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29/05/2006 | FRANCE | N°04NC01032

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 29 mai 2006, 04NC01032


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 novembre 2004, complétée par des mémoires enregistrés les 16 juin 2005 et 1er février 2006, présentée pour Me Philippe Y, mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A. Compagnie de Développement Textile, demeurant ..., par Me Hauger, avocat ;

Me Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304118 du 28 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Alain X, les décisions de l'inspecteur du travail du 30 avril 2003 et du ministre des affaire

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 novembre 2004, complétée par des mémoires enregistrés les 16 juin 2005 et 1er février 2006, présentée pour Me Philippe Y, mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A. Compagnie de Développement Textile, demeurant ..., par Me Hauger, avocat ;

Me Y demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304118 du 28 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Alain X, les décisions de l'inspecteur du travail du 30 avril 2003 et du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 28 octobre 2003 autorisant son licenciement pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner M. X à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'appel du jugement du 28 septembre 2004 est recevable, introduit par une requête motivée en fait et en droit enregistrée le 25 novembre 2004 ;

- le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement est attesté par la situation du Groupe VEV auquel appartient la Compagnie de Développement Textile, les sociétés qui le composent ayant été placées en redressement judiciaire en janvier 2004 ;

- l'obligation de reclassement s'apprécie en considération des moyens et pouvoirs dont dispose de manière effective celui sur qui pèse l'obligation, en l'occurrence le mandataire liquidateur ; le principe est désormais inscrit à l'article L. 321-4-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 ; or le Tribunal n'a pas démontré en quoi Me Y n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement ; en estimant que Me Y n'a pas procédé à un examen individuel des possibilités de reclassement de M. X, il n'a tenu compte ni des contraintes de délai s'imposant au mandataire liquidateur pour satisfaire à l'obligation de reclassement qui lui incombait, ni des multiples démarches accomplies pour préserver l'emploi des salariés ; or Me Y a publié des appels d'offre dans plusieurs journaux permettant la poursuite de l'activité du magasin d'usine de Senones et le maintien de six contrats de travail ; il a pris diverses mesures tendant à favoriser le reclassement externe des salariés, notamment la mise en place d'une cellule de reclassement, des congés de conversion ; il a adressé le 10 mars 2003 à la direction du Groupe VEV un courrier demandant de procéder à la recherche de solutions de reclassement pour l'ensemble des salariés de l'entreprise, dont la liste était annexée ; il a participé avec la direction du groupe VEV, lequel connaissait déjà de graves difficultés financières, à une réunion organisée le 24 avril 2003 à la préfecture du Haut-Rhin sur la sauvegarde des emplois ; le fait qu'à la lettre adressée à la direction du groupe VEV était annexée la liste des salariés concernés avec leur ancienneté dans l'entreprise et l'emploi occupé montre que la situation individuelle des salariés a bien été prise en considération ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 9 février et 19 décembre 2005, présentés pour M. Alain X élisant domicile ..., par Me Chamy avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'appel est irrecevable, aucun mémoire n'ayant été adressé par l'appelant dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement ;

- l'obligation de reclassement, qui doit s'exercer avant la notification du licenciement, n'a pas été respectée, le liquidateur n'ayant pas exploité les possibilités existantes au sein du groupe VEV ; le licenciement est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Vu le mémoire enregistré le 27 juillet 2005, présenté par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ;

Il soutient que :

- la requête enregistrée dans le délai d'appel est recevable ;

- le reclassement interne des salariés était impossible, tous les postes de salariés étant supprimés avec la liquidation judiciaire de l'entreprise ;

- le groupe VEV connaissait d'importantes difficultés économiques, confirmées par l'évolution négative du chiffre d'affaires et du résultat net du groupe ;

- des congés de conversion et une cellule de reclassement ont été mis en place ; l'obligation de reclassement a ainsi été satisfaite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les ordonnances par lesquelles la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 11 janvier 2006 à 16 heures puis réouverte le 14 février 2006 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me Larere de la SCP Lebon-Mennegand substituant Me Hanger du cabinet Legalis, avocat de Me Y, liquidateur de la compagnie de développement textile,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'appel formé par Me Y à l'encontre du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 28 septembre 2004 a été enregistré dans le délai d'appel le 25 novembre 2004 et est dès lors recevable ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, les salariés investis des fonctions de délégué du personnel ou de représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing du 4 mars 2003, prononçant la liquidation judiciaire de l'entreprise, a imparti au liquidateur un très bref délai pour la poursuite d'activités, de trois semaines, durant lequel plusieurs démarches ont été accomplies par Me Y en vue de reclasser les salariés licenciés ; que celui-ci a recherché un reclassement au sein des entreprises du groupe VEV auquel appartenait la Compagnie de Développement Textile, par l'envoi d'un courrier adressé à la direction du groupe précisant l'ancienneté et les fonctions des salariés concernés, publié des appels d'offre dans plusieurs journaux en vue du rachat de l'entreprise, et pris diverses mesures tendant à favoriser le reclassement externe des salariés, notamment par la mise en place d'une cellule de reclassement et de congés de conversion ; qu'également, le groupe VEV connaissait lui aussi une mauvaise situation financière, avec des résultats d'exploitation et des résultats nets fortement négatifs dès 2001, conduisant d'ailleurs les sociétés concernées à une mise en redressement judiciaire prononcée par des jugements des 19 et 20 janvier 2004 ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, c'est à tort que les premiers juges ont annulé les décisions attaquées au motif d'une méconnaissance de l'obligation susmentionnée de rechercher toutes les possibilités de reclassement du salarié protégé ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des démarches ont bien été accomplies, notamment auprès de l'ensemble des sociétés du groupe, pour la recherche de solutions de reclassement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, le liquidateur a, en tout état de cause, procédé à un examen des possibilités de reclassement avant même d'obtenir l'autorisation de licenciement ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que l'employeur aurait fait preuve de légèreté blâmable dans la gestion de l'entreprise est, à le supposer établi, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 5 mai 2003 et du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 28 octobre 2003 autorisant le licenciement pour motif économique de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X à verser à Me Y la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 septembre 2004 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande de M. X et ses conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de Me Y sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Y, au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et à M. Alain X.

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N° 04NC01032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC01032
Date de la décision : 29/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : LEGALIS - CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-29;04nc01032 ?
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