Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 février 2004 sous le n° 04NC00126, présentée pour M. Richard X, Mme Raymonde X, M Benoît X, élisant domicile ensemble ..., M Pascal X, élisant domicile ..., Mlle Sandra X, élisant domicile ..., Mlle Alexia X, élisant domicile ... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord, par la SELARL Juris-Dialog, avocat ;
Les consorts X et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord demandent à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 01-04455 en date du 9 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la condamnation des hôpitaux universitaires de Strasbourg à leur verser les sommes de 1 019 417,29 € à M. Richard X au titre de son préjudice soumis à recours et de 289 653,13 € au titre de son préjudice non soumis à recours, les sommes de 110 260,65 € à Mme Raymonde X au titre de la perte de revenus, de 76 224,51 € au titre de son préjudice moral et de 76 664,51 € au titre de son préjudice sexuel et une somme de 30 489,89 € pour chacun des enfants X au titre de leur préjudice moral, à la suite de l'intervention subie par M Richard X le 22 janvier 1996, ainsi que les sommes de 758 096,36 € à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord au titre de ses débours et de 760 € au titre de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale ;
2) de condamner les hôpitaux universitaires de Strasbourg à verser à :
- M Richard X une somme de 1 827 753,74 €,
- Mme Raymonde X une somme de 262 709,67 €,
- chacun des enfants une somme de 30 489,80 €,
- la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord une somme de 497 686,55 €, au titre des débours exposés et une somme de 260 409,80 € au titre de la pension d'invalidité, lesdites sommes étant assorties des intérêts capitalisés ;
3) de condamner les hôpitaux universitaires de Strasbourg à verser, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à :
- M Richard X une somme de 6097,96 €,
- Mme Raymonde X une somme de 2286,74 €,
- chacun des enfants une somme de 762,25 €,
- la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord une somme de 2286,74 € ;
4) de condamner les hôpitaux universitaires de Strasbourg à tous les frais et dépens de l'instance, y compris ceux de la première instance et de la procédure de référé dont les frais d'expertise à hauteur de 1 693,39 € ;
Les requérants soutiennent que :
- si le choix de la technique opératoire a été logique et cohérent, les séquelles présentées n'en sont pas pour autant justifiées et nécessitent une réparation en raison de l'aléa thérapeutique dont M. Richard X a été victime ;
- l'opération chirurgicale était un acte médical nécessaire au traitement du malade et présentait un risque connu mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont rien ne permettait de penser que M. X y était particulièrement exposé ;
- l'exécution de l'acte médical est la cause directe du dommage qui présente le caractère d'une extrême gravité ;
- le dommage subi est sans rapport avec l'état initial du patient comme avec son évolution prévisible ;
- l'indication opératoire ne présentait aucun degré d'urgence ;
- si une évolution négative de la maladie de M. X était envisageable, elle était loin d'être certaine et inéluctable ;
- M. X n'a pas été informé des différentes options chirurgicales envisageables et de leurs limites respectives et a perdu une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;
- il résulte du décompte arrêté par la caisse que les débours s'élèvent à 497 686,55 € ;
- depuis le jour de l'accident, M. X est dans l'incapacité totale d'entreprendre une quelconque activité, ce qui conduit à évaluer le préjudice physiologique à 452 773,58 € ;
- l'indemnisation du recours à la tierce personne, nonobstant le fait qu'il s'agisse de Mme X, s'élève à 730 858,36 € ;
- la gravité de son état prive M. X de toute possibilité d'avoir une activité, engendrant un préjudice économique de 614 878,46 € ;
- les souffrances endurées étant très importantes, le pretium doloris peut être évalué à 60 979,61 € ;
- la dégradation de son état de santé justifie qu'au titre du préjudice d'agrément confondu avec le préjudice esthétique, il lui soit alloué une somme de 152 449,02 € ;
- il justifie d'un préjudice sexuel distinct du préjudice d'agrément qui peut être évalué à 76 224,51 € ;
- Mme X a été contrainte d'arrêter de travailler pour s'occuper de son époux et subit un préjudice patrimonial à hauteur de 110 260,65 €, un préjudice moral qui peut être évalué à 76 224,51 €, ainsi qu'un préjudice sexuel évalué à 76 224,51 € ;
- les enfants de M. X âgés de 29, 24, 20 et 14 ans au moment de l'opération, subissent un préjudice moral lourd justifiant qu'une somme de 30 489,80 € soit allouée à chacun d'eux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré les 26 et 28 décembre 2005, présenté pour les hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les hôpitaux universitaires de Strasbourg concluent au rejet de la requête des consorts X et de la caisse primaire d'assurance maladie d'Alsace du Nord ;
Les hôpitaux universitaires de Strasbourg soutiennent que :
