Vu la requête enregistrée au greffe le 5 juillet 2004, complétée par mémoires enregistrés le 23 janvier et le 9 mars 2006, présentée pour M. Frédéric X élisant domicile ..., par Me Saget, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 29 avril 2004 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation du retrait de points consécutif à une infraction prétendument commise le 1er septembre 1999 ;
2°) d'annuler la décision du 28 février 2002 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales lui a notifié la perte de validité de son permis de conduire ;
3°) d'annuler les décisions de retraits de points successives dont la décision du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, du 28 février 2002, est la conséquence directe et nécessaire ;
4°) d'enjoindre au ministre de prendre les mesures nécessaires pour restituer en tant que de besoin le titre de conduite et de lui reconnaître le bénéfice des points illégalement retirés, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il avait payé l'amende forfaitaire relative à l'infraction du 1er septembre 1999 dès lors qu'il n'a pas commis ladite infraction ; il appartient au ministre de justifier du paiement de l'amende forfaitaire, ce qu'il ne fait pas ; le document produit ne comporte ni sa signature ni la mention du nombre de points dont le retrait est susceptible d'être encouru ;
- la décision du 28 février 2002 est illégale du fait de l'illégalité des décisions antérieures de retraits de points dont il doit être regardé comme demandant l'annulation ; lesdites décisions sont illégales pour défaut de notification de chaque retrait de points et défaut d'information préalable des retraits de points ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2005, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que M. X n'apportant en appel aucun élément nouveau de droit et de fait, il convient de rejeter la requête par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2006 :
- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de l'absence de notification des décisions de retrait de point, autres que celle correspondant à l'infraction du 27 février 2000 :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 223-3, alors en vigueur, du code de la route : «Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif» ;
Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité des retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont celui-ci dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; qu'ainsi, la circonstance que le ministre de l'intérieur ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectués par lettre simple, a bien été reçue par M. X, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que, dans la décision procédant au retrait des derniers points, en date du 28 février 2002, il a récapitulé les retraits antérieurs, les rendant ainsi opposables à M. X ;
Sur le moyen tiré du défaut d'information :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-3, alors en vigueur, du code de la route : «Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions mentionnées à l'article L. 223-1 a été relevée à son encontre, il est informé de la perte de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ses points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Ces mentions figurent sur le formulaire qui lui est communiqué.(…)» ; que les dispositions législatives précitées sont reprises et précisées par celles des deux premiers alinéas de l'article R. 223-3 de ce code, alors en vigueur, selon lesquelles : «I. Lors de la constatation d'une infraction, l'auteur de celle-ci est informé que cette infraction est susceptible d'entraîner la perte d'un certain nombre de points si elle est constatée par le paiement d'une amende forfaitaire ou par une condamnation devenue définitive. II. Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des pertes et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis par l'agent verbalisateur ou communiqué par les services de police ou de gendarmerie… III. Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par les alinéas 3 et 4 de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple…» ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation préalable d'information ;
En ce qui concerne les infractions commises le 28 septembre 1996 et le 27 février 2000 :
Considérant que le ministre de l'intérieur, à qui il incombe de rapporter la preuve de l'accomplissement de la formalité d'information prévue par les dispositions précitées, a produit les procès-verbaux de contravention ou d'audition se rapportant aux infractions commises le 28 septembre 1996 et le 27 février 2000 d'où il ressort que M. X a été informé du nombre de points susceptibles d'être retirés du capital attaché au permis de conduire de l'intéressé ; que, la procédure de retrait de points n'est pas, en ce qui concerne ces deux infractions, entachée d'irrégularité ;
En ce qui concerne l'infraction commise le 1er septembre 1999 :
Considérant que l'administration a produit un procès-verbal, établi le jour même de l'infraction qui a entraîné le retrait de trois points du permis de conduire de M. X et qui porte la mention «Cerfa remis» ; que, toutefois, ce document, non signé par le contrevenant qui conteste avoir été interpellé et avoir payé la moindre amende ou avoir fait l'objet d'une quelconque condamnation, ne suffit pas à établir, en l'état de la contestation opposée sur ce point par M. X, que ce dernier se serait vu délivrer les informations prévues par les dispositions précitées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen relatif à l'infraction commise le 1er septembre 1999, le retrait de points auquel a procédé le ministre consécutivement à ladite infraction est entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision du ministre de l'intérieur retirant 3 points du capital de points de son permis de conduire consécutivement à l'infraction du 1er septembre 1999 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : «Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie le cas échéant d'un délai d'exécution.» ;
Considérant que le présent arrêt annule la décision du ministre de l'intérieur retirant 3 points du capital de points de son permis de conduire consécutivement à l'infraction du 1er septembre 1999 ; qu'il y a lieu d'ordonner au ministre de restituer au permis de conduire de M. X les 3 points illégalement retirés, dans le délai de 15 jours à compter de sa notification, sous réserve que M. X n'ait pas commis de nouvelles infractions ayant entraîné des retraits de points à la date de notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée par M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 29 avril 2004, en tant qu'il rejette la demande de M. X dirigée contre la décision du ministre de l'intérieur lui retirant 3 points du capital de points de son permis de conduire consécutivement à l'infraction du 1er septembre 1999, et cette décision sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire de restituer à M. X, dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt, les 3 points illégalement retirés du capital de points de son permis de conduire sous réserve que M. X n'ait pas commis de nouvelles infractions ayant entraîné des retraits de points à la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Frédéric X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
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N° 04NC00592