Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2005, présentée pour M. Rabah X, élisant domicile à ..., par Me Kipffer ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400010 du 5 juillet 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 décembre 2003 du préfet de Meurthe-et-Moselle ordonnant sa reconduite à la frontière en tant qu'il a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
M. X soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice d'incompétence dans la mesure où l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne permet pas au préfet de déléguer sa signature ;
- c'est à tort que le Tribunal a rejeté le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire en estimant que l'ordonnance du 2 novembre 1945 excluait l'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors que la décision fixant le pays de destination est soumise au droit commun ;
- en se référant à la décision de refus d'asile territorial, le Tribunal a refusé d'exercer pleinement son pouvoir d'appréciation ;
- c'est à tort que le Tribunal a considéré qu'il n'établissait pas la réalité des risques encourus en cas de retour en Algérie, eu égard au caractère peu circonstancié de son récit et à l'absence de caractère probant des pièces produites attestant de son activité professionnelle ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2005, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle et tendant au rejet de la requête ;
Le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient que :
- il pouvait déléguer au secrétaire général le pouvoir de signer l'arrêté contesté dans la mesure où l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne lui impose aucune obligation en la matière ;
- le requérant bénéficiait des garanties procédurales prévues par les articles 22 et 22 bis de l'ordonnance de 1945 dans la mesure où le pays de destination a été fixé par l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière ;
- le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir les risques encourus en cas de retour en Algérie ;
- le Tribunal n'a pas méconnu sa compétence ;
Vu la décision en date du 16 décembre 2004 du président du bureau d'aide juridictionnel (section administrative d'appel) admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2005 :
- le rapport de M. Giltard, président,
- les observations de Mme Y, pour le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Sur le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal de l'étendue de sa compétence :
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X, le Tribunal administratif de Nancy n'a pas entaché son jugement d'une erreur de droit et n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en mentionnant dans sa motivation de rejet du moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le fait que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales lui avait refusé le bénéfice de l'asile territorial ;
En ce qui concerne la légalité de la décision préfectorale fixant le pays de destination :
Sur l'incompétence du signataire de la décision :
Considérant que la circonstance que l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, alors en vigueur, ne prévoyait pas la possibilité d'une délégation de signature ne faisait pas obstacle à ce que le préfet puisse donner délégation au secrétaire général de signer la décision attaquée en vertu des textes réglementaires qu'il a visés ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 :
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions des articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, alors en vigueur et reprises dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous les articles L. 511-1, L. 511-2, L. 511-3, L. 512-1, L. 512-2, L. 512-3, L. 512-4 et L. 512-5, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, lesquelles ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, alors en vigueur, selon lesquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que, dès lors, s'agissant d'une mesure de reconduite à la frontière, est exclue l'application de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui a le même objet que celui de l'article 8, abrogé, du décret du 28 novembre 1983 ; que cette même exclusion s'applique à la décision fixant le pays de destination lorsque celle-ci intervient à une date permettant à l'intéressé de la contester dans le cadre du recours suspensif exercé à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ainsi que la possibilité en est ouverte par l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, alors en vigueur, repris à l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant que, par le même arrêté en date du 12 décembre 2003, le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné la reconduite à la frontière de M. X et a pris la décision fixant le pays de renvoi ; qu'ainsi M. X, qui n'a formé un recours que contre cette dernière décision, a eu la possibilité de déférer ladite décision au Tribunal administratif en même temps que la décision de reconduite à la frontière ; qu'il a dès lors bénéficié des dispositions de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée et ne peut invoquer utilement les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'au soutien de sa critique des motifs du jugement attaqué, M. X fait valoir que son récit précis, ses déclarations concordantes et le fait qu'il justifie par les pièces produites de sa qualité d'ambulancier permettent au juge d'apprécier la réalité des risques encourus en cas de retour en Algérie ; qu'il n'établit toutefois pas par cette argumentation que le Tribunal administratif aurait commis une erreur en estimant que le préfet de Meurthe-et-Moselle, en fixant l'Algérie comme pays de destination, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il y a lieu de confirmer par adoption les motifs des premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 juillet 2004 du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays à destination duquel il sera reconduit ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rabah X et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
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N° 05NC00094