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04/05/2006 | FRANCE | N°04NC00517

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 04 mai 2006, 04NC00517


Vu I°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2004 sous le n° 04NC00517, présentée pour :

- Mme Christine X, élisant domicile ...,

- M. Salvadore Y, élisant domicile ...,

- Mlle Delphine X-Y, élisant domicile ...,

- Mme Sylvie A, élisant domicile ...,

- Mme Francine B, élisant domicile ...,

- Mme Corinne C, élisant domicile...,

- M. René X, élisant domicile ...

- Mme Camille X, élisant domicile ...,

par Me Philopoulos, avocat ;

Les consorts MEHLYdemandent à la Cour :

1°) de réforme

r le jugement nos 0201312-0300904 en date du 20 avril 2004 en tant que le Tribunal administratif de Nancy a condamné le Centre hosp...

Vu I°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2004 sous le n° 04NC00517, présentée pour :

- Mme Christine X, élisant domicile ...,

- M. Salvadore Y, élisant domicile ...,

- Mlle Delphine X-Y, élisant domicile ...,

- Mme Sylvie A, élisant domicile ...,

- Mme Francine B, élisant domicile ...,

- Mme Corinne C, élisant domicile...,

- M. René X, élisant domicile ...

- Mme Camille X, élisant domicile ...,

par Me Philopoulos, avocat ;

Les consorts MEHLYdemandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement nos 0201312-0300904 en date du 20 avril 2004 en tant que le Tribunal administratif de Nancy a condamné le Centre hospitalier universitaire de Nancy à leur verser les sommes de 398 553,22 € pour Mme Christine X et de 4000 € chacun pour Mmes Sylvie A, Francine B, Corinne C et Camille X et pour M. René X, lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2002, ceux-ci étant capitalisés à la date du 6 août 2003 puis à chaque échéance annuelle, sommes qu'ils estiment insuffisantes en réparation des préjudices subis par suite des conditions de prise en charge de Mme X à la suite de l'opération subie le 2 août 2001 ;

2°) de condamner le Centre hospitalier universitaire de Nancy à verser à Mme Christine X une somme de 4 025 276,33 € sous réserve d'une déduction à intervenir du capital constitutif de la pension d'invalidité versée par la Communauté urbaine du grand Nancy, à Mmes Sylvie A, Francine B, Corinne C et Camille Xet à M. René X une somme de 20 000 € chacun, lesdites sommes étant assorties des intérêts de droit à compter du 17 juillet 2002, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à la date du 6 août 2003 puis à chaque échéance annuelle ;

3°) de condamner le Centre hospitalier universitaire de Nancy à leur verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- l'indemnité allouée condamne Mme Christine X à un avenir sans ressources ;

- il y a double nécessité d'une tierce personne pour s'occuper de la patiente 24 heures sur 24 et de sa fille ;

- le tribunal n'a pas indemnisé les frais restés à charge de Mme X ;

- la créance de l'employeur n'a pas été incluse dans le calcul de l'assiette du recours ;

- le taux de la pension d'invalidité a été sous évalué et doit être calculé en fonction du barème qui sert à calculer la capitalisation des prestations statutaires d'invalidité des fonctionnaires ;

- le surcoût du loyer exposé avant l'achat d'un nouveau logement doit être indemnisé ;

- l'acquisition d'un nouveau logement, devenue indispensable, doit être en partie indemnisée ;

- un véhicule aménagé est désormais nécessaire et renouvelé tous les cinq ans ;

- les troubles dans les conditions d'existence ont été insuffisamment indemnisés compte tenu du caractère exceptionnel du cas ;

- les souffrances endurées et le préjudice esthétique ont été insuffisamment indemnisés ;

- le premier juge a affecté la totalité des troubles dans les conditions d'existence à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique alors qu'un quart seulement de ces troubles s'y rattachent ;

