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24/05/2006 | FRANCE | N°05NC01275

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 24 mai 2006, 05NC01275


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 septembre 2005, complétée par un mémoire enregistré le 31 mars 2006, présentée pour Mlle Ayse X, élisant domicile ..., par Me Boukara, avocat ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500689 en date du 25 juillet 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du règlement intérieur du Lycée Jean Rostand à Strasbourg, de la décision du conseil de discipline du 24 novembre 2004 prononçant son exclusion définitive du lycée e

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 septembre 2005, complétée par un mémoire enregistré le 31 mars 2006, présentée pour Mlle Ayse X, élisant domicile ..., par Me Boukara, avocat ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500689 en date du 25 juillet 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du règlement intérieur du Lycée Jean Rostand à Strasbourg, de la décision du conseil de discipline du 24 novembre 2004 prononçant son exclusion définitive du lycée et de la décision du recteur de l'académie de Strasbourg en date du 17 décembre 2004 ayant confirmé son exclusion définitive et, d'autre part, à enjoindre sous astreinte au proviseur de Lycée Jean Rostand ou au recteur d'académie de l'accueillir au sein dudit établissement dans les mêmes conditions que les autres élèves ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susvisées ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 200 € par jour de retard, au recteur de l'académie de Strasbourg et au proviseur du Lycée Jean Rostand d'accueillir la requérante dans l'établissement scolaire dans les mêmes conditions que les autres élèves ;

4°) de condamner solidairement l'Etat et le Lycée Jean Rostand à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas répondu à certains des moyens soulevés par la requérante ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande tendant à annuler le règlement intérieur au motif qu'il est entaché de plusieurs vices tant en ce qui concerne la légalité externe que la légalité interne ;

- il n'est, en effet, pas établi que le nouveau règlement intérieur ait été adopté dans les conditions prévues par le décret du 30 août 1985 et par l'article L. 421-14 du code de l'éducation ; il n'est pas non plus justifié que le nouveau règlement ait été communiqué au recteur ;

- l'interdiction du port de tout couvre-chef dans les salles de cours est contraire à l'ensemble des textes qui protègent la liberté religieuse ainsi que la liberté d'expression ; la disposition incriminée du règlement intérieur porte aussi atteinte au droit au respect de la vie privée et à la liberté du choix de la tenue vestimentaire de l'élève ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la requérante n'était pas recevable à contester, directement ou indirectement par voie d'exception, la décision d'exclusion définitive prise par le conseil de discipline ; cette solution est contraire à l'article 13 de la convention européenne des droits de l'homme affirmant le droit à un recours effectif ;

- la décision du conseil de discipline est irrégulière car elle a été prise en violation de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation prévoyant un véritable dialogue avec l'élève ; en outre, les droits de la défense ont été méconnus au cours de la séance du 24 novembre 2004 et le fonctionnement du conseil de discipline est entaché de partialité ; la décision du conseil de discipline est entachée d'illégalité dans la mesure où, contrairement à l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme relatif au droit au procès équitable, la sanction participe d'un processus et d'un traitement uniformes, décidés au niveau ministériel, sans considération des particularités de chaque affaire ;

- la légalité interne de la décision du conseil de discipline est affectée des mêmes vices que ceux affectant la décision par laquelle le recteur a confirmé l'exclusion définitive de la requérante :

- la décision du recteur en date du 20 décembre 2004 est irrégulière ; elle a été prise en violation de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation et de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ; en outre, c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision était suffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ;

-la décision du recteur a méconnu le principe de la légalité des sanctions prévu à l'article 3 du décret du 30 août 1985, dès lors que la sanction de l'exclusion définitive n'est, selon le règlement intérieur du Lycée Jean Rostand, applicable seulement en cas de récidive, ce qui n'est pas le cas de la requérante ; la décision du recteur méconnaît ainsi l'article 3 dudit décret ainsi que les dispositions du règlement intérieur ;

- la sanction attaquée porte atteinte à la vie privée et à la liberté de choix de la tenue vestimentaire, droits reconnus par les articles 4 et 5 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ; le fait pour l'administration de sanctionner la requérante à raison du port d'un foulard est un acte de discrimination prohibé par l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme alors que les élèves garçons peuvent sans difficulté porter des casquettes et des bandanas ;

- le tribunal a fait une inexacte application de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, lequel interdit seulement aux élèves de manifester ostensiblement leur appartenance religieuse, ce qui n'est pas le cas dans l'espèce ; conformément à l'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme, il y a lieu de vérifier si l'élève a adopté un comportement de nature revendicative avec la volonté de marquer son appartenance religieuse ; le port sans intention revendicative ni connotation religieuse du foulard, simple accessoire de mode, n'est pas prohibé par les textes ;

