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13/10/2005 | FRANCE | N°02NC00026

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 13 octobre 2005, 02NC00026


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 janvier 2002, complétée par un mémoire enregistré le 12 avril 2002, présentée pour M. Paul X, élisant domicile ..., par la SCP Ertlen-Bigey-Saupe, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103199-1 en date du 2 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés en date des 7 et 8 juin 2001 par lesquels le maire de Kientzheim et le préfet du Haut-Rhin ont ordonné son hospitalisation d'office au centre hospitalier de Rouffach ; <

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2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) de condamner la ville de Kientzhe...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 janvier 2002, complétée par un mémoire enregistré le 12 avril 2002, présentée pour M. Paul X, élisant domicile ..., par la SCP Ertlen-Bigey-Saupe, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0103199-1 en date du 2 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés en date des 7 et 8 juin 2001 par lesquels le maire de Kientzheim et le préfet du Haut-Rhin ont ordonné son hospitalisation d'office au centre hospitalier de Rouffach ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) de condamner la ville de Kientzheim et l'Etat à lui verser conjointement et solidairement une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- l'arrêté du 7 juin 2001, qui ne caractérise ni les troubles mentaux manifestes ni le danger que présenterait le requérant, n'est pas suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 rappelées par la jurisprudence ;

- le certificat médical visé par l'arrêté a été établi sans être précédé d'un examen clinique ;

- même si l'arrêté du 8 juin 2001 est un peu plus explicite, il reste extrêmement imprécis et comporte une motivation voisine de celle censurée par la jurisprudence ;

- le certificat émanant d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, il ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 3213 du code de la santé publique ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la simple référence au certificat du 7 juin 2001 est insuffisante au regard des exigences de motivation ;

- la simple référence à l'arrêté du maire est également insuffisante dès lors que celui-ci est lui-même insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du préfet a été signé par une autorité n'ayant pas compétence pour ce faire ;

- l'arrêté du maire n'est pas justifié par un danger imminent pour la sûreté des personnes mais est intervenu par suite de plaintes de voisins et en l'absence de toute menace sur la mère du requérant ;

- il en est de même de l'arrêté préfectoral ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2002, présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ; le ministre de l'emploi et de la solidarité conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fai t ainsi qu'il a été établi devant les premiers juges ;

- la motivation de l'arrêté ne repose pas sur deux mais sur un seul certificat émanant d'un médecin qui n'exerce pas au centre hospitalier ;

- le moyen tiré de l'absence d'examen médical manque en fait ;

- l'arrêté est suffisamment motivé ;

- les moyens de légalité interne, qui portent sur la nécessité de la mesure, ne relèvent pas de la compétence du juge administratif ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2002 présenté pour la commune de Kientzheim par la SCP d'avocats Wachsmann et associés ; la commune de Kientzheim conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le juge administratif n'est compétent que pour apprécier la régularité de l'arrêté ;

- le tribunal a justement constaté que l'arrêté du maire comportait par lui-même et par référence au certificat médical une motivation suffisamment explicite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2005 :

- le rapport de Mme Monchambert, président,

- les observations de Me Lemée, de la société Wachsmann et associés, avocat de la commune de Kientzheim,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à l'espèce : A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. ; qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique : En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures. ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; qu'aux termes de l'article 3 du même texte : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision et qu'aux termes de l'article 4 de ladite loi : Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'irrégularité cette décision (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative ou de police, lorsqu'elle prononce une mesure d'hospitalisation d'office provisoire, doit indiquer dans sa décision les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf lorsqu'une urgence absolue a empêché qu'une telle décision soit motivée ; que si elle peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un certificat médical, c'est à la condition de s'en approprier le contenu et de joindre ce certificat à la décision ;

Considérant que, d'une part, par un arrêté du 7 juin 2001, le maire de Kientzheim a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique précité, décidé que M. X serait hospitalisé d'office à titre provisoire ; que si cet arrêté mentionne que M. X est atteint de troubles mentaux manifestes et que la personne est dangereuse pour elle-même et pour son entourage, l'arrêté ne précise pas les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que s'il vise un certificat médical établi le même jour, il ne déclare pas s'en approprier les motifs ; qu'il n'est en outre pas établi que ce certificat a été joint à la décision ; que, d'autre part, par un arrêté du 8 juin 2001, le préfet du Haut-Rhin a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique précité, ordonné l'hospitalisation d'office de M. X au centre hospitalier de Rouffach ; que si cet arrêté vise le certificat médical établi le 7 juin 2001 et s'en approprie les conclusions, il ne reproduit pas les énonciations détaillées dudit certificat et n'en reprend que des formules vagues et générales ; qu'il n'est pas non plus établi que ce certificat aurait été joint audit arrêté ; qu'ainsi, et en l'absence d'urgence absolue, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que les arrêtés litigieux étaient suffisamment motivés au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. X est fondé à demander l'annulation du jugement en date du 2 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2001 du maire de Kientzheim et de l'arrêté du 8 juin 2001 du préfet du Haut-Rhin ainsi que l'annulation desdits arrêtés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la commune de Kientzheim, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Kientzheim et l'Etat à payer, chacun, à M. X une somme de 500 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 novembre 2001est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 7 juin 2001 du maire de Kientzheim et l'arrêté du 8 juin 2001 du préfet du Haut-Rhin sont annulés.

Article 3 : La commune de Kientzheim et l'Etat verseront chacun une somme de 500 euros à M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Kientzheim tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la requête de M. X sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Paul X, à la commune de Kientzheim et au ministre de la santé et des solidarités.

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N° 02NC00026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC00026
Date de la décision : 13/10/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP ERTLEN-BIGEY-SAUPE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-10-13;02nc00026 ?
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