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24/02/2005 | FRANCE | N°00NC01107

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 24 février 2005, 00NC01107


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 août 2000 sous le n° 00NC01107, présentée pour Mme Anne-Marie X, élisant domicile ..., par Me Remond, avocat ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 29 juin 2000 en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Morez à lui verser une somme de 150 000 F, qu'elle estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables des traitements suivis dans cet établissement à la suite d'une morsure à la main par un chien survenue le 9 décembre 1996 ;
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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 août 2000 sous le n° 00NC01107, présentée pour Mme Anne-Marie X, élisant domicile ..., par Me Remond, avocat ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 29 juin 2000 en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Morez à lui verser une somme de 150 000 F, qu'elle estime insuffisante, en réparation des conséquences dommageables des traitements suivis dans cet établissement à la suite d'une morsure à la main par un chien survenue le 9 décembre 1996 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Morez à lui verser, en sus de la somme allouée par le tribunal, une somme de 351 561 F au titre de son préjudice professionnel avec les intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 1997, ainsi que les intérêts des intérêts ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Morez à lui verser une somme de 8 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Elle soutient que :

- le jugement est contraire aux dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme dans la mesure où la formation de jugement était présidée par le magistrat qui avait rendu l'ordonnance de référé ayant rejeté sa demande d'expertise comptable ;

- comme l'a jugé le tribunal, les erreurs et négligences dans les soins prodigués à la requérante constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'hôpital ;

- en revanche, le tribunal administratif a fait une appréciation insuffisante du préjudice subi par la requérante ; c'est en effet à tort qu'il a reconnu l'absence de lien de causalité entre la faute de l'hôpital et le préjudice professionnel de la requérante ; son indisponibilité pendant quatre mois, qui a entraîné une nette baisse de l'activité de son salon d'esthéticienne et la résiliation des contrats de distribution sélective de parfumerie, l'a contraint en définitive à provoquer la dissolution de sa société et à cesser son activité de gérante salariée à l'âge de 55 ans ; la perte de revenus afférent à la cessation anticipée de son activité avant sa mise à la retraite à 60 ans s'élève à somme de 351 561 F ;

Vu le mémoire en défense , enregistré le 20 décembre 2004, présentée pour le centre hospitalier de Morez, représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat ;

Le centre hospitalier de Morez conclut au rejet de la requête de Mme X par les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de la requête, enregistrée sous le n° 00NC01150, qu'il a formée contre ledit jugement ;

Il soutient en outre que la requérante ne saurait réclamer une double indemnisation au titre du préjudice subi ;

II/ Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 septembre 2000 sous le n° 00NC01150, complétée par mémoires enregistrés les 5 décembre 2000 et 20 décembre 2004, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ, représenté par son directeur en exercice, ayant son siège Les Essarts BP N° 85 à Morez Cedex (39403), par Me Le Prado, avocat ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 29 juin 2000, d'une part, en tant qu'il l'a déclaré entièrement responsable du préjudice subi par Mme Y du fait des traitements suivis dans cet établissement et, d'autre part, en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 150 000 F à celle-ci en réparation du préjudice corporel et une somme de 41 613,29 F à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura au titre des débours exposés par cette dernière ;

2°) de rejeter les demandes de Mme Y et de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'hôpital ne saurait prendre en charge le préjudice résultant directement de la morsure du chien, sa responsabilité étant limitée à l'aggravation de l'état de santé de la requérante ; d'ailleurs, Mme Y a intenté une action devant le juge judiciaire à l'encontre du propriétaire du chien et obtenu à cet effet une mesure d'expertise médicale et comptable ;

- le préjudice financier et professionnel invoqué ne saurait être imputé à l'hôpital dès lors que la dégradation de l'activité de la société Fam Institut qui exploite le magasin géré par Mme Y est antérieure à l'accident ; plus généralement, le lien de causalité entre le préjudice professionnel et les complications infectieuses n'est pas établi ;

