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06/07/2006 | FRANCE | N°01NC00644

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 06 juillet 2006, 01NC00644


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 juin 2001, et les mémoires complémentaires enregistrés les 13 août 2002 et 26 septembre 2005, présentés pour la S.A. BEAUDE, dont le siège social est 4, rue de la Charrière à Châlons-en-Champagne (51000), par Me Duczynski-Lechesne, avocat ;

La S.A. BEAUDE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1, 3, 4 et 5 du jugement du 6 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée :

- solidairement avec M. X, l'entreprise SNCRT et le bureau SOCOTEC à verser une somme de

144 333,92 francs au département de la Marne ;

- solidairement avec l'entreprise...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 juin 2001, et les mémoires complémentaires enregistrés les 13 août 2002 et 26 septembre 2005, présentés pour la S.A. BEAUDE, dont le siège social est 4, rue de la Charrière à Châlons-en-Champagne (51000), par Me Duczynski-Lechesne, avocat ;

La S.A. BEAUDE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1, 3, 4 et 5 du jugement du 6 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée :

- solidairement avec M. X, l'entreprise SNCRT et le bureau SOCOTEC à verser une somme de 144 333,92 francs au département de la Marne ;

- solidairement avec l'entreprise SNCRT et le bureau SOCOTEC, à garantir M. X des condamnations qui lui ont été infligées ;

- solidairement avec M. X, l'entreprise SNCRT et le bureau SOCOTEC aux dépens et à verser une somme de 5 000 francs au département de la Marne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes formulées à son encontre par le département de la Marne, à titre principal, et par M. X et le bureau SOCOTEC, à titre subsidiaire ;

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre à certains moyens présentés par la requérante ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas rejeté la demande dirigée contre la S.A. BEAUDE pour défaut d'imputabilité alors que les désordres constatés sur la rotonde du préau sont dus principalement à l'absence d'ossature rigidifiant l'ouvrage réalisé par la société SNCRT qui aurait permis d'assurer l'indépendance des pavés de verre par rapport au gros oeuvre ; ils sont donc exclusivement imputables à l'architecte chargé de la conception générale de l'ouvrage et de la surveillance des travaux et à la société SNCRT, au titre de la conception d'adaptation pour l'exécution de l'ouvrage et de son exécution même ;

- l'appel en garantie de M. X formé à son encontre, dépourvu de motivation, n'est pas fondé ; à tout le moins, le jugement sera réformé en ce qu'il a omis de prendre en compte la responsabilité de l'architecte dans la surveillance des travaux ;

- les conclusions en garantie de la SOCOTEC sont irrecevables car nouvelles en appel ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 14 août 2001 présenté pour M. X, élisant domicile ..., par Me Barre, avocat ;

M. X conclut :

1°) au rejet de la requête de la S.A. BEAUDE ;

A cet effet, il soutient que les désordres constatés sur la rotonde du préau sont bien imputables à la S.A. BEAUDE dès lors que ce sont les battements de la charpente réalisée par la société qui se répercutent dans la paroi de carreaux de verre et provoquent sa dégradation ;

2°) par la voie d'un appel incident, à titre principal, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné solidairement avec les autres constructeurs à réparer les désordres susmentionnés et, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation des sociétés SNCRT, Grosjean, BEAUDE et le bureau de contrôle SOCOTEC à le garantir intégralement de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;

A cet effet, il soutient que :

- la demande d'indemnité du département de la Marne devant les premiers juges était irrecevable faute de préciser le fondement juridique de la demande ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les désordres affectant la rotonde entrent dans le champ d'application de la garantie décennale ; s'agissant d'un édicule de dimension modeste, les désordres constatés, qui ne consistent qu'en une fissuration des pavés de verre, ne rendaient pas le préau inutilisable ou impropre à sa destination ;

- en tout état de cause, ces désordres ne lui sont pas imputables ;

3°) par la voie d'un appel provoqué, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné solidairement avec la société SNCRT à réparer les conséquences des désordres visés à l'article 2 du jugement ;