- l'interprétation de la loi du 15 mars 2004 comme interdisant par principe le port d'une tenue qui est la traduction d'une pratique, est contraire à l'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme ; la jurisprudence du Conseil d'Etat avait ainsi indiqué jusque-là que le principe de laïcité de l'enseignement public ne justifiait pas la restriction à la liberté d'expression des élèves et n'était pas incompatible avec le port de signes religieux ; la loi de 2004 est discriminatoire dans son objet et dans ses effets car elle vise particulièrement à interdire le port du foulard dit «islamique» ; en effet, la sanction est fondée sur le choix d'une tenue vestimentaire dont l'administration a déduit qu'elle était portée pour un motif religieux en raison de l'appartenance réelle ou supposée de la requérante à la communauté musulmane ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, qui n'a pas examiné ce moyen, l'exclusion définitive de l'intéressée porte une grave atteinte à son droit à l'instruction tel que protégé par l'article 2 du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme, le 13ème alinéa du préambule de la constitution de 1946, ainsi que les articles L. 111-1, L. 141-1 et L. 141-2 du code de l'éducation ; aucune solution alternative permettant à la requérante d'accéder à une scolarité dans les mêmes conditions ou dans des conditions équivalentes que les autres élèves ne lui a été proposée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 21 novembre 2005 et 13 mars 2006, présentés par le Lycée Jean Rostand, représenté par le proviseur en exercice ;

Le Lycée Jean Rostand conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux exposés par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2005 , présenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les moyens tirés de l'illégalité externe du règlement intérieur ne peuvent qu'être écartés ; tant en première instance qu'en appel, la requérante ne fournit pas les précisions suffisantes permettant d'apprécier le bien-fondé ;

- comme l'a jugé à bon droit le tribunal, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à un établissement scolaire de réglementer la tenue des élèves au sein des locaux scolaires en vue de préserver l'ordre et notamment pour des raisons de sécurité, d'hygiène et de civilité ; l'interdiction de tout couvre-chef, y compris porté pour des motifs d'ordre religieux, dans les bâtiments scolaires et les salles de classe est légale ;

- les conclusions dirigées contre la décision du conseil de discipline sont irrecevables, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, car la décision du recteur se substitue à la décision initiale ; en tout état de cause, le moyen tiré de l'absence de mise en oeuvre de la phase de dialogue prévue à l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation manque en fait ;

- le moyen tiré de ce que la décision du conseil de discipline est entachée d'irrégularité est inopérant puisque la décision du recteur, prise après un examen complet de l'affaire par la commission académique, s'est entièrement substituée à la décision du conseil de discipline ;

- le moyen tiré de la violation du principe de légalité des sanctions n'est pas fondé ; il n'y a pas lieu de constater une récidive dans la mesure où la méconnaissance de la loi de 2004 n'est pas assimilée à une simple infraction à la tenue au sens du règlement intérieur ; toute autre interprétation serait contraire à la loi elle-même et imposerait d'écarter l'application de cette clause du règlement intérieur ;

- la décision du recteur n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme car le présent litige ne porte ni sur des droits et obligations de caractère civil ni sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention ;

- le principe de légalité des sanctions est respecté dès lors que le règlement intérieur prévoit que le conseil de discipline se prononce sur une proposition motivée d'exclusion présentée par le chef d'établissement ; au demeurant, le recteur a pris sa décision en se fondant sur la loi du 15 mars 2004 qui renvoie à la procédure disciplinaire régie par les décrets du 30 août et du 18 décembre 1985 ; or, l'article 3 du décret du 30 août 1985 prévoit effectivement l'exclusion définitive de l'établissement à titre de sanction disciplinaire ;

- aucune règle ne reconnaît aux élèves un droit absolu à s'habiller à leur guise ;

-les conditions dans lesquelles la requérante portait son couvre-chef et la circonstance qu'elle entendait le porter en permanence, y compris pendant les cours, c'est-à-dire au moment où les autres élèves sont têtes nues, faisaient bien de cette coiffe une tenue manifestant ostensiblement l'appartenance religieuse de la jeune fille ;

- le recteur a donné de la loi du 15 mars 2004 une interprétation conforme à celle de la circulaire ministérielle du 18 mai 2004 dont le Conseil d'Etat a reconnu la légalité ;

- le fait que la requérante n'ait adopté aucune attitude revendicative ou prosélyte est sans incidence sur la légalité de la sanction ;