- toute la famille servant de tierce personne, l'indemnité de chacun des membres doit être portée à 20 000 € ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 27 juin, 4 novembre et 22 décembre 2005, présentés pour la Caisse des dépôts et consignations par Me Dietmann-Laurent, avocat, tendant à la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme fixée, dans le dernier état de ses écritures, à 387 405,89 €, ladite somme étant assortie des intérêts légaux à compter de sa demande, à la répartition au marc le franc, en cas d'insuffisance du préjudice corporel de la victime, de la créance des organismes sociaux et au versement d'une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La Caisse des dépôts et consignations soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu sans qu'elle ait été mise en cause alors qu'elle aurait dû intervenir puisque Mme X relève d'un fonds géré par elle ;

- le montant de sa créance s'établit à 387 405,89 € ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 août 2005, présenté pour la Communauté urbaine du grand Nancy par la SCP Gaucher Dieudonné Niango, avocats, s'en rapportant à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la requête des consorts X, tendant à la capitalisation des intérêts dus sur la somme de 52 798,79 € et à la condamnation du Centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu II°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour les 18 et 21 juin 2004 sous le n° 04NC00535, complétée par le mémoire enregistré le 13 septembre 2004, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, dont le siège est 29 rue De Lattre de Tassigny à Nancy Cedex (54035), par Me Cuinat, avocat ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement nos 0201312-0300904 en date du 20 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamné à verser les sommes de 398 553,22 € pour Mme Christine X, de 45 000 € à Mlle Delphine X-Y, de 30 000 € à M. Salvadore Y, de 4 000 € chacun pour Mmes Sylvie A, Francine B, Corinne C et Camille X et M. René X, de 225 675,60 € à la Caisse primaire d'assurance maladie de Nancy, lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2002, ceux-ci étant capitalisés à la date du 6 août 2003 puis à chaque échéance annuelle, une somme de 52 798,78 € à la Communauté urbaine du grand Nancy, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2004, et une somme de 6 005,99 € à la mutuelle Victor Hugo, en réparation des préjudices subis par suite des conditions de prise en charge de Mme ChristineX à la suite de l'opération subie le 2 août 2001 ;

et, à titre principal :

2) d'ordonner une contre-expertise, confiée à un médecin qualifié en oto-rhino-laryngologie et en neurologie, sur l'état de santé de Mme X ;

3) de surseoir à statuer sur la requête des consorts X et sur les demandes en intervention de la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy et de la Communauté urbaine du grand Nancy ;

à titre subsidiaire, en l'absence de consolidation de l'état de Mme X :

1) de surseoir à statuer sur l'indemnisation de son préjudice, ainsi que sur celui de ses ayants droit, et ordonner une expertise aux fins de réexaminer Mme X en vue de l'évaluation des préjudices ;

2) de surseoir à statuer sur l'ensemble des postes de préjudice de Mme X jusqu'à la production par la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy de ses états définitifs, ainsi que sur les demandes de ses ayants droit ;

3) en tout état de cause, dire et juger que les intérêts sur les sommes susceptibles d'être arbitrées par la Cour ne courront qu'à compter de l'arrêt à intervenir ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY soutient que :

- pour isoler la cause de l'arrêt respiratoire, les experts n'ont pas apporté de démonstration argumentée mais se sont contentés de recueillir l'aval de ceux des praticiens hospitaliers qui participaient à l'expertise sur la seconde thèse ;

- il n'y avait pas d'élément objectif pour prétendre que l'arrêt cardio-respiratoire présenté par Mme X avait une cause mécanique constituée d'un caillot ayant pu comprimer la trachée artère et ce même si une récidive hémorragique était objectivée ;

- l'atteinte unilatérale ou bilatérale du nerf a été écartée sans aucune justification clinique ou démarche étiologique ;

- le tribunal est allé au-delà des conclusions expertales sans s'assurer scientifiquement qu'une mobilité normale des cordes vocales excluait toute atteinte consécutive à l'intervention du nerf récurrent ;

- subsidiairement, un complément d'expertise s'impose pour dire si l'état de Mme X est consolidé et pour définir les postes de préjudice habituels ;

