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06/07/2006 | FRANCE | N°04NC00588

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 06 juillet 2006, 04NC00588


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juillet 2004, complétée par mémoire enregistré le 13 janvier 2006, présentée pour M. Jean-Loup X et Mme Françoise X, élisant domicile ..., et pour Mme Isabelle X épouse Y, élisant domicile ..., par Me Thiébaut, avocat ; les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 1er juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à réparer les conséquences dommageables de la contamination par le v

irus de l'hépatite C de M. Jean-Loup X à la suite de la coloscopie qu'il a...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juillet 2004, complétée par mémoire enregistré le 13 janvier 2006, présentée pour M. Jean-Loup X et Mme Françoise X, élisant domicile ..., et pour Mme Isabelle X épouse Y, élisant domicile ..., par Me Thiébaut, avocat ; les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 1er juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à réparer les conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. Jean-Loup X à la suite de la coloscopie qu'il a subie dans cet hôpital le 11 janvier 2003 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser à

M. Jean-Loup X une somme globale de 60 228,76 € au titre de l'ensemble de son préjudice soumis à prélèvement des organismes tiers payeurs et une somme de 369 982,45 € au titre de l'ensemble de son préjudice personnel ;

3°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à verser à Mme X une somme de 45 800 € au titre de son préjudice moral et à Mme Y une somme de 7 700 € au titre de son préjudice moral, lesdites sommes portant intérêts à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre les frais de l'expertise du Dr Z à la charge du centre hospitalier régional de Metz-Thionville et de déclarer l'arrêt à intervenir commun à l'agent judiciaire du trésor et au ministre de l'intérieur et des libertés locales ;

5°) de condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à leur verser une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté le lien de causalité entre la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C et la coloscopie effectuée le 11 janvier 1996, alors que le centre hospitalier n'apporte pas la preuve d'une cause étrangère ;

- la perturbation du bilan hépatique du requérant avant 1989 n'est pas rattachable à une infection par le virus de l'hépatite C ; l'intéressé était en effet exempt de facteurs de risques ;

- c'est à tort que l'expert et le tribunal se sont fondés sur le taux de transaminase relevé le 7 avril 1996 soit trois mois seulement après l'endoscopie et qui n'était donc pas significatif ;

- l'appréciation par les experts de la durée de vie du virus hors de l'organisme est purement hypothétique ; de plus, il n'est pas prouvé que ce ne sont pas les mêmes instruments qui ont été utilisés les 10, 11 et 12 janvier 1996 tant pour M. X que pour les deux autres personnes infectées au sein de l'établissement ; enfin, l'intimé ne prouve pas que le fibroscope utilisé était désinfecté ;

- c'est à tort le tribunal reproche au requérant de ne pas rapporter la preuve de son infection par le virus de l'hépatite C alors que les experts ne peuvent s'en remettre aux seules allégations du centre hospitalier ;

- en raison d'une information tardive sur sa contamination, M. X n'a pu réaliser en temps utile les examens qui auraient permis de confondre le centre hospitalier de Metz-Thionville ; de plus, le traitement a subi de ce fait un retard considérable qui a aggravé l'état de santé de l'intéressé ;

- le préjudice de M. X a été considérablement sous-évalué par le rapport d'expertise ;

- l' incapacité temporaire totale, qui n'a certes pas entraîné de perte de revenus mais qui a eu un retentissement sur la vie quotidienne, est évaluée à 14 400 € ;

- l'incapacité permanente partielle, fixée chichement à 7% par le rapport d'expertise, justifie l'octroi d'une indemnité de 30 000 € en raison notamment d'une asthénie et d'une fatigabilité persistantes ;

- le préjudice professionnel est considérable car la cessation d'activité de M. X lui a fait perdre une chance d'être proposé au grade supérieur, ce qui a entraîné une perte de salaire de 15 828,76 € ;

- le pretium doloris, évalué à 3 sur 7, compte tenu notamment de la lourdeur du traitement suivi, justifie une indemnité de 92 000 € ; une somme de 7 700 € sera attribuée au titre du préjudice esthétique ;

- le préjudice d'agrément subi par le requérant , qui ne peut plus pratiquer de sports de haut niveau et ses activités de loisirs habituelles, est évalué à 77 000 € et son préjudice sexuel à 77 000 € ;

- le préjudice moral, qui est important compte tenu de la nature de la maladie et de l'état d'anxiété du requérant sur l'évolution de son état de santé, justifie l'allocation d'une indemnité de 77 000 € ;

- le préjudice matériel lié aux frais de déplacements nécessités par son traitement est estimé à 16 415,10 € ; de plus, le requérant a subi un préjudice financier de l'ordre de 22 867,35 € du fait qu'il ne peut plus adhérer à aucune assurance maladie ou mutuelle pour assurer sa retraite ou ses obsèques ;

- le préjudice moral subi par l'épouse et la fille du requérant est évalué respectivement à 45 800 € et 7 700 € ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2005, présenté pour le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, ayant son siège 1 place Philippe de Vigneulles à Metz (57038), représenté par son directeur général en exercice, par Me Clément, avocat ; le centre hospitalier de Troyes conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation des consorts X à lui payer une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la loi du 4 mars 2002 n'est pas applicable au litige ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre la contamination virale et l'endoscopie pratiquée le 10 janvier 1996 ;

