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04/08/2005 | FRANCE | N°99NC02385

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 04 août 2005, 99NC02385


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 1999, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 11 janvier 2000 et 9 décembre 2004, présentés pour M. Emile X, élisant domicile 17 bis rue des canadiens à Sotteville-les-Rouen (76300), par Me Garreau, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner la chambre d'agriculture des Ardennes à lui verser, d'une part, une indemnité correspondant au montant du supplément familial de traitement

qu'il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, et d'a...

Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 1999, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 11 janvier 2000 et 9 décembre 2004, présentés pour M. Emile X, élisant domicile 17 bis rue des canadiens à Sotteville-les-Rouen (76300), par Me Garreau, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner la chambre d'agriculture des Ardennes à lui verser, d'une part, une indemnité correspondant au montant du supplément familial de traitement qu'il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration, et d'autre part, une somme correspondant au solde des intérêts à raison de l'indemnité pour perte de salaire ;

2°) de condamner la chambre d'agriculture des Ardennes à lui payer la somme de 174 449 francs, outre les intérêts au taux légal sur cette somme, capitalisés à la date du 31 mars 1997, et les intérêts au taux légal sur la somme de 79 218 francs courant à compter du 31 mars 1997 ;

3°) de condamner la chambre d'agriculture des Ardennes à lui verser une somme de 15 000 francs au titre es frais irrépétibles ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ;

- les premiers juges ont commis une erreur de fait ;

- l'arrêt du Conseil d'Etat du 16 octobre 1992 ne comporte aucun motif permettant de considérer que les griefs allégués par la chambre d'agriculture des Ardennes sont fondés ;

- les premiers juges ont méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement qu'ils ont rendu le 27 juin 1989, en limitant son droit à indemnisation ;

- les intérêts qu'il réclame lui sont dus en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 2 juin 2003 et 21 janvier 2005, présentés pour la chambre d'agriculture des Ardennes, dont le siège est 1 avenue du Petit-Bois à Charleville-Mézières (08100), par Me Blocquaux, avocat ;

La chambre d'agriculture des Ardennes demande à la Cour :

- de rejeter la requête de M. X ;

- de constater, à titre subsidiaire, que les intérêts de retard ne pourront courir qu'à compter de la décision à intervenir s'il est fait droit en principal au requérant ;

- de constater, à titre encore plus subsidiaire, que le point de départ de ces intérêts ne pourra pas être fixé au-delà du 21 février 1998, date de la prétendue demande préalable adressée par M. X ;

- de condamner M. X à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de M. X devant les premiers juges était irrecevable, faute pour lui de l'avoir saisie d'une demande préalable ;

- la demande que M. X lui a adressée le 21 février 1998 était tardive et ne pouvait régulariser la procédure ;

- M. X ne peut prétendre au bénéfice de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le supplément familial de traitement ne faisait pas partie de la rémunération de M. X au même titre que le traitement ;

- le préjudice matériel de M. X restant à liquider ne peut être supérieur à la somme de 295 000 francs en application du jugement rendu le 27 juin 1989 par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

- la demande de M. X concernant le paiement des intérêts de retard n'est pas fondée ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le jugement du 27 juin 1989 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne confirmé par le Conseil d'Etat le 16 octobre 1992 ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires de l'Etat ;

Vu les arrêtés des 20 mars 1972 et 20 novembre 1986 portant homologation de modifications au statut du personnel administratif des chambres d'agriculture ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2005 :

- le rapport de M. Leducq, président de chambre,

- les observations de M. X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement :

Sur la recevabilité de la demande de M. X devant les premiers juges :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ;