- on ne peut considérer que Mme X ait fourni, dans le cadre de sa requête préalable, les éléments suffisants pour appréhender son préjudice qui reste évolutif, justifiant de surseoir sur l'ensemble des demandes tant que son préjudice ne peut être déterminé ;

Vu les mémoires, enregistrés les 10 août 2004 et 11 août 2005, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy par Me Bentz, avocat tendant à la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le montant de sa créance et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à lui verser la somme de 357 545,37 €, ainsi que celle de 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires, enregistrés les 27 juin, 17 novembre et 22 décembre 2005, présentés pour la caisse des dépôts et consignations par Me Dietmann-Laurent, avocat, tendant à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à lui verser une somme fixée, dans le dernier état de ses écritures, à 387 405,89 €, ladite somme étant assortie des intérêts légaux à compter de sa demande, à la répartition au marc le franc, en cas d'insuffisance du préjudice corporel de la victime, de la créance des organismes sociaux et au versement d'une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires, enregistrés les 11 août et 9 septembre 2005, présentés pour la mutuelle Victor Hugo par Me Bentz, avocat, tendant à la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le montant de sa créance et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à lui verser la somme de 20 746,94 €, ainsi que celle de 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 août 2005, présenté pour la Communauté urbaine du grand Nancy par la SCP d'avocats Gaucher Dieudonné Niango, s'en rapportant à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la requête des consorts X, tendant à la capitalisation des intérêts dus sur la somme de 52 798,79 € et à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à lui verser une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 22 novembre et 1er décembre 2005, présentés pour Mme Christine X, M. Salvadore Y, Mlle Delphine X-Y, Mme Sylvie X épouse A, Mme Francine X épouse B, Mme Corinne X épouse C, M. René X et Mme Camille X, par Me Philopoulos, avocat, tendant :

1°) à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à verser à Mme Christine X, en sus de l'indemnité accordée par les premiers juges, une somme de 1 765 236,81 € assortie des intérêts de droit et des intérêts composés pour ceux qui sont dus pour une année entière, à titre subsidiaire, une somme de 1 587 420,01 € assortie des intérêts de droit et des intérêts composés pour ceux qui sont dus pour une année entière, à titre très subsidiaire, à la condamnation de l'établissement à lui verser les frais futurs de l'assistance pour tierce personne, les surcoûts du loyer sur présentation, chaque trimestre, de la part de Mme X de factures acquittées, le surcoût du véhicule adapté sur présentation de la facture d'achat initiale, ainsi que des factures suivantes pour chaque période de renouvellement tous les sept ans ;

2°) à la confirmation des indemnités allouées aux ayants droit de Mme X ;

3°) au rejet de la demande d'expertise ;

4°) à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY à leur verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les consorts X soutiennent que :

- l'expert a estimé qu'il y avait eu un manque de prudence vu l'absence de reprise chirurgicale pour l'hématome cervical alors que le saignement extériorisé dans les drains augmentait et que l'augmentation du périmètre cervical progressait ;

- dans le cadre de la décision de réintervention, l'équipe n'a pas pris en compte les lenteurs de fonctionnement du service hospitalier pendant la nuit ;

- il n'y a pas d'insuffisance du rapport d'expertise, celui-ci ayant justifié sa thèse d'après l'examen du larynx pratiqué trois jours après l'accident et à l'occasion de l'expertise ;

- il résulte de l'expertise que le lien de causalité direct et certain entre l'imprudence fautive et les séquelles est établi ;

- en tout état de cause, la perte de chance est très élevée ;

- l'atteinte anoxique étant irréversible, le chiffrage de l'incapacité est sans incidence sur le montant de la réparation de son handicap, ce qui rend la demande d'expertise inutile ;

- il y a lieu d'indemniser Mme X de ses frais futurs sur le même mode que celui appliqué à la Caisse des dépôts et consignations ;

- le barème de l'ONIAM est le seul applicable ;

- de façon subsidiaire, il y a lieu d'appliquer le barème retenu par la Caisse des dépôts et consignations ;