A cet effet, il soutient qu'aucun dispositif de drainage des eaux pluviales n'étant prévu dans les travaux, l'indemnité allouée au département s'agissant des travaux de drainage et de reprise de la dalle nécessaires pour empêcher les eaux pluviales de stagner sous le préau et de dégrader les sanitaires doit être réduite de l'enrichissement procuré au maître d'ouvrage soit un montant de 60 782,40 F ;

4°) de condamner la S.A. BEAUDE ainsi que les sociétés SNCRT, Grosjean, et le bureau de contrôle SOCOTEC à lui verser chacun une somme de 10 000 francs au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 21 février 2002, 10 octobre 2003 et 7 février 2006, présentés pour Me Deltour, es qualité de représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de la société SNCRT, dont le siège social est 2 route nationale à Jalons (51150), par la Selas cabinet Devarenne associés ;

La SNCRT conclut :

1°) au rejet de la requête de la S.A. BEAUDE et de l'appel incident de M. X ;

A cet effet, elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute dans la réalisation de la paroi de briques de verre de la rotonde mais s'est bornée à suivre les prescriptions techniques du fabricant des carreaux de verre et les ordres du maître d'oeuvre ;

- les désordres constatés sur la rotonde du préau sont imputables à la S.A. BEAUDE, qui a commis une erreur dans la réalisation de la charpente métallique sans avoir respecté les prescriptions de la Socotec ; surtout, le maître d'oeuvre a commis une erreur de conception générale du bâtiment en ne prenant pas en compte les conditions climatiques et a exercé une surveillance et une coordination du chantier insuffisantes ; le bureau de contrôle technique aurait dû vérifier l'exposition du bâtiment ;

- les désordres dus à l'absence de drainage des eaux pluviales qui résultent d'un choix économique du maître d'ouvrage sont imputables au maître d'oeuvre et au bureau de contrôle technique qui auraient dû chacun informer le maître d'ouvrage du risque encouru ; l'architecte a commis une erreur de conception du système d'évacuation des eaux pluviales ;

3°) par la voie d'un recours incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans la survenance des désordres survenus sur la rotonde du préau ;

A cet effet, elle soutient que :

- contrairement à ce que soutient le département, l'appel incident de la SNCRT est bien recevable dans la mesure où l'appel principal de la société BEAUDE, qui est légalement représentée par le liquidateur, est lui-même recevable ;

- les désordres affectant la rotonde sont exclusivement imputables à la société BEAUDE, à M. X et à la Socotec ;

4°) par la voie d'un appel provoqué, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à réparer les désordres relatifs à la stagnation des eaux pluviales ;

A cette fin, elle soutient que les désordres relatifs à la stagnation des eaux pluviales sont imputables exclusivement à M. X ;

5°) au rejet des conclusions en garantie présentées par la Socotec à son encontre ;

A cet effet, elle soutient que :

- la jurisprudence pose le principe de la responsabilité in solidum entre les constructeurs et le contrôleur des travaux avec un partage égal des différentes responsabilités ;

- la responsabilité de la Socotec doit nécessairement être retenue ;

6°) à la condamnation du département de la Marne à lui payer une somme de 1 525 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 7 février 2003 et 7 janvier 2004, présentés pour la SOCOTEC, dont le siège social est 31, avenue Pierre de Coubertin à Paris (75647), par la SCP Fournier, Badré, Dumont, Hyonne, avocats ;

La SOCOTEC conclut :

1°) au rejet de la requête de la S.A. BEAUDE et des conclusions incidentes de M. X et de la SNCRT ;

2°) par la voie d'un recours incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec les autres constructeurs à réparer les désordres susmentionnés et en tant qu'il l'a condamnée à garantir M. X de 90% des condamnations prononcées à son encontre ;

Elle soutient que :

- selon la convention de contrôle technique du 14 octobre 1991, sa mission de contrôle portait sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables et sur la sécurité des personnes dans les constructions ; sa responsabilité ne saurait donc être recherchée ni en ce qui concerne les désordres résultant du défaut d'évacuation des eaux pluviales ni en ce qui concerne les désordres affectant les canalisations des eaux usées ;

