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21/03/2005 | FRANCE | N°02NC00614

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 21 mars 2005, 02NC00614


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 juin 2002 sous le n° 02NC00614, complétée par un mémoire enregistré le 31 octobre 2002, présentée pour Mme Denise X élisant domicile ..., par la SCP Hocquet-Gasse-Carnel

avocats ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 2 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné le Centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une indemnité de

20 398,96 euros, qu'elle estime insuffisante en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°) de cond

amner le centre hospitalier régional de Nancy à lui verser une somme de

133 457,99 euros ;

E...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 juin 2002 sous le n° 02NC00614, complétée par un mémoire enregistré le 31 octobre 2002, présentée pour Mme Denise X élisant domicile ..., par la SCP Hocquet-Gasse-Carnel

avocats ;

Mme X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 2 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné le Centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une indemnité de

20 398,96 euros, qu'elle estime insuffisante en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional de Nancy à lui verser une somme de

133 457,99 euros ;

Elle soutient que :

- compte tenu des aléas que présente la technique par endoscopie, le choix de l'opérer selon cette méthode plutôt que par la technique classique est constitutif d'une faute, qui doit faire supporter au Centre hospitalier universitaire de Nancy l'intégralité du préjudice subi ;

- le préjudice doit être indemnisé par l'allocation des sommes de 30 000 F au titre de l'ITT, 120 000 F au titre de l'IPP, 25 000 F au titre du pretium doloris, 15 000 F au titre des souffrances physiques et 685 427 F au titre du préjudice professionnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 16 octobre 2002 et 31 octobre 2002, présentés pour le Centre hospitalier universitaire de Nancy, représenté par son directeur, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 14 octobre 2002, par Me Clément avocat ;

Le Centre hospitalier demande à la Cour :

- d'une part, de rejeter la requête susvisée,

- d'autre part, par la voie du recours incident, d'annuler le jugement attaqué et de le décharger des condamnations prononcées à son encontre ;

Il soutient que :

- l'expert a exclu toute faute du chirurgien ou tenant aux soins post-opératoires,

- le dommage résulte d'un aléa thérapeutique et les conditions d'indemnisation ne sont pas remplies,

- le consentement éclairé de la requérante, ayant subi les mêmes troubles et intervention l'année précédente, a été obtenu par le praticien,

- compte tenu de sa profession manuelle et des troubles ressentis, la requérante n'aurait pas renoncé à l'intervention, même informée des complications éventuelles,

- les sommes allouées sont surévaluées,

- l'expert ne s'est pas prononcé sur une prétendue inaptitude de Mme X à exercer toute activité professionnelle et la COTOREP ne lui a pas reconnu d'invalidité ; il n'y a donc pas lieu d'accorder l'équivalent de pertes de salaires jusqu'à la date de la retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy, en date du 28 octobre 2002, admettant Mme X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 12 janvier 2005 par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 4 février 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2005 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller ;

- les observations de Me Carnel de la SCP Gasse-Carnel-Gasse, avocat de Mme X ;