- la contamination est imputable à une cause étrangère ;

- les constatations de l'expert selon lesquelles la durée de vie du virus ne dépasse pas 24 heures hors de l'organisme sont fondées sur des études scientifiques objectives dont les conclusions sont fiables ;

- selon le rapport d'expertise du Dr Z, confirmé par le rapport d'expertise ordonné dans le cadre de la procédure pénale, les conditions d'utilisation et de stérilisation du matériel excluent toute contamination lors de l'endoscopie effectuée dans les locaux mis à la disposition du Dr A et distincts de l'unité d'endoscopie digestive ; le matériel utilisé a fait l'objet d'une stérilisation conforme aux recommandations, protocoles et pratiques du moment ; en toute hypothèse, le matériel concerné n'a pas été utilisé la veille de l'examen ;

- le requérant présentait déjà une atteinte hépatique antérieurement à la première coloscopie visible lors des examens réalisés en 1989 et 1993 et aucune élévation franche du taux des transaminases dans les semaines qui ont suivi, ce qui prouve que la contamination trouve son origine dans une cause étrangère ;

- le retard dans la révélation de la contamination de M. X n'a entraîné aucun retard dans le traitement compte tenu de l'état de santé du requérant qui ne justifiait aucun traitement avant septembre 1998 ;

Vu la lettre du président de la 3ème chambre en date du 5 juillet 2005 mettant le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en demeure de produire ses observations en réponse à la requête des consorts X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2006 :

; le rapport de M. Leducq, président,

- les observations de Me Thiebaut, avocat des consorts X,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Jean-Loup X, son épouse Mme Françoise X et sa fille Mme Isabelle X, épouse Y, ont présenté devant le Tribunal administratif de Strasbourg une demande tendant, d'une part, à condamner le centre hospitalier régional de Metz-Thionville à réparer les conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. Jean-Loup X à la suite la coloscopie qu'il a subie dans cet hôpital le 11 janvier 2003 et, d'autre part, à réparer le préjudice subi par celui-ci du fait du retard à l'avoir informé de son infection ; qu'après avoir ordonné, par jugement du 14 janvier 2003, un complément d'expertise aux fins de déterminer l'origine de la contamination, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande d'indemnité des consorts X par un jugement en date du 1er juin 2004, dont ils relèvent appel ;

Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise complémentaire ordonnée par les premiers juges, dont les énonciations circonstanciées ne sont pas sérieusement contredites par les allégations non étayées des requérants, que M. X a fait l'objet le 11 janvier 1996, dans le cadre de l'activité libérale du Dr A, d'un examen sous endoscopie comportant une coloscopie dans des locaux attenants au bureau de consultation mis à a sa disposition et distincts de l'unité générale d'endoscopie digestive ; qu'alors que l'expert indique que la durée de vie du virus hors de l'organisme ne dépasse par 24 heures, le matériel utilisé et notamment le fibroscope, qui avait donné lieu aux protocoles de décontamination-stérilisation conformes aux normes en vigueur et aux données de la science, avait ce jour-là servi exclusivement à l'examen de M. X et n'avait pas été utilisé la veille, mais seulement l'avant-veille au profit d'un patient non connu comme étant contaminé par le virus de l'hépatite C ; qu'il est constant que contrairement aux statistiques habituellement relevées en matière de primo infestation, il n'a pas été observé d'élévation franche du taux de transaminases dans les semaines qui ont suivi l'endoscopie litigieuse ; qu'enfin, il résulte également de l'instruction que les bilans biologiques réalisés en 1989 et 1993 comportaient déjà des perturbations hépatiques et attestaient que l'intéressé était atteint d'une affection hépatique antérieurement à l'intervention litigieuse ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, alors même que le requérant ne présentait pas de facteurs propres de risque d'infection, le lien de causalité direct entre la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C et l'endoscopie digestive qu'il a subie en 1996 ne peut être regardé comme établi ; que dès lors, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal qui n'a pas renversé la charge de la preuve, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C révélerait une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier commise lors de l'endoscopie réalisée le 11 janvier 1996 ;

Considérant, en second lieu, que si l'administration a commis une négligence en n'informant M. X de sa contamination que tardivement, les requérants n'établissent pas en l'espèce que l'intéressé aurait subi un préjudice tenant à la perte d'une chance thérapeutique dès lors que compte tenu de son état de santé, aucun traitement n'était nécessaire durant la période pendant laquelle il avait été tenu dans l'ignorance de sa maladie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande d'indemnité dirigée contre le centre hospitalier régional de Metz-Thionville ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter l'ensemble des conclusions de la requête présentée par les consorts X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier de Metz-Thionville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du centre hospitalier régional de Metz-Thionville tendant au bénéfice des dispositions précitées de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : La requête susvisée de M. Jean-Loup X, de Mme Françoise X et de Mme Isabelle X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier régional de Metz-Thionville tendant au bénéfice des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Loup X, à Mme Françoise X, à Mme Isabelle X épouse Y, au centre hospitalier régional de Metz-Thionville et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

2

N° 04NC00588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00588
Date de la décision : 06/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. Alain LEDUCQ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : THIEBAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-07-06;04nc00588 ?
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