- la sanction, qui n'a pas porté une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion, n'a pas méconnu l'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme ni pris une mesure de discrimination fondée sur la religion ; la Cour européenne des droits de l'homme admet que le principe de laïcité pouvait justifier une limitation du droit d'exprimer ses convictions religieuses au sein des établissements publics d'enseignement ;

- la décision du recteur n'a pas porté atteinte au droit à l'instruction ; la requérante a elle-même refusé de se conformer aux règles applicables aux établissements publics d'enseignement publics, ce qui a rendu inéluctable son exclusion ; l'intéressée s'est vu proposer une rescolarisation dans un lycée public de son département dans la mesure où elle accepterait de se conformer aux dispositions de la loi de 2004 ou une inscription au centre national d'enseignement à distance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu le préambule de la constitution de 1946 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international des droits civils et politiques, notamment son article 18 ;

Vu la convention de New York sur les droits de l'enfant ;

Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement ;

Vu le décret n° 85-1348 du 18 décembre 1985 relatif aux procédures disciplinaires dans les collèges, les lycées et les établissements d'éducation spéciale ;

Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 141 ;5 ;1 issu de la loi n°2004 ;228 du 15 mars 2004 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2006 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me De Montlibert, substituant Me Boukara, avocat de Mlle X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le conseil de discipline du Lycée d'enseignement général technologique et professionnel Jean Rostand de Strasbourg a, lors de sa séance du 24 novembre 2004, prononcé la sanction de l'exclusion définitive de l'établissement de Mlle X, élève inscrite en terminale pour la préparation du brevet d'enseignement professionnel, pour ne pas avoir respecté la loi n° 2004 ;228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ; que, par une décision du 17 décembre 2004, prise après avis de la commission académique d'appel, le recteur de l'académie de Strasbourg a rejeté le recours administratif formé par l'intéressée et confirmé cette sanction ; que Mlle X relève appel du jugement n° 0500689 du 25 juillet 2005 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du conseil de discipline en date du 24 novembre 2004 et de la décision du recteur en date du 17 décembre 2004 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation du règlement intérieur de l'établissement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le Tribunal administratif de Strasbourg a écarté les moyens présentés par la requérante tirés, d'une part, de l'irrégularité de la procédure d'établissement du règlement intérieur et, d'autre part, de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme relatif au droit à la vie privée et de l'article 2 de son premier protocole additionnel relatif au droit à l'instruction aux motifs qu'ils n'étaient pas, tels qu'ils étaient articulés, assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que, par ailleurs, en estimant que la matérialité des faits n'était pas sérieusement contestée et que le recteur a légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, le tribunal a nécessairement répondu aux moyens de la demande tirés de ce que la décision rectorale était erronée en fait et en droit ; que, par suite, à supposer que la requérante ait entendu ainsi contester la régularité du jugement, elle n'est pas fondée à soutenir que ce dernier serait entaché sur ces points d'omission à statuer ; qu'enfin, le tribunal n'était pas tenu de communiquer à la requérante la note en délibéré adressée par le recteur de l'académie, qui n'apportait pas d'éléments nouveaux et sur laquelle les premiers juges ne se sont pas fondés pour prendre leur décision ;

Sur les conclusions dirigées contre le règlement intérieur :

Considérant que devant le Tribunal administratif de Strasbourg, Mlle X a demandé, à titre principal, l'annulation du règlement intérieur du Lycée Jean Rostand et, à titre subsidiaire, l'annulation du même règlement intérieur en tant qu'il contient la disposition relative à la tenue des élèves selon laquelle «le port de tout couvre-chef est interdit dans toutes les salles de cours sous peine de renvoi» ;

Considérant, en premier lieu, que les moyens de Mlle X concernant la régularité de la procédure d'adoption du nouveau règlement intérieur du lycée Jean Rostand ne sont, pas plus en première instance qu'en appel, assortis de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu, dans ces conditions, d'inviter l'administration à produire l'ensemble des pièces concernant ladite procédure, a écarté lesdits moyens de légalité externe ;

