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09/11/2006 | FRANCE | N°05NC00427

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 09 novembre 2006, 05NC00427


Vu la requête, enregistrée au greffe le 6 avril 2006, complétée par mémoires enregistrés les 24 avril et 8 septembre 2006, présentée pour la société SEEBI, représentée par Me DOUILLET, agissant es qualité liquidateur judiciaire de ladite société, élisant domicile 34 rue Tribel à Bar-le-Duc (55000), par Me Boaretto, avocat ;

Me DOUILLET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamné, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SEEBI, à verser à la chambre de comm

erce et d'industrie de la Meuse une somme 7 300,26 € en réparation des désordres aya...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 6 avril 2006, complétée par mémoires enregistrés les 24 avril et 8 septembre 2006, présentée pour la société SEEBI, représentée par Me DOUILLET, agissant es qualité liquidateur judiciaire de ladite société, élisant domicile 34 rue Tribel à Bar-le-Duc (55000), par Me Boaretto, avocat ;

Me DOUILLET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamné, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SEEBI, à verser à la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse une somme 7 300,26 € en réparation des désordres ayant affecté un bâtiment industriel sis à Clermont-en-Argonne ;

2°) de rejeter la demande de la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse ;

3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse à lui payer une somme de 800 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse a, contrairement à l'article L. 621-43 du code de commerce, omis de déclarer ses créances dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire engagée à l'encontre de la société SEEBI et ne peut en conséquence aujourd'hui agir contre le liquidateur de la société ; l'action en paiement formée par la chambre de commerce et d'industrie est donc irrecevable devant le juge administratif ;

- la responsabilité de la société SEEBI ne saurait être engagée à raison des désordres observés, lesquels résultent du choix d'un revêtement en résine commandé par la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse en remplacement du durcisseur initialement prévu ;

- en outre, la chambre de commerce et d'industrie n'a pas subi de troubles de jouissance et les désordres n'ont pas rendu l'ouvrage impropre à sa destination ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 30 mars, 23 juin et 21 septembre 2006, présentés pour la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse par Me Gaucher, avocat ;

La chambre de commerce et d'industrie de la Meuse conclut :

1°) au rejet de la requête de Me DOUILLET ;

Elle soutient à cet effet que :

- s'agissant de la responsabilité de la société SEEBI, la requête est irrecevable car insuffisamment motivée faute d'avoir présenté des moyens d'appel dans le délai du recours contentieux ; les moyens présentés dans le mémoire complémentaire sont irrecevables car tardifs ;

- le moyen tiré de la méconnaissance par le tribunal de l'article L. 621-43 du code de commerce n'est pas fondé ; la circonstance qu'une entreprise fasse l'objet d'une procédure collective ne prive pas le juge administratif de la possibilité de statuer sur la réclamation de la collectivité publique tendant au paiement d'une indemnité au titre d'un marché de travaux publics et de condamner le cocontractant de l'administration sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou de la garantie décennale ;

2°) par la voie d'un recours incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a limité à 6 768,74 € le montant de l'indemnité mise à la charge de Me DOUILLET et à la condamnation de celui-ci à lui payer une somme de 20 306,21 € au titre des désordres susmentionnés et une somme de 1 524,49 € au titre des troubles de jouissance ;

Elle soutient à cet effet que :

- la responsabilité de la société SEEBI est engagée à titre principal sur le fondement de la garantie décennale ; l'existence de bulles dans le revêtement de résine et d'arrachements et de rayures empêche un fonctionnement normal des engins de manutention ;

- sa responsabilité est engagée à titre subsidiaire sur le terrain contractuel ; le partage de responsabilité retenu par le tribunal n'est pas justifié dans la mesure où les désordres résultent d'un défaut de conception imputable au maître d'oeuvre consistant dans l'absence de prescription d'un drainage périphérique du bâtiment ;

- la société SEEBI, qui avait une mission complète de maîtrise d'oeuvre engage en outre sa responsabilité pour n'avoir pas averti le maître d'ouvrage des risques liés au remplacement du durcisseur initialement prévu ni recommandé d'émettre des réserves lors de la réception de l'ouvrage ;

3°) à la condamnation de Me DOUILLET à lui payer une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2006 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Niango pour la SCP Gaucher, Dieudonné, Niango, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société SEEBI s'est vu confier une mission de maîtrise d'oeuvre pour l'ensemble des travaux réalisés pour la construction d'un bâtiment industriel sis à Clermont-en-Argonne et destiné à être loué à la société Meusienne de Réalisation Mécanique ; que, par marché du 26 juin 1996, la société Monti a été chargée d'exécuter les travaux du lot n° 2 « fondations- dallages- génie civil », dont la réception a été prononcée sans réserves le 28 avril 1997 ; que le 19 juin 1996, la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse, en sa qualité de maître d'ouvrage, a attribué à la société SCREG-EST un marché pour la réalisation de travaux de sols en résine sur la plate-forme réalisée par la société Monti ; que la réception de ces travaux a été prononcée sans réserves le 28 juillet 1997 avec effet au 19 août suivant ; qu'à la suite de l'apparition en juillet et septembre 1997 de désordres sous forme de cloques d'eau affectant le revêtement du sol, la chambre de commerce et d'industrie a recherché, à titre principal, la responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle de la société SEEBI ; que Me Douillet relève appel du jugement en date du 18 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamné, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SEEBI, à verser à la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse une somme de 7 300,26 € en réparation des désordres ayant affecté le bâtiment industriel ; que la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse demande par la voie d'un recours incident la majoration du montant de l'indemnité allouée par le tribunal ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que Me DOUILLET, qui fait valoir que la société SEEBI a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 20 mars 1998 puis en liquidation judiciaire par jugement du 4 décembre 1998, soutient en appel que la demande en réparation formée à son encontre par la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse est irrecevable faute que l'établissement public ait déclaré ses créances entre les mains du liquidateur judiciaire dans les conditions posées à l'article L. 621-43 du code de commerce ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 susvisée relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, reprises notamment aux articles L 621-40 à L. 621-43 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées ; que la circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une société chargée de la maîtrise d'oeuvre, admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans les délais requis et les conditions fixées par la loi du 25 janvier 1985, est sans influence sur la

compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions et sur la recevabilité desdites conclusions, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative ; qu'il résulte également de ce qui précède que si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement et sur l'extinction de cette créance ;

