Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 août 2000, complétée par mémoire enregistré le 15 décembre 2000, présentée pour M. et Mme Franck X, élisant domicile ..., par la SCP Lagrange, Philippot, Clément, Baumann-Chevalier et Zillig, avocats ;
M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 23 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant, d'une part, à condamner la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy à leur verser une indemnité provisionnelle de 500 000 francs au titre du préjudice subi par leur fille Alice lors de l'accouchement de Mme X dans ledit établissement le 29 janvier 1995, d'autre part, à ordonner une expertise médicale complémentaire aux fins de déterminer la date de consolidation et de chiffrer le préjudice de leur fille et, enfin, à réserver le préjudice moral subi par les parents ;
2°) de condamner la maternité régionale Adolphe Pinard à leur verser l'indemnité provisionnelle susvisée ;
3°) d'ordonner une expertise médicale complémentaire aux fins de déterminer la date de consolidation et de chiffrer le préjudice de leur fille ;
4°) de donner acte aux requérants de ce qu'ils se réservent le droit de demander la réparation de leur propre préjudice, notamment moral, après l'établissement du rapport d'expertise complémentaire ;
5°) subsidiairement, de prescrire toutes mesures d'expertise utiles aux fins de déterminer les responsabilités en cause ;
6°) de condamner la maternité régionale Adolphe Pinard à leur verser une somme de 10 000 francs au titre des frais irrépétibles ;
Ils soutiennent que :
- le tribunal a fait une inexacte appréciation des circonstances de la cause ; l'accouchement de Mme X s'est déroulé dans des conditions qui révèlent un manquement caractérisé dans l'organisation et le fonctionnement du service et un retard important mis par l'équipe obstétricale à mettre en place les soins qui auraient permis d'accélérer le travail anormalement long ; ce retard dans l'accomplissement des actes médicaux nécessaires à l'accélération du travail affecte notamment l'admission en salle de travail, la perfusion de syntocinon, la rupture artificielle de la poche des eaux ainsi que le recours au forceps ;
- l'équipe médicale est également fautive en ce qu'elle n'a pas eu recours à la césarienne, laquelle n'était pas contre-indiquée en l'absence de pathologie digestive de la requérante ;
- les actes susvisés réalisés plus précocement auraient accéléré le travail et ainsi évité la fragilisation du cortex de l'enfant qui a joué un rôle défavorable sous l'effet de l'utilisation du forceps ; la réalisation trop tardive du forceps et la non-réalisation d'une césarienne ont donc compromis les chances de l'enfant de naître sans séquelles ;
- les séquelles dont est atteinte la jeune Alice sont directement liées au traumatisme subi lors de l'accouchement par forceps ;
- le préjudice corporel et psychologique consécutif au lourd handicap de la jeune Alice justifie l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 500 000 francs ;
- la date de consolidation de l'état de santé de l'enfant devra être précisée par une expertise complémentaire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les observations, enregistrées le 9 octobre 2000, complétées par des observations enregistrées le 25 mars 2005, présentées par la caisse nationale militaire de sécurité sociale, qui n'entend pas intervenir à ce stade de la procédure et précise qu'elle n'interviendrait que dans le cas où une nouvelle expertise serait prescrite par la Cour ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 31 octobre 2000 et 14 mars 2005, présentés pour la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy, représentée par son directeur en exercice, par la SCP d'avocats Mery, Dubois, Harquet ;
Elle conclut au rejet de la requête ;
Elle soutient que :
- les conclusions de l'expert, reprises par le tribunal, vont nettement dans le sens de l'absence de toute faute médicale dans la prise en charge de la parturiente ;
- il n'existait, en l'absence de souffrance foetale, aucune indication obstétricale en faveur d'un accouchement par césarienne qui était d'ailleurs contre-indiqué compte tenu de la pathologie digestive de la requérante ; le recours au forceps était donc nécessaire et a été fait en temps utile ;
- aucun retard non plus n'est observé s'agissant de l'admission en salle de travail ; en outre, le travail, qui était lent mais progressait et n'était pas anormalement long, ne commandait pas d'accélérer le processus de l'accouchement par la mise en oeuvre plus précoce d'un test au syntocinon ou par un recours au forceps à un autre moment que celui choisi par l'obstétricien ; enfin, la rupture provoquée des eaux n'était pas ici nécessaire ni justifiée eu égard aux risques qu'elle peut présenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2005 :
- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi à la suite de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Nancy, que Mme X, admise le 28 janvier 1995 à 22H10 à la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy, a accouché le lendemain à 17H10 d'une fille Alice, née par forceps ; que l'enfant, dont l'état général à la naissance était apparemment satisfaisant, a cependant été victime de convulsions le 30 janvier suivant et a présenté de graves séquelles locomotrices au niveau des membres supérieur et inférieur droits ; qu'il n'est pas contesté que les séquelles dont est atteinte la jeune Alice sont directement liées au traumatisme subi lors de l'accouchement par forceps ;
Considérant que s'il est vrai que le service aurait pu prendre plus précocement certaines mesures aux fins de réduire la durée de l'accouchement, laquelle aurait pu contribuer à la fragilisation du cortex de l'enfant, il est constant que le travail, même très lent, progressait et que l'enfant ne présentait aucun signe de souffrance foetale ; que, dans ces conditions, la circonstance que l'équipe obstétricale n'ait pas pris des mesures radicales en vue d'accélérer le processus du travail, telles que la rupture de la poche des eaux, ne revêtait pas en l'espèce le caractère d'une faute médicale de nature à engager le responsabilité du service public hospitalier ; que compte tenu de la mauvaise orientation de la tête de l'enfant, le recours au forceps était nécessaire ; que l'extraction a été réalisée, dans un contexte dystocique, selon les règles de l'art ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n'existait, en l'absence de souffrance foetale, aucune indication obstétricale en faveur d'un accouchement par césarienne, technique au demeurant peu adéquate eu égard à la pathologie digestive présentée quelques semaines auparavant pas la parturiente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la condamnation de maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme X doivent dès lors être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête susvisée de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Franck X, à la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
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N° 00NC01033