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30/01/2006 | FRANCE | N°00NC01444

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 30 janvier 2006, 00NC01444


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 15 novembre 2000, complétée par mémoires enregistrés le 7 décembre 2000 et les 4 avril, 10 juillet et 2 août 2002, présentée pour M. et Mme Jean-Pierre X, élisant domicile ... et pour ELECTRICITE DE FRANCE dont le siège est situé 2 rue Louis Murat à Paris (75000), représentée par son président en exercice, par Me Bourgaux, avocat ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 19 septembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la condamn

ation de l'Etat à les indemniser des préjudices subis du fait de l'accident dont ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 15 novembre 2000, complétée par mémoires enregistrés le 7 décembre 2000 et les 4 avril, 10 juillet et 2 août 2002, présentée pour M. et Mme Jean-Pierre X, élisant domicile ... et pour ELECTRICITE DE FRANCE dont le siège est situé 2 rue Louis Murat à Paris (75000), représentée par son président en exercice, par Me Bourgaux, avocat ;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 19 septembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser des préjudices subis du fait de l'accident dont M. X a été victime le 14 juillet 1990 ;

2°) de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 350 201,08 euros (2 297 168,50 F) et à Mme X la somme de 137 204,12 euros ( 500 000 F ), assorties des intérêts aux taux légal à compter du 1er décembre 1994, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés pour produire intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à verser à ELECTRICITE de FRANCE la somme de 128 145,05 euros (840 576,44 F) en sa qualité d'organisme social subrogé dans les droits de M. X, d'une part, et la somme de 47 706,45 euros (312 936,45 F) en sa qualité d'employeur, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 août 1994 et les intérêts étant eux-mêmes capitalisés pour produire intérêts ;

4° ) de condamner l'Etat à rembourser à ELECTRICITE de FRANCE, au fur et à mesure des échéances, les arrérages futurs des rentes viagères versées à M. X ;

5°)de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 622,45 euros (50 000 F) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le Tribunal a estimé que M. X n'avait pas la qualité de collaborateur occasionnel du service public de l'équipement et écarté, pour ce motif, la responsabilité de l'Etat ;

- le tribunal a considéré à tort que les préjudices que M. X a subis trouveraient leur cause dans la faute commise par lui et par son collègue M. Y, la preuve d'aucune faute ne pouvant être rapportée ;

- à défaut, les irrégularités dans l'entretien et la maintenance des installations du centre technique de l'équipement, sont à l'origine du sinistre ; la réglementation applicable en matière de sécurité n'était pas appliquée ;

- les préjudices tant de M. X que de son épouse sont établis ; ELECTRICITE de FRANCE est également fondée à demander le remboursement des débours consécutifs à l'accident dont a été victime son salarié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2002, présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du logement ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- MM. X et Y ne peuvent être regardés comme des collaborateurs occasionnels du service de l'équipement ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les préjudices subis par MM. X et Y trouvent leur cause exclusive dans la faute commise par ces agents en procédant, contre l'avis du représentant du centre technique de l'équipement, à une manoeuvre de réenclenchement du disjoncteur excédant les limites de leur mission ;

- le défaut d'entretien allégué n'est pas établi ;

- la demande indemnitaire au titre de l'incapacité permanente partielle fait double emploi avec la rente d'accident du travail versée par EDF ; les troubles dans les conditions d'existence invoqués par Mme X ne sont ni établis, ni justifiés ;

- les intérêts ne peuvent être demandés à compter d'une date antérieure au paiement effectif des frais exposés par la victime ;

Vu, enregistré le 14 octobre 2005, le mémoire présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de Longwy, agissant pour le compte de la CPAM de Nancy, par Me Bourgaux, avocat ; la Caisse demande la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 166 429,54 euros au titre des prestations versées pour le compte de M. X, de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- les observations de Me Jacquemin, avocat de M. et Mme X, de L'ELECTRICITE DE FRANCE et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LONGWY,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la chronologie des faits retracée dans la procédure pénale et reprise par le Tribunal administratif de Nancy que MM. X et Y, agents d'EDF, alors d'astreinte, sont intervenus pour réparer un défaut d'alimentation signalé au PC d'EDF, peu avant 6 h le 14 juillet 1990, sur le départ TV 20 alimentant le laboratoire du Centre d'études techniques de l'équipement de l'Est (CETE ) ; qu'au cours de cette opération, et alors qu'ils procédaient, à l'intérieur du local abritant les installations électriques, à des manoeuvres pour réenclencher l'un des deux disjoncteurs haute tension du laboratoire, une explosion s'est produite, les blessant grièvement ;

Considérant que les dommages causés par l'accident résultent de l'exécution d'un travail public auquel les victimes participaient et qu'ainsi la responsabilité de l'Etat, maître de l'ouvrage, est subordonnée à l'existence d'une faute de celui-ci ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des deux rapports d'expertise établis par le cabinet Véritas que l'explosion est due à une usure du disjoncteur, non détectée par manque d'entretien et de vérifications approfondies de l'état des installations électriques ; que cette carence constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que les requérants sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal, estimant non établi le lien de causalité entre le défaut d'entretien des installations et l'explosion, a écarté la responsabilité du maître de l'ouvrage ;

Sur les causes exonératoires :

Considérant qu'il résulte des instructions techniques, versées au dossier d'appel, concernant l'accès des agents d'EDF aux postes d'abonnés établis à l'intérieur d'un bâtiment que MM. X et qui disposaient, en leur qualité respective de contremaître principal et de chef d'exploitation, des qualifications requises, n'ont pas excédé leur mission en tentant de réenclencher le disjoncteur, ni commis d'erreur de manoeuvre ; qu'ainsi, et alors même que le chef du personnel du CETE avait suggéré de faire appel à l'entreprise chargée de la maintenance des installations, aucune faute qui viendrait atténuer la responsabilité de l'Etat ne peut être imputée aux deux victimes ;

