre à la charge de la commune de Saulxures et de la communauté de communes de la Haute Bruche le paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le Tribunal a écarté la responsabilité de la communauté de communes de la Haute Bruche, ses carences étant fautives et justifiant, au même titre que la commune de Saulxures, la mise en cause de sa responsabilité ;

- c'est à tort que le Tribunal a limité à la somme de 54.765,29 € l'étendue du préjudice allégué ; il a omis de prendre en considération le préjudice moral ; les préjudices financier, moral et le trouble dans les conditions d'existence qui sont le résultat de la seule carence de la commune de Saulxures et de la communauté de commune de la Haute-Bruche, sont établis ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2005, présenté pour la commune de Saulxures, représentée par son maire en exercice, et la communauté de communes de la Haute Bruche, représentée par son président, par le cabinet d'avocats associés Ostermann-Zaiger-Wacquez-Karm ; la commune de Saulxures et la communauté de communes de la Haute Bruche concluent :

- sur l'appel principal, au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement ;

- à ce que soit mis à la charge de M. et Mme X le paiement de la somme de

3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- la chronologie des faits montre qu'un travail commun a été effectué pour mener à bien le projet de construction d'une ferme-relais ;

- le dossier de viabilisation du terrain d'assiette ne pouvait être instruit par la commune de Saulxures tant que la communauté de communes de la Haute Bruche n'avait pas l'assurance d'obtenir un financement européen pour la construction du bâtiment ;

- l'alimentation du terrain en eau potable a constitué une difficulté sérieuse et réelle ;

- c'est à juste titre que le Tribunal a estimé qu'aucune faute ne pouvait être relevée à l'encontre de la Communauté de communes, en revanche, c'est à tort qu'il a retenu la responsabilité de la commune de Saulxures et condamné cette dernière au paiement d'une somme de 5.000 € en réparation des troubles dans les conditions d'existence des requérants ; le projet était complexe et ne pouvait être réglé en quelques mois ; les engagements des deux collectivités étaient dès l'origine soumis à certaines conditions qui n'ont pas vu le jour ;

- aucun élément versé au dossier ne permet d'affirmer que les pertes alléguées pourraient être occasionnées par des facteurs tels que le retard de l'administration ; le remboursement invoqué de la dotation d'installation des jeunes agriculteurs est purement fantaisiste ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2006 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de la commune de Saulxures et de la communauté de communes de la Haute Bruche :

Considérant que M. X a présenté, au cours de l'année 1998, un projet de création d'une exploitation agricole de montagne comportant l'élevage de caprins et d'ovins ; que ce projet a recueilli l'avis favorable de la commission départementale des structures agricoles et bénéficié de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ; que, par délibération du 4 février 1999, le conseil municipal de la commune de Saulxures a décidé de prendre en charge les frais de viabilisation du terrain sur lequel devaient être implantés, sous la forme d'une ferme-relais, les locaux nécessaires à l'exploitation, sous réserve que la commune de Bourg Bruche donne son accord, du fait de la localisation du terrain, à la réalisation d'un branchement à partir de son réseau d'eau potable ; que l'accord de principe de cette collectivité a été donné par délibération du 12 mars 1999 ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Saulxures ait, au cours de l'année 1999 ou durant l'année 2000, entrepris des démarches en vue de s'assurer de la faisabilité technique et financière de l'opération de raccordement et, par suite, de la concrétisation dudit accord ; que, la décision, finalement négative, de la commune de Bourg Bruche n'a été connue que le 22 juin 2001 après l'intervention de la communauté de communes de la Haute Bruche, maître d'ouvrage de la construction projetée ; qu'ainsi, la commune de Saulxures, qui n'invoque aucune circonstance propre à justifier ce retard de plus de deux années, a commis, ainsi qu'en a jugé le Tribunal, une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant que la Communauté de communes de la Haute Bruche qui s'était engagée, par décision de son assemblée délibérante en date du 19 avril 1999, à assurer la maîtrise d'ouvrage de la ferme-relais, et avait désigné, le 18 octobre 1999, le maître d'oeuvre, n'a «relancé» l'instruction du dossier qu'au cours de l'été 2001, sous la pression des époux X ; qu'elle a, par son manque de diligence dans le montage technique et financier de l'opération et dans la vérification de ses conditions de réalisation, ainsi que par sa carence à rechercher une solution de rechange après la découverte tardive de l'impossibilité de viabiliser le terrain initialement retenu, commis une faute qui a contribué à l'échec du projet des requérants ; que M. et Mme X sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que la responsabilité de la Communauté de communes de la Haute Bruche ne pouvait être engagée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner conjointement et solidairement la Communauté de communes de la Haute Bruche et la commune de Saulxures à réparer le préjudice subi par M. X ; que, sauf action récursoire, la charge de la réparation sera supportée à part égale par la commune de Saulxures et par la communauté de communes de la Haute Bruche ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X ont été contraints de s'installer dès 1999 en qualité d'exploitants agricoles dans des conditions précaires ne permettant pas la réalisation des résultats financiers escomptés lors de l'agrément de leur projet ; qu'ils ont subi ainsi une perte de chance sérieuse dont il sera fait une appréciation équitable en l'évaluant, sur la base de l'étude prévisionnelle d'installation réalisée par l'association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, à 15 000 € pour l'ensemble des années 1999, 2000 et 2001 ; qu'en revanche, il n'est pas établi que le surcoût d'intérêts bancaires lié à la restructuration des emprunts personnels contractés par les requérants résulterait des carences fautives des collectivité et établissement publics partenaires de l'opération, ni que le remboursement de la dotation aux jeunes agriculteurs consentie par l'Etat lors de leur installation ait été effectivement réclamé ; que ces deux chefs de demandes ne pourront, dès lors, donner lieu à indemnisation ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu des faits de l'espèce et notamment du comportement de M. X qui a pris le risque d'anticiper un changement d'activité sans attendre la finalisation complète de son projet, le Tribunal ait commis une erreur en limitant à 5 000 € le montant de la réparation due au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge conjointe de la commune de Saulxures et de la communauté de communes de la Haute Bruche le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 5.000 euros que la commune de Saulxures a été condamnée à verser à

M. et Mme X par le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 24 mai 2005 est portée à 20 000 €. La communauté de communes de la Haute Bruche est condamnée solidairement au paiement de ladite somme.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Saulxures et la communauté de communes de la Haute Bruche verseront solidairement à M. et Mme X la somme de 1.500 euros (mille cinq cent euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X et des conclusions présentées par la commune de Saulxures et la communauté de communes de la Haute Bruche est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Eddie X, à la commune de Saulxures et à la communauté de communes de la Haute Bruche .

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N° 05NC000814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05NC00814
Date de la décision : 13/11/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : OSTERMANN - ZAIGER - WACQUEZ - KARM

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-11-13;05nc00814 ?
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