- les désordres affectant l'ouvrage de la rotonde ne lui sont pas imputables ; elle a sur ce point rempli la mission L concernant la solidité du bâtiment en émettant des avis techniques sur les travaux réalisés en vue de la prévention des désordres ;

- c'est à tort que le tribunal a limité la part de responsabilité de M. X à 10% des désordres alors que leur origine essentielle est à rechercher dans un défaut de conception de l'ouvrage et dans un manque de coordination entre les lots maçonnerie et couverture ; la part de responsabilité à la charge définitive de l'architecte ne saurait être inférieure à 50% ;

3°) à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés BEAUDE et SNCRT à la garantir à hauteur de 90% des condamnations qui seraient mis à sa charge ; ;

A cet effet, elle soutient que :

- compte tenu du caractère subsidiaire de la responsabilité du contrôleur technique par rapport aux constructeurs dans la jurisprudence, la part de responsabilité définitivement mise à sa charge ne saurait excéder 10% des désordres invoqués eu égard aux fautes commise par les autres intervenants ;

- la société BEAUDE a omis de mesurer les conséquences de l'exposition de la charpente et de l'incidence des mouvements de celle-ci sur le mur porteur ;

- la société SNCRT n'a pas pris en considération le fait que la charpente allait reposer sur le mur en pavés de verre ;

4°) de condamner M. X et les sociétés SNCRT et BEAUDE aux entiers dépens et à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires en défense enregistrés le 23 septembre 2005 et le 6 juin 2006, présentés pour le département de la Marne, par Me Schidlowsky, avocat ;

Le département de la Marne conclut :

1°) au rejet de la requête de la S.A. BEAUDE ;

2°) au rejet des appels incidents de M. X, et des sociétés SNCRT et SOCOTEC ;

3°) à la condamnation solidaire de M. X, des sociétés SNCRT, BEAUDE à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête d'appel de la S.A. BEAUDE qui a été présentée par le liquidateur judiciaire de la société sans avoir été régularisée par les organes de la procédure collective, est irrecevable ainsi que, par voie de conséquence, les appels incidents ;

- la requête du département devant les premiers juges était parfaitement motivée dans son fondement juridique et par conséquent recevable ;

- Il y a eu des erreurs de conception et de réalisation lors de la construction de la rotonde du préau rendant cet ouvrage impropre à sa destination ;

- la stagnation des eaux pluviales sous le préau et l'humidité des sanitaires ont également pour origine des erreurs de conception et de réalisation des constructeurs ;

- les conduites d'évacuation des eaux usées présentent en raison de diamètres successifs incohérents des malfaçons également imputables aux constructeurs dans le cadre de la garantie décennale ;

Vu la lettre de la Cour en date du 24 mai 2006 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle est susceptible de soulever d'office des moyens d'ordre public relatifs à l'irrégularité du jugement et à l'irrecevabilité de certaines conclusions présentées par la société Socotec, par M. X et par la SNCRT ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2006 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Delachambre-Griffon du cabinet Devarenne, avocat de la SARL nouvelle construction rénovation transport et de M. Grosjean, représentés par Me Deltour,

; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la S.A. BEAUDE, qui demande l'annulation des articles 1, 3, 4 et 5 du jugement du 6 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à réparer les conséquences des désordres constatés lors de la construction par le département de la Marne du préau du collège de Montmort, doit être regardée comme demandant l'annulation dudit jugement uniquement en tant qu'il a statué sur la demande d'indemnité dudit maître d'ouvrage relative aux désordres affectant la rotonde du préau, à l'exclusion des désordres liés à l'absence d'un dispositif de drainage des eaux pluviales ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de la Marne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 622-9 du code de commerce applicable au litige : « Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur » ; que les règles fixées par les dispositions précitées, qui confient au seul liquidateur le soin d'agir en justice, n'ont été édictées que dans l'intérêt de la masse des créanciers ; que, dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant de l'entreprise dont la liquidation judiciaire a été prononcée à se pourvoir en justice contre un jugement qui lui est préjudiciable ; qu'il est constant que le liquidateur de la SA BEAUDE désigné par jugement du 7 juillet 2005 du Tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne, n'a pas excipé de l'irrecevabilité de la requête d'appel présentée par les dirigeants de ladite société ; que par suite le département de la Marne ne saurait utilement soutenir que la requête d'appel de la société BEAUDE est irrecevable faute d'avoir fait l'objet, en cours d'instance, d'une régularisation par les organes de la procédure collective ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : « La décision mentionne que l'audience a été publique. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le commissaire du gouvernement et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. (…) » ;