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, souffrant de troubles du canal carpien, Mme X, qui exerçait la profession de femme de ménage au Luxembourg, a été opérée par les services du centre hospitalier universitaire de Nancy de la main droite en 1995 selon la méthode dite classique , puis de la main gauche le 26 août 1996, sous endoscopie, intervention à l'occasion de laquelle elle a été victime d'une lésion avec solution de continuité partielle du nerf médian ; qu'il en est résulté une impossibilité de se servir des 3ème et 4ème doigts de cette main ; que Mme X a demandé l'indemnisation du préjudice en résultant au Tribunal administratif de Nancy, lequel, se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise du 30 juin 2000, a, par le jugement attaqué du 2 avril 2002, déclaré le centre hospitalier universitaire de Nancy responsable d'un défaut d'information sur les risques que présentait l'intervention, estimé le préjudice subi à un montant de 3 811,23 euros au titre de l'incapacité temporaire totale et des troubles dans les conditions d'existence, de 15 244,90 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, de1 524,49 euros au titre du préjudice esthétique, de 3048,98 euros au titre des souffrances physiques et de 78 365,19 euros au titre des pertes de revenus à venir ; que le Tribunal a estimé la perte de chance de Mme X de se soustraire au risque réalisé à un cinquième et par suite condamné le centre hospitalier universitaire de Nancy à verser à l'intéressée une indemnisation totale de 20 398,96 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; qu'il résulte de l'expertise que la réalisation du risque ici réalisé est bien connue et comme l'a relevé le tribunal, n'a pas eu de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le Tribunal n'a donc pas commis d'erreur de droit en écartant la responsabilité sans faute du centre hospitalier universitaire de Nancy ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par le Tribunal, que le choix d'une opération sous endoscopie ait méconnu le diagnostic et fut contre-indiqué dans le cas de Mme X, alors même que celle ci avait difficilement supporté la précédente opération conduite selon la méthode classique ; que celle ci n'est donc pas fondée à soutenir que le choix du mode opératoire serait constitutif d'une faute médicale devant conduire à l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice ;

Considérant, cependant, que le centre hospitalier universitaire de Nancy, n'établit pas que la requérante aurait bénéficié d'une information sur les risques inhérents à l'intervention sous endoscopie ; qu'il ne peut valablement soutenir que la requérante aurait implicitement donné son consentement éclairé au praticien du fait qu'elle avait subi une intervention l'année précédente, alors même qu'il ne s'agissait précisément pas du même type d'intervention et qu'il n'est d'ailleurs pas davantage prouvé la délivrance, à l'époque, d'informations sur les risques inhérents à la méthode classique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré le centre hospitalier universitaire de Nancy responsable du préjudice subi par Mme X en raison d'un défaut d'information sur les risques inhérents à l'intervention ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu' à l'exception du préjudice de perte de revenus contesté par le centre hospitalier universitaire de Nancy, ni celui ci ni Mme X ne mettent la Cour, en l'absence de critique des motifs du jugement relatifs à l'évaluation des autres chefs de préjudice par les premier juges, en mesure de se prononcer sur leur bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que le Tribunal a condamné le centre hospitalier universitaire de Nancy à indemniser Mme X d'une perte annuelle de revenus de

8 768 euros correspondant à la différence entre l'indemnité versée au titre de l'incapacité permanente partielle et les revenus devant résulter de son activité professionnelle, jusqu'à sa retraite prévue le

4 juillet 2009, et lui a octroyé à ce titre un capital de 78 365 euros ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que si l'état de Mme X doit être regardé comme consolidé à la date du 15 juillet 1997, la COTOREP de la Moselle lui a attribué par décision du 1er novembre 2000 un taux d'incapacité de 50%, prenant en compte, outre les séquelles fonctionnelles précitées de son intervention chirurgicale, un syndrome réactionnel dépressif en relation avec son handicap ; que dans ces conditions, compte tenu de l'âge de l'intéressée et de la faiblesse de ses qualifications professionnelles, le centre hospitalier universitaire de Nancy n'est pas fondé a soutenir que le tribunal a mal apprécié les circonstances de l'espèce en considérant que Mme X avait perdu la totalité de sa capacité de travail ;

Considérant que la réparation du dommage résultant pour Mme X de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les douleurs et gênes professionnelles supportées en cas de renoncement à ce traitement, cette fraction a été correctement fixée au cinquième par le tribunal ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnisation du préjudice de perte de revenus subie par Mme X a été exactement fixée à la somme de 20 398,96 euros ; que les conclusions de la requête et les conclusions incidentes susvisées du centre hospitalier universitaire de Nancy doivent donc être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X Denise est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Denise X, au centre hospitalier universitaire de Nancy, à l'Etablissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité.

4

02NC00614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC00614
Date de la décision : 21/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP GASSE-CARNEL-GASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-03-21;02nc00614 ?
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