Considérant, en second lieu, que la disposition de l'article 2.2.3 du règlement intérieur figurant dans le chapitre «comportement» qui vise à prohiber le port de tout couvre-chef dans les salles de classes aux fins de préserver le bon ordre au sein de l'établissement et, notamment, le respect des règles de sécurité, d'hygiène et de civilité entre les membres de la communauté scolaire, n'a pas pour objet ni pour effet d'interdire aux élèves le port de signes religieux discrets ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la disposition du règlement intérieur incriminée aurait porté atteinte à la liberté de religion des élèves ; que ladite disposition n'interdit pas de façon générale et absolue le port du couvre-chef dans l'ensemble des locaux scolaires mais uniquement dans les salles de cours ; que cette restriction, limitée dans l'espace et qui n'affecte pas les autres accessoires vestimentaires, est proportionnée aux buts en vue desquels elle a été édictée et, par suite, n'excède pas les restrictions que les autorités administratives peuvent légalement apporter à la liberté individuelle de se vêtir ainsi qu'au droit au respect de la vie privée reconnus aux élèves des établissements de l'enseignement public par les textes nationaux et internationaux ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la disposition susmentionnée du règlement intérieur ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du conseil de discipline en date du 24 novembre 2004 :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 31 du décret susvisé du 30 août 1985 et de l'article 8 du décret susvisé du 18 décembre 1985, le recours présenté auprès du recteur à l'encontre des décisions du conseil de discipline doit être regardé comme un recours administratif constituant un préalable obligatoire à la saisine du juge administratif et à l'issue duquel le recteur, après avis de la commission académique d'appel, arrête définitivement la position de l'administration ; que sa décision, qui s'est substituée rétroactivement à celle du conseil de discipline, est seule susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de la décision du conseil de discipline en date du 24 novembre 2004 prononçant son exclusion définitive de l'établissement sont sans objet et doivent être rejetées comme irrecevables ; que si l'exercice du recours administratif obligatoire a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur ce recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité et au contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; que, dès lors, la requérante ne saurait soutenir que la fin de non-recevoir relevée à son encontre par le tribunal administratif l'aurait privée de son droit à un recours effectif au sens des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du recteur de l'académie de Strasbourg en date du 17 décembre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation issu de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 : «Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève» ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 30 août 1985 susvisé : «Le règlement intérieur adopté par le conseil d'administration définit les droits et les devoirs de chacun des membres de la communauté scolaire (…) Le règlement intérieur comporte un chapitre consacré à la discipline des élèves. Les sanctions qui peuvent être prononcées à leur encontre vont de l'avertissement et du blâme à l'exclusion temporaire ou définitive de l'établissement ou de l'un de ses services annexes. La durée de l'exclusion temporaire ne peut excéder un mois. Des mesures de prévention, d'accompagnement, et de réparation peuvent être prévues par le règlement intérieur. Les sanctions peuvent être assorties d'un sursis total ou partiel. Il ne peut être prononcé de sanctions ni prescrit de mesure de prévention, de réparation et d'accompagnement que ne prévoirait pas le règlement intérieur. (…) Tout manquement au règlement intérieur justifie la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire ou des poursuites appropriées» ; qu'il résulte de ces dispositions qu'alors même que l'autorité disciplinaire a sanctionné une élève sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, le prononcé d'une sanction disciplinaire à l'encontre de l'élève ayant refusé de se conformer aux prescriptions légales susmentionnées est subordonné à la mention de ladite sanction dans le règlement intérieur applicable ;

Considérant que l'interdiction posée à l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation est rappelée par ledit règlement intérieur au sein de l'article 2.2 intitulé «comportement» et qui précise que la tenue des élèves doit être conforme au principe de laïcité de l'enseignement public ; qu'il ressort des termes de l'article 9.3 du règlement intérieur du Lycée Jean Rostand que la sanction de l'exclusion définitive concernant les actes d'indiscipline constituées par des infractions à la tenue des élèves est applicable seulement en cas de récidive ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, la disposition du règlement intérieur précitée, qui n'est pas contraire aux prescriptions de l'article L. 141-5-1 précité, est opposable aux autorités administratives ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'élève aurait commis dans le passé des faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ; que, dès lors, en l'absence de récidive, le recteur ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 3 du décret du 30 août 1985 ni les dispositions du règlement intérieur de l'établissement ; prononcer à l'encontre de l'intéressé la sanction de l'exclusion définitive ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requérante, Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Strasbourg en date du 20 décembre 2004 ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer sur ce point ledit jugement et d'annuler la décision du 20 décembre 2004 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que, compte tenu de l'annulation de la décision du 20 décembre 2004, il y a lieu pour la Cour de céans de prescrire au recteur de l'académie de Strasbourg de faire à Mlle X, dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt, toute proposition en vue de sa réintégration dans un établissement public d'enseignement professionnel ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et en tout état de cause, de faire droit aux conclusions susmentionnées de Mlle X ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mlle X dirigée contre la décision du recteur de l'académie de Strasbourg en date du 17 décembre 2004.

Article 2 : La décision du recteur de l'académie de Strasbourg en date du 20 décembre 2004 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Ayse X, au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au Lycée Jean Rostand.

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N° 05NC01275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05NC01275
Date de la décision : 24/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-24;05nc01275 ?
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