Considérant qu'il ressort de la pièce transmise par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à la suite de la demande de la Cour de céans tendant à ce que soit produite une copie de la minute du jugement attaqué que ce jugement ne comporte pas les mentions obligatoires prévues aux premier et troisième alinéas de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement dans les limites des conclusions de l'appelant et de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée par le département de la Marne devant le tribunal administratif tendant à la réparation des désordres concernant la rotonde du préau ;

Sur la recevabilité de la demande du département de la Marne devant le tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, applicable à la date où la requête du département de la Marne a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne : « La requête concernant toute affaire sur laquelle le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel est appelé à statuer doit contenir l'exposé des faits et moyens, les conclusions nom et demeure des parties. (…) » ; que si M. X soutient, par la voie d'un recours incident, que la demande présentée par le département de la Marne devant le tribunal administratif ne satisfait pas à ces prescriptions, cette requête expose les désordres affectant l'ouvrage réalisé et indique que la demande de condamnation solidaire des constructeurs est fondée sur la garantie décennale ; que, dès lors, cette requête est recevable ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'en 1992, le département de la Marne a fait procéder à la construction d'un préau au collège de Montmort ; que, postérieurement à la réception des travaux, divers désordres affectant cette construction, sont apparus ; que le maître d'ouvrage demande la condamnation solidaire de l'architecte M. X, de la S.A. BEAUDE, titulaire du lot « charpente métallique », de la S.A.R.L SNCRT en charge du lot « terrassement et maçonnerie », de la société SOCOTEC, chargée du contrôle technique , de Me Deltour es qualité de mandataire liquidateur de M. Grosjean, titulaire du lot « plomberie » et de la société nouvelle Ronzat titulaire du lot « sols » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance du président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, que les désordres constatés sur la paroi de la rotonde du préau, constituée de pavés de verre fissurés en plusieurs endroits, sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et d'entraîner, à terme, sa ruine ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise dont les conclusions ne sont pas sur ce point contestées, que la fissuration des pavés de verre constituant la paroi de la rotonde est la conséquence des battements de la charpente métallique sur le mur ; que ces désordres ont pour origine d'une part des erreurs de conception dues, notamment, à une prise en compte insuffisante des conditions climatiques et des caractéristiques de terrain du site de l'ouvrage et d'autre part des défauts d'exécution tels que l'absence de joint horizontal en tête de paroi et le défaut d'ancrage de la charpente de la fondation ; que, dès lors, ces désordres sont imputables d'une part à M. X, qui a conçu l'ouvrage en cause, et d'autre part aux sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC chargées respectivement de la maçonnerie, de la charpente du bâtiment et des opérations de contrôle technique ; que par suite le département de la Marne est fondé à demander la condamnation solidaire de ces constructeurs à indemniser le préjudice qu'il a subi au titre des désordres affectant la rotonde ;

Sur le préjudice :

Considérant que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé, correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts, les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence ; qu'il suit de là qu'un département ne peut déduire la taxe ayant grevé les travaux de réfection de l'équipement réalisé pour son compte par des constructeurs et que, par suite, le montant de cette taxe doit être inclus dans le montant du préjudice indemnisable subi par le département du fait des constructeurs sans qu'il y ait lieu de rechercher si le département justifiait n'être pas susceptible de déduire cette taxe ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le département de la Marne consécutivement aux désordres affectant la rotonde en condamnant solidairement M. X, les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC à lui verser une somme de 26 536,30 euros (174 066,72 F) toutes taxes comprises qui correspond au coût des travaux nécessaires à la démolition et réfection de la rotonde et à l'installation de poteaux pour report de charges dans les fondations ;