- en tout état de cause, ce chef de préjudice est nécessairement affecté par le partage de responsabilité entre l'hôpital et le propriétaire du chien et devra être réduit au vu du rapport d'expertise à intervenir ;

- l'indemnité de 150 000 F allouée par les premiers juges est excessive ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2001, présenté pour Mme Y par Me Remond, avocat ;

Mme Y conclut :

- au rejet de la requête susvisée formée par le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ ;

- à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à lui verser, en sus de la somme allouée par le tribunal, une somme de 351 561 F au titre de son préjudice professionnel avec les intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 1997 ainsi que les intérêts des intérêts ;

- à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à lui verser une somme de 8 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Elle soulève à cet effet les mêmes moyens que ceux présentés à l'appui de sa requête susvisée n° 00NC001107 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2001, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Jura, représentée par son directeur en exercice, par Me Paris et Me Paraiso, avocats ;

La caisse primaire d'assurance maladie du Jura conclut :

- à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à lui payer une somme de 42 994,06 F avec les intérêts légaux à compter du 17 janvier 1997 ainsi que les intérêts des intérêts au titre des débours qu'elle a exposés à la suite de l'accident dont a été victime Mme Y ;

- à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à lui payer une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal administratif a commis une erreur en fixant le montant des débours litigieux à la somme de 41 613,29 F ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2005 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Remond de la SCP Converset, Letondor, Goy-Letondor, Remond, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par jugement du 29 juin 2000, le Tribunal administratif de Besançon a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à verser à Mme X une somme de 150 000 F en réparation des conséquences dommageables des traitements suivis dans cet établissement à la suite d'une morsure à la main par un chien survenue le 9 décembre 1996 ; que Mme X, d'une part, et le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ, d'autre part, relèvent appel dudit jugement ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées présentées respectivement par Mme X et le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que le jugement du Tribunal administratif de Besançon, qui notamment met à la charge de l'hôpital l'indemnisation du préjudice résultant des complications infectieuses de la morsure et des amputations de l'index , lesquelles sont imputables aux erreurs et négligences dans les soins prodigués , et excluant par ailleurs de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie les débours qui sont la conséquence directe de la seule morsure du chien , a énoncé les considérations de fait et de droit qui servent de fondement à sa décision ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ, le jugement doit être regardé comme suffisamment motivé ;

Considérant, en second lieu, que Mme X soutient que le tribunal administratif aurait méconnu le principe d'impartialité posé par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme au motif que le président de la formation de jugement avait auparavant rejeté par une ordonnance du 18 juin 1999 une demande d'expertise comptable formée par la société Fam Institut aux fins de déterminer le préjudice financier lié à l'indisponibilité de Mme X, sa gérante ; qu'eu égard à la nature de l'office attribué au magistrat appelé à statuer sur une demande de référé tendant à prescrire une mesure d' expertise sur le fondement des dispositions de l'article R. 128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur et dès lors qu'il n'apparaît pas qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige, la circonstance que le même magistrat se trouve ultérieurement amené à se prononcer en tant que juge du principal sur le litige considéré est par elle-même sans influence sur la régularité de la décision juridictionnelle statuant au fond ; que par suite le moyen susmentionné de Mme X, qui n'établit pas ni même n'allègue que le magistrat concerné serait allé au-delà de ce qu'impliquait l'office du juge des référés, ne peut qu'être écarté ;

Au fond :

