Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 octobre 2005, complétée par mémoire enregistré le 19 juin 2006, présentée pour Mme Isabelle X élisant domicile ..., par Mes Siefer et Delattre, avocats ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 30 août 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 29 325 € en réparation des conséquences dommageables du harcèlement moral dont elle a été victime au sein de l'institut national des jeunes sourds de Metz ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme susvisée ;
3°) de condamner l'Etat lui à payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le mémoire en défense présenté par la directrice de l'institut national des jeunes sourds de Metz n'est pas recevable car, d'une part, l'action est dirigée contre l'Etat et, d'autre part, celle-ci n'a pas de mandat pour répondre au nom du ministre aux conclusions de la requête ;
- le jugement doit être infirmé car c'est à juste titre que l'Etat a été mis en cause par l'agent dès lors que le ministre de la santé publique a autorité sur le directeur de l'institut qu'il peut sanctionner ; en conséquence, l'Etat est responsable des actes commis par le directeur et susceptible de causer un préjudice à un agent ; en outre, la carrière et la notation ou encore le dossier disciplinaire de la requérante sont suivis par les services du ministère, qui sont notamment intervenus à plusieurs reprises à la suite des dénonciations de faits de harcèlement ; enfin, la responsabilité de l'Etat peut être recherchée sur le fondement de l'article 11 du statut général des fonctionnaires de l'Etat ;
- l'existence d'un harcèlement moral de la part de la directrice de l'institut des jeunes sourds de Metz est établie, qui a porté atteinte aux droits et à la dignité de la requérante ; les agissements de la directrice, s'ils caractérisent une infraction pénale, constituent aussi une faute de service, d'autant que les autorités de tutelle connaissaient les faits et n'ont rien fait pour modifier la situation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2006, présenté pour l'institut national des jeunes sourds de Metz par sa directrice en exercice ;
L'institut national des jeunes sourds de Metz conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le recours de Mme est mal dirigé car l'institut est un établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité morale ; la requérante a formé le 3 novembre 2005 une nouvelle demande d'indemnité devant le Tribunal administratif de Strasbourg mais dirigée contre l'institut des jeunes sourds ;
- le délit de harcèlement n'est pas constitué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 2002-73 du 18 janvier 2002 et notamment son article 178 ;
Vu le décret n° 74-355 du 26 avril 1974 relatifs à l'organisation et au régime administratif et financier des instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes aveugles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juillet 2006 :
-le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de l'institut national des jeunes sourds de Metz :
Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que, dans la présente instance, qui concerne une action dirigée exclusivement contre l'Etat à raison des fautes qui auraient été commises par ses services, l'institut national des jeunes sourds ne se prévaut pas d'un droit de cette nature ; que, dès lors, l'intervention en défense de l'institut national des jeunes sourds de Metz est irrecevable ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité de Mme X :
Considérant que Mme , assistante du service social des administrations de l'Etat affectée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Moselle et mutée sur sa demande à compter du 1er décembre 1998 à l'institut national des jeunes sourds de Metz, a recherché devant le Tribunal administratif de Strasbourg la responsabilité de l'Etat à raison des faits de harcèlement moral qui auraient été commis à son encontre durant les années 2002 à 2004 et qu'elle impute à la directrice dudit établissement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 74-355 du 26 avril 1974 relatif à l'organisation et au régime administratif et financier des instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes aveugles : “Les instituts nationaux de jeunes sourds... constituent des établissements publics nationaux à caractère administratif (…). Ils sont administrés par chacun sous l'autorité du ministre chargé de la santé publique, par un directeur et un conseil d'administration (…). Et qu'aux termes de l'article 3 du même décret : « Le directeur (…) est chargé de l'administration intérieure et de la gestion générale de l'établissement (…) Il exerce son autorité sur l'ensemble du personnel (…) . » ; qu'il ressort de ces dispositions que l'institut national des jeunes sourds de Metz, qui est un établissement public administratif doté à ce titre d'une personnalité morale distincte de celle de l'Etat et jouissant ainsi d'une autonomie juridique et financière, ne saurait être regardé comme un service de l'Etat quels que soient ses liens avec les ministères en charge de la tutelle ; que les faits de harcèlement allégués se rapportent à des actes accomplis par la directrice en sa qualité de gestionnaire de l'établissement public considéré ; que par suite l'institut national des jeunes sourds de Metz est la seule personne publique qui peut être tenue pour responsable de la faute de service qui aurait été commise par la directrice dans l'exercice de ses fonctions sans que puisse y faire obstacle la circonstance que les services de l'Etat sont intervenus sur la demande des parties intéressées dans le conflit qui les opposait ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande présentée par Mme à l'encontre de l'Etat comme mal dirigée ; qu'enfin, à supposer même que la requérante ait entendu mettre en cause l'Etat à raison de son pouvoir de tutelle sur ledit établissement public, elle n'établit pas, en se bornant à alléguer que les faits étaient connus des services ministériels et que ceux-ci n'auraient rien fait pour modifier la situation, que les services du ministère chargé de la santé publique auraient commis des manquements dans l'exercice de leurs pouvoirs de contrôle ; que si, dans le dernier état de ses écritures et pour la première fois en appel, la requérante fait allusion au devoir de protection fonctionnelle de l'Etat envers ses agents, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément précis au soutien de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'indemnité dirigée contre l' Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de l'institut national des jeunes sourds de Metz n'est pas admise.
Article 2 : La requête susvisée de Mme est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Isabelle , au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à l'institut national des jeunes sourds de Metz.
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05NC01341