Considérant que M. X a saisi le 14 février 1996 la section du Rapport et des Etudes du Conseil d'Etat des difficultés qu'il estimait rencontrer pour obtenir l'exécution du jugement rendu le 27 juin 1989 par le Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne ; qu'il soutenait notamment pouvoir prétendre à l'inclusion dans l'indemnité qui lui était due par la chambre d'agriculture des Ardennes du montant du supplément familial de traitement dont il avait été privé ; qu'il réclamait en outre le paiement d'indemnités de retard ; qu'à cette occasion, la chambre d'agriculture des Ardennes avait fait savoir qu'elle n'entendait procéder ni au versement du supplément familial de traitement, ni à celui des intérêts de retard réclamés par M. X ; qu'une telle réponse était de nature à lier le contentieux ; qu'ainsi, M. X a pu saisir le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne des demandes relatives à ces deux chefs d'indemnités sans avoir adressé une nouvelle demande préalable à la chambre d'agriculture des Ardennes ; que, dès lors, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par M. X le 19 mars 1997 devant les premiers juges n'était pas recevable ;

Sur le fond :

Considérant que par jugement du 27 juin 1989, le Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a considéré que l'illégalité de la mesure d'éviction dont M. X a fait l'objet lui ouvrait droit à la réparation intégrale de son préjudice ; que l'autorité de la chose jugée faisait obstacle à ce qu'à l'occasion d'un litige sur la liquidation de l'indemnité, la juridiction revienne sur cette décision ; que, par suite, c'est à tort que, pour rejeter la demande de M. X, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le comportement de celui-ci était de nature à limiter le montant total de l'indemnité à laquelle il pouvait prétendre à raison des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties ;

Considérant que si M. X n'est pas soumis aux textes applicables aux fonctionnaires de l'Etat mais au seul statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, il résulte de l'instruction que M. X a perçu le supplément familial de traitement avant son licenciement et après sa réintégration ; que ce supplément constituait ainsi un élément de sa rémunération qui devait être intégré dans le calcul du préjudice causé par son éviction ; que, dès lors, M. X est fondé à réclamer un complément d'indemnisation égal au montant du supplément familial de traitement dont il a été privé par son licenciement ;

Considérant, toutefois, que par le jugement du 27 juin 1989, le Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a plafonné l'indemnité totale à allouer à M. X à la somme de 300 000 francs sur laquelle 220 782,79 francs ont déjà été versés ; que, par suite, le complément d'indemnisation dû par la chambre d'agriculture des Ardennes doit être limité à une somme de 79 217,21 francs, soit 12 076,59 euros ;

Considérant qu'il est constant qu'en exécution du jugement du Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 27 juin 1989, la chambre d'agriculture n'a versé à M. X une indemnité de perte de rémunération d'un montant de 220 782,79 francs que le 25 avril 1994 ; qu'en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, M. X a droit aux intérêts aux taux légal sur cette somme à compter du prononcé du jugement ; qu'il y a donc lieu, compte tenu du versement d'un montant de 34 856,15 francs (5 313,78 euros) déjà effectué à ce titre et des éléments chiffrés, fournis par M. X dans son mémoire enregistré le 11 janvier 2000 et non contestés dans leur montant, de condamner la chambre d'agriculture de verser à M. X une somme de 14 517,87 euros à raison des intérêts ; que si, dans un mémoire ultérieur enregistré le 9 décembre 2004, M. X réclame une somme de 18 444,37 euros, il ne justifie pas le bien-fondé de cette variation ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts de la somme de 26 594,46 euros à compter du 31 mars 1997 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 29 novembre 1999 ; qu'à cette date il était du au moins une année d'intérêt ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la chambre d'agriculture des Ardennes à verser à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la chambre d'agriculture des Ardennes la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 octobre 1999 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La chambre d'agriculture des Ardennes est condamnée à verser à M. X une somme de 26 594,46 euros (vingt six mille cinq cent quatre-vingt-quatorze euros et quarante six centimes), cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1997. Les intérêts échus le 29 novembre 1999 seront capitalisés à cette date pour produire eux-même des intérêts.

Article 3 : La chambre d'agriculture des Ardennes est condamnée à verser à M. X une somme de mille euros (1 000 €) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la chambre d'agriculture des Ardennes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Emile X et à la chambre d'agriculture des Ardennes.

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N° 99NC02385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC02385
Date de la décision : 04/08/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. Alain LEDUCQ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : SCP PEIGNOT- GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-08-04;99nc02385 ?
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