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26/05/2005 | FRANCE | N°00NC00895

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 26 mai 2005, 00NC00895


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 juillet 2000, complétée par mémoires enregistrés les 21 septembre 2002 et 10 mai 2004, présentée pour Mlle Valérie X, élisant domicile ..., par Me Coudray, avocat ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 2 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser une somme de 110 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de la décision de la commission nationale d'aptitude du 19 juillet 1995 l'ayant déclarée inapte au

x fonctions de professeur d'éducation physique et sportive ;

2°) de condamner ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 juillet 2000, complétée par mémoires enregistrés les 21 septembre 2002 et 10 mai 2004, présentée pour Mlle Valérie X, élisant domicile ..., par Me Coudray, avocat ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 2 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser une somme de 110 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de la décision de la commission nationale d'aptitude du 19 juillet 1995 l'ayant déclarée inapte aux fonctions de professeur d'éducation physique et sportive ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme susvisée avec les intérêts légaux à compter du 16 juillet 1998 et les intérêts des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 16 346 francs au titre des frais irrépétibles ;

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas régulier en la forme ;

- en imposant à la requérante de prouver qu'elle avait des chances sérieuses de réussir au concours sans même vérifier si elle pouvait être admise à concourir, le tribunal a inversé la charge de la preuve ; l'illégalité étant fautive, il appartient à l'administration de démontrer que sa décision aurait pu être légalement prise ;

- l'aptitude de la requérante aux fonctions d'enseignant concernées est établie et son handicap est compatible avec lesdites fonctions ;

- son préjudice est certain dès lors que, notamment par le niveau des diplômes qu'elle a obtenus malgré son handicap, elle établit qu'elle a été privée d'une chance sérieuse de réussite au concours d'agrégation ;

- la requérante a subi des préjudices moral et pécuniaire importants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'intervention, enregistrée le 13 octobre 2000, présentée pour le syndicat SGEN-CFDT de la Meurthe-et-Moselle, élisant domicile 4 rue des Chanoines à Nancy (54022), par Me Coudray, avocat ;

Le syndicat demande à ce que la Cour fasse droit aux conclusions de la requête de Mlle X ;

Il précise que compte tenu de son objet statutaire, il a intérêt à intervenir au soutien de la requête de Mlle X et soulève les mêmes moyens que ceux exposés par la requérante ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 15 janvier et 1er mars 2001 et 31 mars 2005, présentés par le ministre de l'éducation nationale ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la commission nationale, qui a depuis été légalement instituée sur le fondement du décret du 1998, a pu, à bon droit, renouveler son opposition à la candidature de la requérante en raison de son inaptitude à l'exercice des fonctions postulées ;

- le préjudice allégué par la requérante n'est pas certain ;

- subsidiairement, le préjudice allégué ne saurait, en tout état de cause, excéder une somme de 5 000 euros ;

Le ministre conclut en outre au rejet comme irrecevables des conclusions en annulation présentées par le mémoire en intervention du syndicat susvisé ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2005, présenté pour Mlle X ;

Vu l'ordonnance du 14 mars 2005 fixant la date de clôture de l'instruction au 4 avril 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 ;

Vu le décret n° 98-543 du 30 juin 1998 ;

Vu le code de l'aide sociale et de la famille ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2005 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mlle X demande l'annulation du jugement en date du 2 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser une somme de 110 000 francs en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'illégalité de la décision en date du 19 juillet 1995 par laquelle la commission nationale d'aptitude l'a déclarée inapte aux fonctions de professeur d'éducation physique ;

Sur l'intervention du syndicat SGEN-CFDT de la Meurthe-et-moselle :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, le syndicat SGEN-CFDT de la Meurthe-et-Moselle ne formule pas de conclusions propres, qui seraient nouvelles en appel, mais doit être regardé comme tendant seulement à venir au soutien des conclusions présentées par Mlle X ; que, toutefois, s'agissant d'une action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice subi par l'agent, ledit syndicat ne justifie par d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier et ne justifie pas dès lors d'un intérêt à l'annulation du jugement susvisé ; que, par suite, son intervention n'est pas recevable ;

Sur les conclusions présentées par Mlle X :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, en premier lieu, que par une décision en date du 19 juillet 1995, la commission nationale d'aptitude a déclaré Mlle X inapte à l'exercice des fonctions de professeur d'éducation physique et sportive et ne l'a pas autorisée à poser sa candidature à l'agrégation externe d'éducation physique et sportive ; que, par un arrêt du 18 décembre 1996, le Conseil d'Etat a annulé ladite décision au motif qu'elle a été prise par une autorité dépourvue d'existence légale ; que cette illégalité constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de Mlle X ; que si celle-ci, invalide à 80%, n'a pas l'usage de ses jambes et ne se tient debout qu'en cas de nécessité absolue, il ne résulte pas de l'instruction que son handicap serait incompatible, moyennant certains aménagements de poste, avec l'exercice des fonctions de professeur d'éducation physique et sportive ; que, d'ailleurs, si le ministre fait valoir que la commission alors compétemment constituée par le décret n° 98-543 du 30 juin 1998 a également opposé de nouveaux refus à la candidature de l'intéressée, le Conseil d'Etat a ultérieurement, par un arrêt du 30 avril 2004, précisément annulé une décision de refus en date du 20 décembre 2002 pour erreur d'appréciation commise par la commission sur l'aptitude de la requérante ; que pour justifier le refus d'admission à concourir de Mlle X, l'administration n'avance aucun autre motif que celui sur lequel s'est fondée la commission le 19 juillet 1995 et tiré de la prétendue incompatibilité du handicap de l'intéressée avec les fonctions postulées ; qu'il suit de là que Mlle X est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a estimé que l'illégalité de la décision susvisée du 19 juillet 1995 n'était pas de nature à ouvrir droit à réparation ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, nonobstant le taux de réussite relativement peu élevé au concours, compte tenu, d'une part, des capacités physiques de l'intéressée, sportive de haut niveau ayant représenté la France aux jeux olympiques pour personnes handicapées de Barcelone au titre des compétitions de basket-ball, et, d'autre part, de ses qualités pédagogiques et des aptitudes démontrées dans l'encadrement des jeunes, non contestées par la commission susmentionnée, et eu égard enfin au niveau des diplômes universitaires de 3ème cycle qu'elle possède dans la discipline des sciences et techniques des activités physiques et sportives, Mlle X doit être regardée comme ayant été illégalement privée d'une chance sérieuse de réussite au concours considéré ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble du préjudice subi par la requérante, tous chefs de préjudice confondus, en l'évaluant à 8 000 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mlle X a droit aux intérêts légaux sur cette somme à compter du 16 juillet 1998, date de réception par l'administration de la demande préalable d'indemnisation ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que Mlle X a présenté une demande de capitalisation des intérêts le 19 juillet 2000 ; qu'à cette date, il était dû une année au moins d'intérêts ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mlle X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention du Syndicat général de l'éducation nationale de Meurthe-et-Moselle SGDEN-CFDT n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nancy en date du 2 mai 2000 est annulé.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer à Mlle X une somme de huit mille euros (8 000 €). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 1998. Les intérêts échus le 19 juillet 2000, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'Etat versera à Mlle X une somme de mille cinq cents euros (1 500 €) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Valérie X, au syndicat SGEN-CFDT de Meurthe-et-Moselle et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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N° 00NC00895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC00895
Date de la décision : 26/05/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-05-26;00nc00895 ?
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