Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES, enregistré au greffe de la Cour le 13 mars 2003 ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 3 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision en date du 23 juillet 2001 du préfet de la Marne refusant de délivrer un titre de séjour à la jeune Maria X, et a ordonné sous astreinte la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;
2°) de prononcer le sursis à l'exécution dudit jugement ;
3°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal ;
Le ministre soutient que :
- la jeune Maria X n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions combinées des articles 9 et 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
- le Tribunal a commis une erreur de droit en retenant que le préfet devait saisir la commission du titre de séjour avant de refuser un titre de séjour ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu, enregistrés le 9 septembre 2003, les mémoires en défense présentés pour Mme Fatima X, veuve de M. Y agissant tant personnellement qu'en qualité de représentante de Mlle Maria X, élisant domicile ensemble ..., par Me Sammut, avocat, tendant au rejet des requêtes en principal et à fin de sursis à exécution du jugement, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros pour chaque défense au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la requête à fin de sursis, le ministre ne fait état d'aucun moyen d'annulation sérieux de nature à voir le jugement réformé ;
- au fond, c'est à tort que le ministre soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit alors qu'il a parfaitement appliqué les dispositions des articles 9 et 12 bis qui ne prohibent pas la délivrance d'un titre de séjour à des mineurs de moins de seize ans ;
- l'enfant remplit les conditions de l'article 12 bis de l'ordonnance dès lors que l'un des parents est titulaire de la carte de séjour temporaire et qu'elle justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de dix ans ;
- elle souligne qu'elle ne demande pas de carte de circulation mais un titre de séjour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 18 août 2004 à 16 heures ;
Vu la décision en date du 22 janvier 2004 par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale Mme X veuve Y, et a désigné Me Sammut en qualité d'avocat ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2006 :
- le rapport de M. Job, président,
et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « Les étrangers en séjour en France âgés de plus de dix-huit ans doivent être titulaires d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident. / Les étrangers âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, de plein droit, une carte de séjour temporaire ou une carte de résident, s'ils remplissent les conditions prévues aux articles 12 bis ou 15 de la présente ordonnance. Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter une carte de séjour temporaire ; qu'aux termes de l'article 12 bis de la même ordonnance : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” est délivrée de plein droit : (…) ; 2° A l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans. (…) et qu'aux termes de l'article 12 quater de ladite ordonnance : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (…). La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15. » ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 9 et 12bis que le mineur qui ne relève pas de la catégorie des mineurs de 16 à 18 ans déclarant vouloir exercer une activité professionnelle salariée ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour, alors même qu'il remplirait la condition prévue au 2° de l'article 12 bis ;
Considérant que le préfet de la Marne pouvait légalement, par la décision attaquée en date du 23 juillet 2001, refuser de délivrer un titre de séjour à la jeune Maria X, de nationalité marocaine, alors âgée de 4 ans, qui n'entrait pas dans le champ d'application de l'autorisation de séjour, sans saisir préalablement la commission du titre de séjour ; qu'il suit de là que c'est à tort que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur le motif tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, pour annuler la décision du préfet de la Marne en date du 23 juillet 2001 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet de la Marne ne pouvait légalement délivrer à la jeune Maria X un titre de séjour, alors même que l'intéressée remplirait la condition de résidence habituelle en France prévue par l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée ; que le moyen tiré de la méconnaissance dudit article n'est dès lors pas fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 23 juillet 2001, confirmée le 24 septembre 2001, par laquelle le préfet de la Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à Mlle X et a enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante soit condamné à verser à la requérante la somme qu'elle réclame au titre dudit article ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 3 décembre 2002 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme Fatima , veuve et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
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N° 03NC00241