Considérant enfin que l'évaluation des dommages subis par le département de la Marne devait être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et où leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier ; qu'en l'espèce, cette date est, au plus tard, celle où l'expert désigné par le tribunal administratif a déposé son rapport ; que ce rapport définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires ; que le département de la Marne n'est dès lors pas fondé à demander que les sommes qui lui sont allouées soient indexées sur l'indice du coût de la construction ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la société SNCRT, qui aurait dû signaler à la maîtrise d'oeuvre les difficultés techniques liées à la conception de l'ouvrage, a commis des erreurs dans l'exécution des travaux de construction de la rotonde du préau ; que si elle ne pouvait prendre en considération les insuffisances spécifiques de la partie maçonnée de l'ouvrage, la société BEAUDE a cependant également commis des manquements dans l'exécution des travaux relevant de sa seule compétence technique ; que la société Socotec n'a pas assuré pleinement sa mission de contrôle technique sur cet ouvrage ; qu'enfin, pour sa part, M. X a, en tant qu'architecte, commis une faute dans la conception générale dudit ouvrage et n'a pas au surplus suffisamment veillé à la coordination des travaux dont s'agit et a ainsi engagé sa responsabilité à hauteur de 50% du préjudice subi par le département de la Marne ; qu'il y a lieu, dès lors, en ce qui concerne le préjudice résultant des désordres constatés sur la rotonde du préau, de condamner solidairement les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC à garantir M. X à concurrence de 50 % des condamnations mises à sa charge ;

Considérant, en second lieu, que les conclusions à fin de garantie présentées par la Socotec à l'encontre de la société SNCRT et de la société BEAUDE présentées pour la première fois à hauteur d'appel sont constitutives d'une demande nouvelle en appel et sont par suite irrecevables ;

Sur les conclusions relatives aux désordres autres que ceux affectant la rotonde du préau :

Considérant que, par la voie d'appels provoqués, M. X, d'une part, et la société SNCRT, d'autre part, demandent l'annulation du jugement attaqué en tant que, par son article 2, il les a condamnés solidairement à verser au département de la Marne une somme de 213 147,92 F en réparation des désordres consécutifs à l'absence d'un dispositif de drainage des eaux pluviales ; que cependant, ainsi qu'il a été dit plus haut, l'appel principal de la société BEAUDE ne porte que sur les désordres provoqués par la fissuration des briques de verre de la rotonde du préau ; que le présent arrêt n'a dès lors pas pour effet d'aggraver la situation des intéressés s'agissant des désordre visés à l'article 2 précité ; que par suite les conclusions présentées sur ce point par M. X et par la société SNCRT doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'il soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (…) » ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner solidairement M. X, et les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC aux dépens qui comprennent les frais d'expertise ordonnée en référé, liquidés et taxés à la somme de 11 002,79 francs, soit 1 677,36 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner solidairement M. X et les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC à verser au département de la Marne une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en vertu de ces mêmes dispositions, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées, à ce titre, par M. X et les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 mars 2001 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il a statué sur la demande d'indemnité du département de la Marne tendant à la réparation des désordres affectant la rotonde du préau du collège de Montmort.

Article 2 : M. X et les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC sont solidairement condamnés à payer au département de la Marne une somme de 26 536,30 euros (vingt six mille cinq cent trente-six euros et trente centimes).

Article 3 : Les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC sont solidairement condamnées à garantir M. X à hauteur de 50 % de la condamnation de 26 536,30 euros qui a été mise à sa charge.

Article 4 : M. X et les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC sont solidairement condamnés au paiement des dépens de l'instance qui comprennent les frais et honoraires de l'expert liquidés et taxés à la somme de 1 677,36 euros (mille six cent soixante dix-sept euros et trente-six centimes).

Article 5 : M. X et les sociétés SNCRT, BEAUDE et SOCOTEC sont solidairement condamnés à verser au département de la Marne une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions présentées par les parties devant la Cour de céans est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. BEAUDE, au département de la Marne, à M. Bruno X, à la S.A. Socotec, à la société nouvelle construction rénovation transport (SNCRT), à la société nouvelle Ronzat et à M. Grosjean.

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N° 01NC00644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00644
Date de la décision : 06/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BRISSART - LECHESNE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-07-06;01nc00644 ?
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