La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2005 | FRANCE | N°05NC00255

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 10 novembre 2005, 05NC00255


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 mars 2005, présentée pour M. André X, élisant domicile ..., par Me Thibaut, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300369 en date du 5 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 € à raison du préjudice subi par suite de la durée de la procédure engagée par lui le 17 février 1992 pour obtenir l'annulation d'une décision du directeur de l'institut national de la propriété industriel

le (I.N.P.I.) ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 € ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 mars 2005, présentée pour M. André X, élisant domicile ..., par Me Thibaut, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300369 en date du 5 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 € à raison du préjudice subi par suite de la durée de la procédure engagée par lui le 17 février 1992 pour obtenir l'annulation d'une décision du directeur de l'institut national de la propriété industrielle (I.N.P.I.) ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 € en réparation du préjudice subi ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il a fallu plus de dix ans pour statuer sur la requête ;

- il est excessif de prétendre que la durée de la procédure lui est imputable du fait des errements dont il a été fait état ;

- on ne peut notamment lui opposer son abstention à demander l'exécution du jugement, dès lors que l'INPI avait clairement manifesté son refus de le faire ;

- le litige présentait le caractère d'une procédure urgente et ne soulevait pas de difficultés juridiques particulières ;

- au nombre des griefs, il y a lieu de retenir les délais pris par les différentes juridictions pour régler la question de compétence, ainsi que les délais à trancher la question de fond ;

- le retard à juger lui a occasionné des préjudices matériels et moraux dont la réparation n'est pas assurée par les décisions rendues sur le litige principal et qui vont au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2005, présenté par le ministre de la justice ;

Le ministre de la justice conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont relevé que le requérant, en saisissant une juridiction territorialement incompétente, était lui-même à l'origine d'un retard de 10 mois et qu'en tardant à produire devant la juridiction d'appel, il avait contribué à l'allongement de la procédure ;

- les délais à juger le fond du litige résultent du jeu normal du contradictoire ;

- si on peut comprendre l'hésitation de l'intéressé à saisir le juge de l'exécution d'un jugement non définitif, ses écritures font aussi apparaître qu'il ne souhaitait pas, à l'époque, quitter l'Allemagne où son épouse avait un emploi ;

- en tout état de cause, l'indemnité sollicitée est excessive eu égard à la situation du requérant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2005 :

- le rapport de Mme Monchambert, président,

- les observations de Me Thibaut, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré enregistrée au greffe le 26 octobre 2005 ;

Considérant que la requête de M. X tend à l'annulation du jugement en date du 5 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 € à raison du préjudice subi par suite de la durée de la procédure engagée par lui le 17 février 1992 pour obtenir l'annulation d'une décision du directeur de l'institut national de la propriété industrielle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...). ; qu'aux termes de l'article 13 de la même convention : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations, lorsque le litige entre dans leur champ d'application, ainsi que, dans tous les cas, des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect ; qu'ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

Considérant que le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours, et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a saisi le 17 février 1992 le Tribunal administratif de Strasbourg d'une requête tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'INPI en date du 17 Décembre 1991 rejetant sa demande de réintégration au sein de l'établissement à l'issue de sa mise à disposition auprès de l'office européen des brevets situé à Munich ; que, par une ordonnance en date du 18 septembre 1992, le président du Tribunal administratif de Strasbourg a transmis la requête au Conseil d'Etat en vue de sa réattribution au tribunal territorialement compétent ; que, par une ordonnance du 18 novembre 1998, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a ordonné la transmission de la requête au Tribunal administratif de Paris qui en a été saisi le 15 janvier 1993 ; que, par un jugement en date du 14 mars 1996, le tribunal a annulé la décision attaquée ; que la Cour administrative d'appel de Paris, saisie en appel par l'INPI le 7 juin 1996, a confirmé le jugement du tribunal par un arrêt rendu le 6 avril 1999 ; que le Conseil d'Etat, par son arrêt du 29 avril 2002, a rejeté le pourvoi introduit par l'INPI, le 14 juin 1999 ;

Considérant que si la requête présentée le 17 février 1992 par M. X ne présentait pas de difficulté particulière et, eu égard à sa nature, nécessitait d'être tranchée rapidement, il ressort des pièces du dossier que M. X, qui a initialement commis une erreur de procédure en saisissant une juridiction territorialement incompétente pour en connaître a, dans un délai de trois ans à compter de sa saisine, obtenu du Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision querellée assortie d'une injonction de réintégration ; que M. X, alors qu'il était titulaire d'une décision qui lui était favorable et exécutoire, n'a pas usé de la procédure qui lui était ouverte par l'article L. 8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable pour obtenir du juge un délai d'exécution sous astreinte ; que la circonstance que l'INPI ait, ainsi que cela ressort de ses conclusions d'appel, remis en cause le bien-fondé de l'injonction ne suffit pas à justifier l'abstention de M. X à persévérer dans sa demande d'exécution ; que, dans ces conditions, M. X, qui d'ailleurs n'établit pas la réalité du préjudice qu'il invoque, ne démontre pas que les stipulations ci-dessus mentionnées de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ont été méconnues à raison de la durée de la procédure ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L .761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. X, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. André X et au garde des sceaux, ministre de la justice.

''

''

''

''

2

N° 05NC00255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05NC00255
Date de la décision : 10/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : B. THIBAUT - P. SOUCHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-11-10;05nc00255 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award