Sur la réparation des préjudices :

En ce qui concerne M. X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et, notamment des expertises judiciaires, que l'état de santé de M. X, âgé de 46 ans le jour de l'accident, a été consolidé le 4 décembre 1992, et que M. X est resté atteint d'une incapacité permanente partielle, évaluée lors des derniers examens à 60 %, à raison de laquelle EDF lui a versé une rente d'accident de travail ; que, n'ouvre pas davantage droit à indemnisation, en l'absence de toute justification, la perte invoquée d'avantages professionnels ;

Considérant, en revanche, que M. X qui est resté deux mois dans le coma et a subi de multiples greffes de la peau et des soins douloureux, conserve de nombreuses cicatrices visibles et doit éviter toute exposition au soleil et au froid ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques évaluées à 7 par l'expert, du préjudice esthétique et des troubles dans les conditions d'existence en fixant le montant de l'indemnisation due au titre de ces différents chefs de préjudice, respectivement à 35 000 euros, 25 000 euros et 15 000 euros ; que M. X justifie, en outre, de frais pharmaceutiques non remboursés à hauteur de 17 545 euros ;

En ce qui concerne Mme X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X qui était aide-soignante, a obtenu de travailler à mi-temps à compter du 10 août 1990, pour assister son mari, puis a bénéficié, pour les mêmes motifs, d'une disponibilité jusqu'au 19 octobre 1992 ; qu'il y a lieu d'évaluer les pertes de salaire subies à ce titre à 24 000 euros et à 7 500 euros les troubles dans les conditions d'existence ; qu'en revanche, si, postérieurement au 19 octobre 1992, Mme X n'a pas repris son activité, elle n'établit pas que cette situation serait en lien direct avec l'accident de son époux ; que le préjudice lié à la perte de droits à pension n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et a fortiori, d'en évaluer le montant ;

En ce qui concerne EDF :

Considérant qu'EDF a maintenu le salaire de M. X jusqu'à la date du 19 octobre 1992, à laquelle celui-ci a repris le travail puis lui a versé une rente d'accident du travail à compter de cette date ; qu'EDF qui justifie des montants versés, à l'exception des cotisations patronales, a droit au remboursement de la somme de 128 145,05 euros correspondant aux salaires versés pendant la période d'incapacité totale de travail et aux arrérages échus au 31 décembre 1998, dernière date à laquelle EDF a indiqué ce montant, de la rente d'accident du travail ; qu'EDF a droit également au remboursement, au fur et à mesure de leurs échéances, des arrérages futurs de la rente ;

Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie de Longwy justifie de débours s'élevant à 166 429,54 euros au titre des frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques et des autres prestations en nature ; qu'il y a lieu d'ajouter à ce montant l'indemnité forfaitaire de 760 euros réclamée sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant, en premier lieu, que les sommes versées par le ministère de l'équipement à M. et Mme X porteront intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 1994, date de l'assignation de l'Etat devant le Tribunal de grande instance de Nancy, à l'exception des sommes correspondant à des frais supportés par les intéressés à une date postérieure au 22 novembre 1994 lesquelles ne produiront intérêts qu'à compter de leur paiement effectif ;

Considérant, en deuxième lieu, que les sommes versées à EDF au titre du remboursement des salaires porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la réception de la demande préalable formée le 24 août 1994 et, au titre des arrérages de la rente d'accident du travail, à compter du 31 décembre 1994, mois de l'assignation de l'Etat en justice en ce qui concerne les arrérages échus avant cette date, et au fur et à mesure de leurs échéances respectives, jusqu'au jour du paiement en ce qui concerne les arrérages échus postérieurement au jour de l'assignation ;

Considérant, en troisième lieu, que les requérants ont demandé dans leur mémoire de première instance enregistré le 11 février 1999 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, et dans la limite fixée ci-dessus, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice, de mettre à la charge de l'Etat une somme d'une part de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme X et EDF et non compris dans les dépens, d'autre part une somme de 1 000 euros au titre de ceux exposés par la Caisse primaire d'assurance maladie de Longwy ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 19 septembre 2000 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 92 545 euros et à Mme X la somme de 31 500 euros. Ces sommes porteront intérêt à compter du 22 novembre 1994 à l'exception des sommes correspondant à des frais supportés par les intéressés à une date postérieure au 22 novembre 1994 lesquelles ne produiront intérêts qu'à compter de leur paiement effectif. Les intérêts échus à la date du 11 février 1999 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à EDF :

- au titre des salaires versés pendant la période d'interruption temporaire de travail, la somme de 65 255,89 euros qui portera intérêts à compter du jour de la réception de la demande préalable formée le 24 août 1994 ;

- au titre de la rente d'accident du travail, la somme de 62 889,16 euros à laquelle s'ajouteront les sommes correspondant aux arrérages futurs de la rente, au fur et à mesure de leurs échéances. Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 31 décembre 1994, mois d'assignation en justice de l'Etat, pour les arrérages échus à cette date et à compter de chacune de leurs échéances pour les arrérages futurs. Les intérêts échus à la date du 11 février 1999 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Longwy la somme de 169 189,54 euros.

Article 5 : L'Etat versera à M et Mme X ainsi qu'à EDF solidairement la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ainsi que la somme de 1 000 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie de Longwy au titre des mêmes frais.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M et Mme X, ELECTRICITE DE FRANCE, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Longwy et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

Copie pour information sera adressée à la Caisse primaire d'assurance maladie de Nancy.

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N°00NC01444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC01444
Date de la décision : 30/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : BOURGAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-01-30;00nc01444 ?
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