- les créances de la Communauté urbaine du grand Nancy et de la Caisse des dépôts et consignations sont à déduire in fine des créances des autres organismes sociaux ;

- compte tenu de la gravité du préjudice, le préjudice économique futur est de toute évidence total et définitif ;

- les frais passés et futurs de tierce personne s'élèvent à 1 511 667,46 € ;

- son déménagement a été rendu nécessaire pour la circulation du fauteuil roulant dans l'appartement, ce qui justifie l'indemnisation du surcoût passé et à venir ;

- l'achat d'un véhicule adapté est nécessaire ;

- si le montant des sommes allouées au titre des troubles physiologiques n'est pas contesté, la moitié de la somme allouée doit être soumise aux postes soumis à recours pour le calcul des droits des organismes sociaux ;

- à titre principal, sur la base du barème de l'ONIAM, l'assiette de recours des organismes sociaux doit être fixée à 2 682 402,54 € et, à titre subsidiaire, sur la base du barème de la Caisse des dépôts et consignations à 2 504 585,74 € ;

Vu la lettre du président de la formation de jugement en date du 16 mars 2006 informant les parties de ce que la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu, enregistré le 20 mars 2006, le mémoire présenté pour la Communauté urbaine du grand Nancy, tendant à l'annulation du jugement entrepris à raison de son irrégularité ;

Vu, enregistré le 22 mars 2006, le mémoire présenté pour la Communauté urbaine du grand Nancy tendant aux mêmes fins que ses écritures, par les mêmes moyens et, au surplus, que la Caisse des dépôts et consignation peut intervenir directement en cause d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2006 :

- le rapport de Mme Monchambert, président,

- les observations de Me Philopoulos, avocat de Mme Christine X, M. Salvadore Y, Mlle Delphine X-Y, Mme Sylvie A, Mme Francine B, Mme Corinne C, M. René X et Mme Camille X, de Me Cuinat, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, et de Me Gaucher, avocat de la Communauté urbaine du grand Nancy,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête des consorts X, enregistrée sous le n° 04NC00517, et la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, enregistrée sous le n° 04NC00535, sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er, 3, 5 et 7 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, que tant la Communauté urbaine du grand Nancy que la caisse des dépôts et consignations disposent de plein droit contre le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, par subrogation aux droits de l'agent victime du dommage, d'une action en remboursement de toutes prestations versées ou maintenues à la victime, sous réserve que leur montant n'excède pas celui de la réparation mise à la charge du tiers ; qu'en ayant omis de mettre en cause d'office la caisse des dépôts et consignations dont s'agit, en vue de l'exercice par celle-ci de l'action subrogatoire susmentionnée, alors que Mme X avait fait valoir sa qualité de secrétaire au conservatoire de musique de Nancy, le Tribunal administratif de Nancy a méconnu la portée des dispositions sus-analysées ; qu'eu égard au motif qui a conduit le législateur à édicter les prescriptions dont s'agit, leur violation constitue une irrégularité que la Cour, saisie des conclusions de l'appel de Mme X et du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY contre le jugement en date du 20 avril 2004, doit soulever d'office ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ledit jugement ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les consorts X et autres devant le Tribunal administratif de Nancy, ainsi que sur la demande de la caisse des dépôts et consignations ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY :

Considérant qu'à la suite d'une intervention chirurgicale en vue d'une thyroïdectomie totale le 3 août 2001, Mme Christine X a été victime, dans la nuit suivante, d'un arrêt cardio-respiratoire anoxique entraînant pour la patiente de graves séquelles ; que Mme X, âgée de 37 ans au moment de l'intervention est aujourd'hui tétraplégique, dysarthrique et quasiment aveugle ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé le 4 septembre 2002 qui, ayant examiné de façon circonstanciée les causes possibles des dommages, contient, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, des éléments d'appréciation suffisants pour que le tribunal puisse se prononcer sur le lien de causalité entre les soins apportés à la patiente et les préjudices dont elle demande réparation, que Mme X n'a pu être victime d'un arrêt respiratoire d'origine nerveuse, dès lors que l'examen clinique par fibroscopie des cordes vocales de la patiente atteste d'une mobilité normale ; que cet arrêt trouve, au contraire, son origine dans la reconstitution d'un hématome cervical compressif qui, malgré un premier drainage décidé à 13 h 25 et pratiquée à 14 h 00, a persisté ; que, l'équipe médicale s'est bornée, alors que depuis 16 heures les saignements extériorisés dans les drains augmentaient, à mettre en oeuvre une surveillance rapprochée ; que la décision de réopérer la patiente n'est intervenue qu'à 22 heures mais que l'intervention n'a pu être immédiatement mise en place et n'avait pas encore débuté à 23 h 10, lorsque l'arrêt cardio-respiratoire est intervenu ; qu'il résulte des conclusions de l'expert que le retard observé dans la prise de décision d'une nouvelle intervention est constitutive d'un manque de prudence de l'équipe soignante, alors qu'une intervention chirurgicale plus précoce aurait très vraisemblablement permis d'éviter la survenue de l'arrêt respiratoire cardiaque par asphyxie brutale avec détresse respiratoire d'installation très rapide ; que, dans ces conditions, les retards observés dans la décision de réintervention et dans la mise en place de celle-ci ont constitué des fautes de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY ; que, par suite, les requérants sont fondés à demander, sans qu'il soit besoin de prescrire une nouvelle expertise sur la détermination des origines du dommage, la condamnation du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, à raison des fautes commises ;

Sur le préjudice de Mme X :

Considérant que s'il résulte de l'instruction que Mme Christine X, âgée de 37 ans à la date de l'intervention, reste atteinte de tétraplégie et présente également des troubles dysarthriques et d'importantes séquelles visuelles, son état n'était pas, à la date à laquelle le rapport d'expertise a été établi, consolidé ; qu'ainsi, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY est fondé à soutenir que les pièces du dossier ne mettent pas la juridiction en mesure d'évaluer définitivement les divers préjudices résultant de l'état de Mme Christine X sans avoir procédé préalablement à un complément d'expertise, en vue de déterminer l'étendue du préjudice corporel subi par Mme Christine X dans les conditions précisées par le dispositif ci-après ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 20 avril 2004 est annulé.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY est déclaré responsable des conséquences dommageables de l'intervention subie le 3 août 2001 par Mme X.

Article 3 : Il sera, avant de statuer avant dire droit sur les conclusions précitées des requêtes des consorts X et du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NANCY, procédé à une expertise médicale.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 5 : Il aura pour mission, après avoir examiné Mme Christine X, pris connaissance du rapport déposé par les experts D et E commis par le juge des référés du Tribunal administratif de Nancy, s'être fait communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme Christine X, de décrire l'état de santé et les troubles présentés par celle-ci, d'indiquer si cet état peut être considéré aujourd'hui comme consolidé, de déterminer l'incapacité temporaire totale et l'incapacité permanente, en précisant la nature et le degré de cette invalidité, l'importance des souffrances physiques endurées, ainsi que des préjudices esthétique et d'agrément, de se prononcer sur la nécessité de l'aide d'une tierce personne en précisant l'ampleur quotidienne de cette aide, ainsi que sur la nécessité d'aménagement du logement et, le cas échéant, du véhicule utilisés par Mme Christine X.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties autres que ceux sur lesquels il a été statué par le présent arrêt sont réservés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Christine X, à M. Salvadore Y, à Mlle Delphine X-Y, à Mme Sylvie X épouse A, à Mme Francine X épouse B, à Mme Corinne X épouse C, à M. René X, à Mme Camille X, au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE, à la Communauté urbaine du grand Nancy, à la mutuelle Victor Hugo, aux caisses primaires d'assurance maladie de Longwy et Nancy et à la caisse des dépôts et consignations.

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N°s 04NC00517,04NC00535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04NC00517
Date de la décision : 04/05/2006
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit - expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BENTZ ; BENTZ ; BENTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-05-04;04nc00517 ?
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