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16/10/2006 | FRANCE | N°05NC01300

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 16 octobre 2006, 05NC01300


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2005, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAONE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500226 en date du 4 août 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé sa décision en date du 27 septembre 2004 confirmant le rejet de la demande de regroupement familial opposé à M. X le 15 janvier 2004 et lui a enjoint, sous réserve de l'examen de l'entier dossier de regroupement familial qu'il appartient à M. X de constituer, de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme Fatima X d

ans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, ...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2005, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAONE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500226 en date du 4 août 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé sa décision en date du 27 septembre 2004 confirmant le rejet de la demande de regroupement familial opposé à M. X le 15 janvier 2004 et lui a enjoint, sous réserve de l'examen de l'entier dossier de regroupement familial qu'il appartient à M. X de constituer, de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme Fatima X dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, et dans un même délai d'examiner la situation de Mlle Meryem X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Il soutient que :

- les ressources de M. X sont très nettement inférieures au SMIC ;

- il existe une procédure spécifique pour les étrangers qui veulent bénéficier d'un titre de séjour pour raisons familiales sans remplir les conditions du regroupement familial ;

- il n'est pas porté atteinte à la vie familiale de l'intéressé qui a fait venir irrégulièrement sa fille en France et dont l'épouse est depuis plus de 20 ans au Maroc ;

- aucun élément du dossier ne peut justifier une admission au séjour à titre exceptionnel pour la fille de M. X et le tribunal n'a d'ailleurs pas retenu les problèmes de santé invoqués ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2005, présenté pour M. X demeurant ..., par Me Hakkar, qui conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat soit condamné à payer à Me Hakkar ou à M. X la somme de 1 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il se désiste de sa demande d'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- ses ressources composées de prestations sociales d'un montant total de 771,84 euros sont seulement légèrement inférieures au SMIC ; le préfet n'est pas lié par le montant des ressources et doit apprécier la situation au cas par cas en prenant en compte notamment le droit au respect de la vie familiale ;

- sa fille est scolarisée et bien intégrée en France ; elle apporte à son père un soutien matériel moral et affectif indispensable, alors même que les problèmes de santé rencontrés par M. X réduisent sa mobilité ; elle n'est pas entrée irrégulièrement en France mais avec son père sur le passeport de ce dernier alors qu'elle avait 15 ans ; le refus opposé à l'enfant mineur méconnaît l'article 10 de la convention de New York du 26 janvier 1990 ;

- le refus de regroupement familial opposé à Mme X méconnaît son droit à une vie familiale normale, compte tenu de l'ancienneté du mariage et de la présence en France de l'époux et de la fille de l'intéressée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy, en date du 17 février2006, admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2006 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, alors applicable : «I. Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres de séjour d'une durée de validité d'au moins un an prévus par la présente ordonnance ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans (…) / Le regroupement ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel (…)» ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'épouse de M. X a toujours vécu au Maroc et y a élevé leur fille jusqu'en 2001, d'autre part, que la fille de M. X a vécu au Maroc, où réside toujours sa mère, jusqu'à l'âge de 13 ans ; que M. X n'a jamais présenté, avant la demande formée le 3 juillet 2003, de demande de regroupement familial les concernant ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le PREFET DE LA HAUTE-SAONE n'a pas porté au droit de l'intéressé à une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la décision contestée ni, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE LA HAUTE-SAONE est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon, pour annuler sa décision en date du 27 septembre 2004 refusant à M. X le bénéfice du regroupement familial, s'est fondé sur ces stipulations ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon et la Cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X disposait à la date de la décision attaquée d'une allocation d'invalidité et d'une allocation complémentaire pour un montant total de 771,83 euros ; que ces ressources sont sensiblement inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance, dont le montant net fixé pour la même période s'établit à 859,29 euros ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Aube n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant que M. X ne justifiait pas de ressources suffisantes, au sens des dispositions de l'article 29 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945, pour subvenir aux besoins de sa famille et refuser le regroupement familial sollicité pour ce motif ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de son père, souffrant modérément d'arthrose dans un genou, ou sa bonne intégration scolaire, permettraient de regarder comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation le refus du PREFET DE LA HAUTE-SAONE de faire bénéficier la fille de M. X d'une admission exceptionnelle au séjour ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 de la convention de New York du 26 janvier 1990 susvisée aux termes duquel : «les Etats parties respectent le droit qu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays…» est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que PREFET DE LA HAUTE-SAONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé sa décision en date du 27 septembre 2004 refusant à M. X le bénéfice du regroupement familial ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à M. X ou à son conseil la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 4 août 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon et les conclusions prises sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée au PREFET DE LA HAUTE-SAONE.

2

N° 05NC01300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05NC01300
Date de la décision : 16/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : HAKKAR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-10-16;05nc01300 ?
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