Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 février 2004, complétée par un mémoire enregistré le 13 septembre 2005, présentée pour :
- Mme X, élisant domicile ... , par Me Robinet, avocat,
- la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY, dont le siège est, 3A. Raymond Poincaré à Longwy Cedex (54401),
- l'UNION DES CAISSES DE MALADIE DU LUXEMBOURG, dont le siège est 125 route d'Esch à Luxembourg (1471), Luxembourg,
par Me Robinet, avocat, ;
Les requérants demandent à la Cour de :
1°) annuler le jugement n°0101726 en date du 16 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, d'une part, rejeté la demande de Mme X tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une indemnité de 3 172 856,76 F en réparation des conséquences dommageables de l'intervention qu'elle a subie le 23 septembre 1997 dans cet établissement et, d'autre part, rejeté les demandes de remboursement de leurs débours présentées par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY et l'UNION DES CAISSES DE MALADIE DU LUXEMBOURG et, enfin, condamné Mme X à supporter les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 457,35 € ;
2°) condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à payer à l'UNION DES CAISSES DE MALADIE DU LUXEMBOURG une somme de 56 207,90 € au titre des prestations en espèce et en nature versées à Mme X ;
3°) condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY une somme de 27 183,70 € au titre du capital représentatif ainsi que des arrérages versés de la rente d'invalidité allouée à Mme X ;
4°) condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à payer à Mme X une somme de 590 065,55 € au titre de son préjudice corporel et une somme de 38 112,25 € au titre de son préjudice moral ;
5°) condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à payer les intérêts portant sur les sommes susmentionnées ainsi que les intérêts des intérêts, à compter du 5 septembre 2001, date d'enregistrement de la demande de première instance formée par Mme X ;
6°) condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à payer à Mme X une somme de 8 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté l'application de la jurisprudence Bianchi sur l'aléa thérapeutique alors que, d'une part, le risque qui s'est réalisé est exceptionnel et que, d'autre part, le dommage subi par Mme X est sans rapport avec la malformation bénigne originelle et présente un caractère d'extrême gravité ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté la faute en matière d'information dès lors que le risque qui s'est réalisé devait être porté à la connaissance de la patiente alors même qu'il présente un caractère imprévisible ; le défaut d'information a entraîné pour la requérante, qui n'avait que des problèmes de céphalées aiguës avant l'intervention, une perte de chance dont elle doit être indemnisée ;
- les créances des caisses de sécurité sociale sont justifiées ;
- les préjudices subis par la patiente sont établis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2005, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Nancy, représentée par son directeur général à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 10 mai 2004, par Me Cuinat, avocat ;
Le centre hospitalier universitaire de Nancy conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le tribunal à fait une juste appréciation des faits en écartant la jurisprudence Bianchi dès lors que la complication per-opératoire dont a été victime la requérante était imprévisible et inconnue ;
- le dommage subi par la requérante n'est pas d'une extrême gravité au sens de cette jurisprudence dans la mesure où le taux d'incapacité permanente partielle de 75% retenu par l'expert est manifestement surévalué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 4 mars 2002 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :
- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
- les observations de Me Robinet, avocat de Mme X, de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY et de l'UNION DES CAISSES DE MALADIE DU LUXEMBOURG, et de Me Cuinat, avocat du centre hospitalier universitaire de Nancy,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité sans faute :
Lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a subi le 23 septembre 1997 dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier universitaire de Nancy une intervention chirurgicale réalisée selon la technique de la trépanolaminectomie en vue du traitement d'une malformation de la charnière cervico-occipitale avec syringomyélie ; que le lendemain, l'intéressée a présenté des troubles neurologiques qui ont nécessité une réintervention le jour même, laquelle n'a cependant pas permis d'en déterminer les causes ; que la requérante présente des séquelles neurologiques d'une souffrance médullaire cervicale qui se traduit notamment par une hémiparésie gauche sévère ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport circonstancié de l'expert désigné en référé, dont les énonciations ne sont pas contestées, que si l'intervention dont s'agit, même réalisée dans les règles de l'art comme en l'espèce, présente des risques connus se traduisant notamment par la survenance de méningites ou de problèmes locaux liés au liquide céphalo-rachidien ou encore par l'aggravation des troubles sensitifs préexistants, le cas de séquelles neurologiques massives dans les suites post-opératoires immédiates affectant un patient ne présentant, comme Mme X, aucun signe neurologique objectif avant l'intervention, n'est pas répertorié dans la littérature médicale ; que le déficit neurologique présenté par Mme X, immédiatement après l'intervention et qui n'a été récupéré que partiellement dans les mois suivants, relève ainsi d'une complication post-opératoire imprévisible et ne saurait, par suite, être regardé comme constituant un risque inhérent à l'acte chirurgical considéré et dont l'existence est connue ; que, par suite, et en admettant même que le dommage subi par Mme X présente un caractère d'une extrême gravité, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a écarté les prétentions présentées par Mme X sur le terrain de la responsabilité sans faute ;
Sur la responsabilité pour faute liée au défaut d'information :
Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, les séquelles neurologiques résultant de l'intervention subie par Mme X présentent un caractère imprévisible et ne sont pas au nombre des risques connus que le service public hospitalier était tenu de porter à la connaissance de la patiente ; que, dès lors, la circonstance que l'opérateur n'ait pas informé la patiente de l'éventualité de la survenance de ces séquelles ne saurait constituer une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nancy ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a également écarté les prétentions de Mme X sur le terrain de la responsabilité pour faute ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande d'indemnité présentée par Mme X et, par suite, les conclusions à fin de remboursement présentées respectivement par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY et l'UNION DES CAISSES DE MALADIE DU LUXEMBOURG ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Nancy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme X, de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY et de l'UNION DES CAISSES DE MALADIE DU LUXEMBOURG est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Micheline X, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY, à l'UNION DES CAISSES DE MALADIE DU LUXEMBOURG et au centre hospitalier universitaire de Nancy.
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N° 04NC00147