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29/05/2006 | FRANCE | N°04NC01008

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 29 mai 2006, 04NC01008


Vu la requête, enregistrée le 12 novembre 2004, et les mémoires complémentaires en date des 4 avril 2005 et 3 mai 2006 présentés pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BRIE CHAMPENOISE dont le siège est 4, rue des Fossés à Montmirail (Marne), représentée par son président, pour la commune de Montmirail, représentée par son maire, pour la COMMUNE DE VAUCHAMPS (Marne) représentée par son maire, par Me Cahen, avocat ; elles demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 23 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné

payer à M. X, d'une part, les communes de Montmirail et de Vauchamps sol...

Vu la requête, enregistrée le 12 novembre 2004, et les mémoires complémentaires en date des 4 avril 2005 et 3 mai 2006 présentés pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BRIE CHAMPENOISE dont le siège est 4, rue des Fossés à Montmirail (Marne), représentée par son président, pour la commune de Montmirail, représentée par son maire, pour la COMMUNE DE VAUCHAMPS (Marne) représentée par son maire, par Me Cahen, avocat ; elles demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 23 septembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné à payer à M. X, d'une part, les communes de Montmirail et de Vauchamps solidairement, la somme de 171 932 euros avec intérêts de droit à compter du 7 décembre 2002, d'autre part, la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BRIE CHAMPENOISE celle de 15 393 euros avec intérêts de droit à compter du 14 avril 2000, enfin les communes de Montmirail, de Vauchamps et la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BRIE CHAMPENOISE solidairement les sommes de 3 745,36 euros au titre des frais d'expertise et de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal ;

3°) de condamner M. X à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions des communes relatives à l'exception de prescription quadriennale sur le fondement de l'absence de qualité de son auteur dès lors que les compétences des communes relatives à l'assainissement des eaux usées et pluviales ayant été transférées à l'établissement de coopération, le président avait qualité pour soulever cette exception justifiée au fond dès lors que dès mars 1986, l'intéressé ne pouvait ignorer l'une des origines de la pollution ;

- c'est à tort que le tribunal a omis de répondre sur la qualité des ouvrages réalisés dans le cadre de drainage, ces travaux ne relevant pas de l'article L. 151-12 du code rural et n'étant pas des ouvrages publics ;

- c'est à tort que le tribunal omet de motiver les raisons permettant de retenir à partir du 1er janvier 1998 la responsabilité de la communauté de communes ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la pollution mentionnée par M. X fin 1970 alors qu'aucune date n'est retenue par l'expert, et qu'ainsi, il est possible que l'étang ait été pollué dès son acquisition en 1963, que l'intéressé a omis de se renseigner au moment de l'installation de son établissement sur les risques de pollution du terrain, qu'il a retenu que la pollution était largement imputable à des déficiences du réseau communal d'évacuation d'eaux usées, qu'il a retenu la responsabilité de la COMMUNE DE VAUCHAMPS séparée de la pisciculture par 9 kms d'épuration naturelle ;

- dans la mesure où les causes de pollution sont plurales, il n'appartient à la juridiction de condamner les requérants qu'en fonction des fautes qui concourent au préjudice et rien ne permet de le faire en l'état de l'instruction ;

- c'est à tort que le tribunal a omis de s'expliquer sur le calcul du préjudice qui ne peut être déterminé, et la carence de l'expertise est flagrante ;

Vu enregistrés les 22 février 2005 et 10 avril 2006, les mémoires en défense présentés pour M. Bernard X élisant domicile ..., par Me Drai, avocat, tendant au rejet de la requête, à la confirmation du jugement, à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les conclusions sont irrecevables dès lors qu'elles ne sont pas dirigées contre le jugement ;

- l'exception de prescription n'ayant pas été opposée par l'autorité mais par son conseil est irrecevable ;

- le moyen relatif à la nature juridique des ouvrages manque en fait ;

- le tribunal n'a commis aucune erreur sur la détermination des responsabilités administratives encourues sur le fondement du risque et l'absence de faute de la victime ;