Considérant qu'il suit de là que la circonstance que la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse n'aurait pas produit entre les mains du liquidateur sa créance éventuelle dans les conditions fixées par les dispositions précitées est sans influence sur la recevabilité de la demande dont le Tribunal administratif de Nancy était saisi et sur laquelle il lui appartenait de se prononcer, dès lors qu'elle n'était, par elle-même, entachée d'aucune irrecevabilité propre à la juridiction administrative ; que, par suite, le moyen susmentionné de Me DOUILLET ne peut qu'être écarté ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que les désordres observés consistent en des formations de cloques sur le revêtement du sol provoquées par des remontées capillaires à travers le dallage béton ; que ces défectuosités, qui ne concernent qu'une surface de 30 m² sur une superficie totale de 2 200m², se limitent à des décollements du revêtement du sol de caractère inesthétique et n'ont apporté qu'une gêne légère à l'exploitation de l'atelier ; que, dès lors, ces désordres ne sont pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et ne sauraient par suite engager la responsabilité décennale de la société SEEBI sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que, par suite, la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse n'est pas fondée à soutenir, par la voie d'un recours incident, que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions principales tendant à la condamnation du maître d'oeuvre au titre de la garantie décennale ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les désordres constatés sont imputables en grande partie à une erreur de conception de la part de la maîtrise d'oeuvre liée à l'absence d'un dispositif de drainage périphérique au bâtiment mais également au choix du maître de l'ouvrage ayant décidé, après réalisation de la plate-forme en béton, de procéder au rabotage de la finition avec durcisseur et à la mise ne place d'un revêtement en résine étanche ;

Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse n'est plus fondée, du fait de l'expiration des relations contractuelles, à se prévaloir de la responsabilité contractuelle de la société SEEBI à raison des fautes de conception qu'a commises celle-ci en ayant omis de prévoir un dispositif de drainage périphérique de l'ouvrage et en ayant accepté le remplacement du durcisseur initial par un sol en finition résine imperméable, plus sensible au phénomène d'humidité affectant la dalle en béton ;

Considérant toutefois que la réception des travaux, prononcée sans réserves, ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre soit ultérieurement recherchée à raison des fautes qu'il a commises dans l'exercice de sa mission de conseil du maître d'ouvrage, notamment lors de la réception des lots concernés ; qu'en vertu de ses devoirs professionnels, la société SEEBI était tenue, en sa qualité de maître d'oeuvre, d'appeler l'attention du maître de l'ouvrage, lors des opérations de réception, sur les défectuosités faisant obstacle à ce que la réception des lots litigieux fût prononcée sans réserve ; que cette société avait ainsi l'obligation de signaler au maître d'ouvrage les malfaçons apparentes liées à la mauvaise tenue du sol du fait de l'humidité anormale du support et d'inviter le maître de l'ouvrage à formuler les réserves qui s'imposaient lors des opérations de réception des travaux litigieux ; qu'il est constant que la société SEEBI n'a pas recommandé d'émettre des réserves lors des opérations de réception des travaux en cause et a ainsi manqué à son obligation de conseil ; que, par suite, contrairement à ce que soutient Me DOUILLET, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la responsabilité contractuelle de la société SEEBI était engagée pour manquement à son obligation de conseil ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport de l'expert que si l'erreur de conception a contribué à la survenance des désordres, l'origine du sinistre est aussi imputable à la chambre de commerce et d'industrie, qui a pris l'initiative de procéder à la modification du revêtement du sol ; que l'expert précise sans être contredit que même en l'absence de drainage, le maintien du durcisseur eût permis une exploitation normale de l'atelier ; que, dans ces conditions, en fixant au tiers des dommage subis la part de responsabilité imputable à la société SSEBI à raison de ses seuls manquements à son obligation de conseil, le tribunal a fait une juste appréciation des circonstances de la cause ; qu'il s'ensuit que ni Me DOUILLET par la voie de l'appel principal ni la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse par la voie d'un appel incident ne sont fondés à demander la réformation sur ce point du jugement attaqué ;

Sur le préjudice :

Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse n'apporte, tant en première instance qu'en appel, aucun élément de nature à établir les troubles de jouissance allégués ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté sur ce point ses prétentions ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter, d'une part, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'intimée, les conclusions de l'appel principal formé par Me DOUILLET et, d'autre part, les conclusions du recours incident présenté par la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des ces dispositions ; qu'il y lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées à ce titre respectivement par Me DOUILLET et par la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse ;

DECIDE :

Article1er : La requête de la société SEEBI, représentée par Me DOUILLET, liquidateur judiciaire, et l'ensemble des conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me DOUILLET, liquidateur judiciaire de la SEEBI, et à la chambre de commerce et d'industrie de la Meuse.

2

N° 05NC00427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00427
Date de la décision : 09/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BOARETTO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-11-09;05nc00427 ?
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