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a été soignée au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à la suite d'une morsure de chien au niveau de l'index le 9 décembre 1996 ; qu'elle a dû être admise le 14 décembre 1996 au centre hospitalier universitaire de Besançon pour y subir une exploration et désinfection sous anesthésie générale aux fins de traitement de l'infection de la plaie ; que l'intéressée a fait l'objet le 27 décembre 1996 d'une première amputation d'une phalange, puis d'une amputation totale du doigt le 22 janvier 1997 ; qu'il n'est pas contesté en appel par ledit hôpital que les soins prodigués par ses services n'ont pas été donnés conformément aux règles de l'art, dès lors notamment qu'ils ont consisté à suturer la plaie sans avoir au préalable procédé aux explorations et lavages internes nécessaires ainsi qu'à la reconstruction pédiculaire ; qu'il n'est pas davantage contesté par l'hôpital de Morez que le traitement antibiotique pratiqué par ses services lors des visites ultérieures de Mme X n'était pas approprié à la gravité de l'infection, dès lors que le tableau infctieux justifiait une intervention chirurgicale urgente sous anesthésie et garrot ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges, que ces erreurs et négligences fautives ont entraîné une infection généralisée du doigt puis sa nécrose et, par suite, son amputation ; que si la morsure dont a été victime Mme X est à l'origine de la plaie et de la fracture ouverte dont s'agit, l'hôpital de Morez ne saurait toutefois se prévaloir du fait fautif imputable au propriétaire du chien, dès lors que les séquelles liées aux complications infectieuses et aux amputations ont pour cause directe et déterminante la faute commise par le service public hospitalier ; qu'il suit de là que le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ n'est fondé ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables desdites complications infectieuses, ni à demander la réduction de l'indemnité accordée à Mme X à due concurrence de la part de responsabilité laissée à la charge du propriétaire du chien ;

Sur le préjudice :

Considérant que Mme X demande la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à lui verser, en sus de la somme de 150 000 F allouée par le tribunal au titre de son préjudice corporel, une somme de 351 561 F au titre de son préjudice professionnel lié à la cessation définitive de son activité ; que si l'indisponibilité temporaire de Mme X, gérante de la société Fam Institut qui exploitait l'institut de beauté et le magasin de parfumerie considérés, a pu contribuer dans une certaine mesure à accroître les pertes de la société au titre de l'exercice 1996/1997, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment à la fragilité de la situation financière de la société, dont le chiffre d'affaire accusait antérieurement à l'accident une baisse significative entre 1994 et 1996, qu'un lien direct de causalité entre, d'une part, la faute du service public hospitalier et, d'autre part, la dissolution de la société en septembre 1998 et la cessation d'activité anticipée de Mme X, puisse être regardé comme établi ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le lien de causalité entre la faute du service public hospitalier et le préjudice professionnel allégué n'était pas établi ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura :

Considérant que pour conclure à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ à lui payer une somme de 42 994,06 F au titre des débours qu'elle a exposés à la suite de l'accident dont a été victime Mme X, la caisse primaire d'assurance maladie du Jura fait valoir que le tribunal administratif aurait commis une erreur en fixant le montant des débours litigieux à la somme de 41 613,39 F ; que, cependant, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, la somme de 42 994,06 F inclut les frais médicaux concernant les premiers soins prodigués le 9 décembre 1996 par le service des urgences de l'hôpital de Morez, lesquels soins ne résultent pas des agissements fautifs de hôpital mais sont exclusivement la conséquence de la morsure dont a été victime Mme X ; que, dans ces conditions, en l'absence de toute précision apportée sur ce point par la caisse primaire d'assurance maladie, il y a lieu de limiter la créance globale de la caisse à ladite somme de 41 613,39 F telle qu'elle résulte de l'attestation en date du 2 décembre 1997, seul document produit pas la caisse permettant de faire le départ entre les frais médicaux exposés à l'occasion des soins que Mme X aurait dû subir en tout état de cause à la suite de l'accident dont elle a été victime et ceux qui sont la conséquence des agissements fautifs du service public hospitalier ; que, par suite, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions susmentionnées présentées respectivement par Mme X, par le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ et par la caisse primaire d'assurance maladie du Jura doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme X, par le CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ et par la caisse primaire d'assurance maladie du Jura doivent dès lors être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes susvisées de Mme X et du CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura, sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, au CENTRE HOSPITALIER DE MOREZ et à la caisse primaire d'assurance maladie du Jura.

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00NC01107...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC01107
Date de la décision : 24/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : CONVERSET LETONDOR GOY-LETONDOR REMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-02-24;00nc01107 ?
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