- la critique de l'expertise relative à l'évaluation du préjudice manque de sérieux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la lettre informant les parties qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 :

- le rapport de M. Job, président,

- les observations de Me Cahen, avocat de la COMMUNE DE VAUCHAMPSY, et de Me Soummer de la SCP Huglo-Lepage et associés, avocat de M. X,

et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 26 mai 2006 produite par la SCP Huglo-Lepage et associés ;

Considérant qu'après avoir mis hors de cause les chambres d'agriculture de la Marne, de l'Aisne, le centre du machinisme agricole et du génie rural des eaux et forêts et l'Etat, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par jugement en date du 23 septembre 2004 attaqué, a condamné, respectivement, pour la période antérieure au 1er janvier 1998 les communes de Montmirail et de Vauchamps, et pour la période postérieure à cette date correspondant au transfert de leurs compétences en matière d'assainissement, la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BRIE CHAMPENOISE, à indemniser M. X à raison du préjudice subi par celui ci du fait de la pollution dont sa pisciculture a été atteinte de 1980 à 1996 au motif que ces dommages étaient, au moins pour partie, imputables à l'assainissement des eaux usées provenant des communes en cause ; que les communes et la communauté de communes font appel dudit jugement en tant qu'il a accueilli les conclusions formées par M. X à leur encontre ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X :

Considérant que la fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions des appelants ne seraient pas dirigées contre le jugement attaqué manque en fait ; qu'elle ne peut, en conséquence, qu'être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, d'une part, que les collectivités territoriales font valoir que le tribunal a omis de se prononcer sur la nature juridique des ouvrages de drainage agricole réalisés ; que, dans la mesure où le tribunal a mentionné que la désignation des ouvrages par M. X était imprécise et qu'il n'en résultait pas que les chambres d'agriculture de la Marne, de l'Aisne, le centre du machinisme agricole et du génie rural des eaux et forêts ou l'Etat en soient responsables, il n'avait pas à se prononcer sur leur nature ; que, d'autre part, si les collectivités territoriales soutiennent que le tribunal a omis d'expliciter les raisons permettant de retenir la responsabilité de la communauté de communes à partir du 1er janvier 1998, ce moyen manque en fait ; qu'enfin, en ce qui concerne le préjudice, il résulte de l'instruction que les éléments ayant concouru au calcul menant à l'indemnisation retenue ont été mentionnés dans le jugement ; qu'ainsi, les collectivités territoriales ne sont pas fondées à soutenir que ce dernier est entaché d'irrégularité ;

Sur l'exception de prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 : «L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond» ;

Considérant que le tribunal a rejeté les exceptions de prescription soulevées par les collectivités territoriales au motif que leur conseil n'avait pas personnellement qualité pour opposer cette exception ; que, devant la Cour, ces dernières font valoir que c'est à tort que le tribunal a rejeté cette exception alors que les compétences des communes relatives à l'assainissement des eaux usées et pluviales ayant été transférées à l'établissement de coopération, son président avait qualité pour l'opposer, et qu'elle était justifiée au fond dès lors que dès mars 1986, l'intéressé ne pouvait ignorer l'une des origines de la pollution ; que, cependant, d'une part, elles ne critiquent pas le motif d'irrecevabilité retenu par le tribunal, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que ce motif ait été erroné, enfin, la régularisation de l'opposition faite pour la première fois par le président de la communauté de communes lui-même, au pied du mémoire enregistré au greffe de la Cour le 4 avril 2005, est également tardive dès lors qu'elle devait être faite dans les conditions prescrites par l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 susénoncée ; que, par suite, le moyen doit être rejeté ;

Sur la responsabilité :