- les conditions de la responsabilité sans faute n'étaient pas remplies, dès lors que M. X souffrait d'une sténose en cours de décompensation ;
- les conclusions d'expertise montrent que les séquelles dont est atteint M. X sont en rapport avec son état initial, dès lors que l'hypertension associée à l'hydrocéphalie a été la cause des deux perturbations hydrauliques à l'origine des séquelles ;
- les incidents hémorragiques lors d'une ventriculosternostomie ne sont pas exceptionnels ;
- M. X souffrait d'une malformation congénitale naturellement grave pouvant mettre en jeu le pronostic vital ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'y a pas eu de défaut d'information quant aux risques de l'intervention ainsi qu'en atteste le courrier en date du 10 janvier 1996 et les conclusions de l'expert ;
- compte tenu de l'évolution extrêmement rapide et défavorable de la maladie, il était indispensable d'effectuer une intervention, le patient n'ayant pas d'autre alternative ;
- il n'existait pas d'autre alternative thérapeutique moins risquée que celle qui a été réalisée ;
- la perte de chance n'est pas établie ;
- subsidiairement, les consorts X ne sauraient être indemnisés que d'une fraction minime de leur préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2006 :
; le rapport de Mme Monchambert, président,
; et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a été admis dans le service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg en vue d'y subir le 22 janvier 1996 une intervention chirurgicale destinée à traiter une hydrocéphalie congénitale ; qu'à la suite d'une hémorragie interne, le chirurgien du service a décidé d'interrompre l'intervention ; qu'après avoir été plongé pendant trois semaines dans un état de coma profond, M. X reste atteint de graves séquelles neurologiques ; que M et Mme X et leurs enfants ont demandé aux hôpitaux universitaires de Strasbourg réparation des préjudices subis sur les fondements, d'une part, de la responsabilité sans faute et, d'autre part, des fautes qu'aurait commises cet établissement en n'informant pas le patient des risques attachés à l'intervention ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant que si les consorts X persistent à soutenir que la responsabilité sans faute des hôpitaux universitaires de Strasbourg est engagée à raison d'un aléa thérapeutique, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la seconde perturbation hydraulique qui est survenue au cours de l'intervention pratiquée le 22 janvier 1996 est en rapport avec une poussée aiguë d'hydrocéphalie ; que, dans ces conditions, les séquelles neurologiques dont reste atteint M. X ne peuvent être regardées comme sans rapport avec son état initial et les perspectives d'évolution spontanée de son affection ; que, par suite, les conditions susmentionnées, nécessaires pour que la responsabilité des hôpitaux universitaires de Strasbourg puisse être engagée en l'absence de faute, ne sont pas réunies ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant qu'il ressort des motifs mêmes du jugement que si le tribunal a admis qu'il n'était pas établi que les risques de l'intervention ont été portés à la connaissance de M. X, il a néanmoins rejeté sa demande d'indemnisation en se fondant sur la circonstance que la faute commise n'avait pas, en raison de la nécessité vitale de opération et de l'absence de thérapeutique moins risquée, entraîné pour le patient de perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de l'instruction que M. X souffrait d'une malformation congénitale naturellement grave pouvant mettre en jeu le pronostic vital ; que les rapports d'expertise ne mettent pas en évidence l'existence de risques plus importants liés au mode d'intervention retenu par les hôpitaux universitaires de Strasbourg pour réaliser l'intervention ; qu'il n'existait donc pas d'alternative thérapeutique moins risquée qui aurait permis à l'intéressé d'échapper au handicap dont il est aujourd'hui affecté ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la faute commise par cet établissement n'a pas entraîné de perte de chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; que, dans ces conditions, aucune indemnisation n'est, ainsi que le tribunal l'a jugé, due à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Richard X, Mme Raymonde X, MM Benoît et Pascal X, Mlles Sandra et Alexia X et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. Richard X, Mme Raymonde X, MM. Benoît et Pascal X, Mlles Sandra et Alexia X et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord, parties perdantes, puissent se voir allouer les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. Richard X, Mme Raymonde X, MM. Benoît et Pascal X, Mlles Sandra et Alexia X et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Richard X, Mme Raymonde X, M. Benoît X, M. Pascal X, Mlle Sandra X, Mlle Alexia X, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Alsace du Nord et aux hôpitaux universitaires de Strasbourg.
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N°04NC00126