Considérant que la ferme de Courcelles où M. X exploitait depuis 1963 une pisciculture alimentée par deux sources et le Ru des Egremonts est située en contre bas de la ville de Montmirail, hameau de Montcoupot ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des conclusions de l'expertise de M. Benoit en date du 6 décembre 1999, que la ressource nécessaire à l'exploitation est polluée, d'une part, ordinairement, par les eaux usées provenant principalement des réseaux ou fuites de réseaux des communes de Vauchamps et Hautefeuille, accessoirement de celles de Montmirail, d'autre part, progressivement depuis les années 1980 avec l'augmentation des drainages dans l'agriculture qui véhiculent plus rapidement les eaux, par les nitrates, particules résiduelles de produits d'enrichissement du sol ; qu'ainsi qu'en a jugé le tribunal sans commettre d'erreur, eu égard à sa situation de tiers par rapport aux réseaux d'assainissement, M. X est fondé à rechercher la responsabilité sans faute des communes de Vauchamps et Montmirail, et celle de la communauté de communes depuis sa création à raison du préjudice qu'il subit du fait de cette pollution sans que ces collectivités puissent utilement se prévaloir vis à vis de lui du fait d'autres responsables ou, en ce qui concerne la COMMUNE DE VAUCHAMPSY, de son éloignement par rapport au site en cause qui serait de nature à minorer sa responsabilité ; qu'en revanche, ces collectivités sont fondées à soutenir qu'en acquérant puis en exploitant cette pisciculture dont les sources d'approvisionnement aquifères se trouvaient déjà soumises à la pollution des eaux usées des communes, même si le phénomène n'était pas encore manifeste, M. X a commis une imprudence fautive ; qu'ainsi, la responsabilité de la communauté de communes qui soutient sans être démentie par les communes qu'elle se substitue de plein droit aux droits et actions de ces dernières n'est engagée vis à vis de M. X qu'à hauteur des 2/3 de la responsabilité du dommage ;

Sur le préjudice :

Considérant que les conclusions chiffrées issues de la reprise par l'expert d'un rapport tronqué d'un sapiteur extérieur relatif à un autre dossier d'indemnisation de préjudice piscicole dont M. X a demandé au tribunal l'homologation sans y apporter aucune critique, permettent à la Cour de déterminer, entre 1980 et 1996, d'une part, que la pollution aurait eu pour partie un effet bénéfique sur l'exploitation dès lors que les pertes définitives envisagées par l'expert auraient diminué en francs constants, notamment durant les dernières années, d'autre part, que les effets de cette pollution auraient été, à défaut d'être constants, légèrement plus importants au début de la pollution que dans les dernières années, enfin, que la pérennité de l'exploitation est sans aucun rapport avec les bénéfices qui ont été déclarés réalisés depuis les toutes premières années de la décennie 1980, exercices au cours desquels la pollution a été déclarée débutante ; que, dans ces conditions, alors qu'une nouvelle expertise ne serait pas de nature à mieux éclairer la Cour en raison du long délai qui s'est écoulé depuis 1980 et du caractère nécessairement fugace de certains éléments de faits, mais dès lors qu'il ne peut être dénié que les effets des pollutions ont eu globalement une influence négative sur l'exploitation de M. X, il sera fait une juste appréciation des préjudices de toutes natures qu'il a subis durant ces années en les évaluant à une somme de 75 000 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus exposé, il y a lieu de condamner la communauté de communes substituée aux droits et obligations des communes, à verser à M. X la somme de 50 000 euros qui portera intérêts à compter du 19 avril 2000 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BRIE CHAMPENOISE versera à M. X la somme de 50 000 euros qui portera intérêts de droit à compter du 19 avril 2000.

Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 0001616 en date du 23 septembre 2004 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par les collectivités territoriales, et les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BRIE CHAMPENOISE, à la COMMUNE DE VAUCHAMPSY, à la commune de Montmirail et à M. Bernard X.

Copie en sera adressée à la chambre d'agriculture de la Marne, à la chambre d'agriculture de l'Aisne, à la préfecture de la région Champagne-Ardenne, à la préfecture de l'Aisne et au centre du machinisme agricole et du génie rural des eaux et forêts.

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N° 04NC01008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC01008
Date de la décision : 29/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : CAYOL - CAHEN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-29;04nc01008 ?
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