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10/01/2005 | FRANCE | N°99NC02090

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 10 janvier 2005, 99NC02090


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 septembre 1999 sous le

n° 99NC02090, complétée par mémoire enregistré le 27 août 2002, présentée pour M. Alain X, élisant domicile ..., par la SCP d'avocats Claude et Angeli ;

M. X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 8 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a fait droit à sa demande de condamnation de La Poste à lui verser diverses indemnités qu'à hauteur d'un montant de 10 000 F en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'exi

stence ayant résulté de la situation irrégulière de non-affectation dans laquelle il ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 septembre 1999 sous le

n° 99NC02090, complétée par mémoire enregistré le 27 août 2002, présentée pour M. Alain X, élisant domicile ..., par la SCP d'avocats Claude et Angeli ;

M. X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement en date du 8 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a fait droit à sa demande de condamnation de La Poste à lui verser diverses indemnités qu'à hauteur d'un montant de 10 000 F en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ayant résulté de la situation irrégulière de non-affectation dans laquelle il a été placé de septembre 1996 à mai 1998 ;

2°) - de condamner La Poste à lui verser, dans le dernier état de ses conclusions :

- 21 753,27 euros au titre des pertes de primes,

- 2 954,45 euros au titre de la perte de complément indemnitaire,

- 2 744,08 euros au titre de la perte du complément bi-annuel,

- 10,37 euros par mois écoulé depuis janvier 1996 pour la perte de l'abonnement téléphonique,

- 57,17 euros par année écoulée depuis 1996 pour la perte dans unités gratuites de téléphone,

- 1 704,44 euros au titre de la perte des primes de guichet,

- 174 026 euros au titre des pertes de primes à subir jusqu'à sa retraite,

- 218 934 euros au titre du préjudice moral ;

3°) - la condamnation de La Poste à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le conseil de discipline s'est abstenu irrégulièrement de statuer sur sa situation en méconnaissance de l'article 9 du décret du 25 octobre 1984 qui prévoit un délai limité à deux mois en cas d'enquête complémentaire ; les poursuites pénales n'empêchaient pas la procédure disciplinaire de se poursuivre et seul un vote à la majorité des membres du conseil de discipline pouvait autoriser qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal ; au demeurant, l'instance pénale n'était pas ouverte à la date à laquelle le conseil de discipline s'est réuni ;

- l'enquête préalable à la saisine du conseil a manqué d'impartialité et il n'a pas eu communication de son dossier ;.

- les faits soumis au conseil de discipline du 29 avril 1997 sont, sauf la pièce n° 5 qui comporte une erreur matérielle, amnistiés par la loi n° 95-384 du 3 août 1995 portant amnistie présidentielle ; le conseil s'est donc réuni illégalement ;

- il devait être rétabli dans ses fonctions à Luxeuil à l'issue de la suspension ; il a été muté d'office à Saint-Loup-sur-Semouse, ce qui constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- la suspension prononcée le 16 mars 1995 a illégalement été prolongée du 15 août 1995 au 11 mai 1998, soit 33 mois ;

- ces irrégularités lui ont fait perdre le bénéfice des primes et avantages afférents à l'exercice des fonctions et fait supporter des frais d'éloignement et un préjudice moral ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2002, présenté par La Poste ;

La Poste conclut :

- à ce que la Cour prononce la réformation partielle du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 000 F à M. X ;

- à sa confirmation pour le surplus ;

- à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 2 735 euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires formulées dans le mémoire du 6 janvier 1999 sont irrecevables à défaut d'avoir été préalablement portées devant l'administration ;

- l'existence de poursuites pénales autorisait que la suspension durât plus de quatre mois ; or, une enquête préliminaire a été ouverte en 1995 et une information judiciaire le 24 février 1998 ;

- les faits constituant un manquement à la probité étaient insusceptibles d'être amnistiés ;

- le requérant a bien eu communication de son dossier, sans que cela soit nécessaire avant une suspension ;

- le conseil de discipline a pu décider de surseoir à statuer dans l'attente du jugement et La Poste était fondée à attendre l'issue du procès pénal afin d'éviter une contrariété de décision ; cette situation n'a pas préjudicié à l'agent à qui a été maintenu son traitement ;

- M. X n'a pu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, manifester son désir de reprendre le service alors qu'il était en permanence placé en maladie ;

- l'administration avait, à l'issue de la suspension, la faculté de changer l'affectation de

M. X dans l'intérêt du service, existant en l'espèce compte tenu des griefs adressés à l'agent ; au demeurant, son poste avait été entre-temps supprimé ;

- l'agent n'a en tout état de cause pas droit, en l'absence de service fait, aux primes et avantages liés à l'exercice effectif des fonctions ; M. X était durant la période litigieuse soit en congé maladie, soit incarcéré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance en date du 29 septembre 2004 fixant la clôture d'instruction au 20 octobre 2004 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2004 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de M. X et de Me Levy, avocat de La Poste,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête de M. X et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité :

. En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que M. X soutient que les faits soumis au conseil de discipline du 29 avril 1997 étaient, sauf la pièce n° 5 qui comporterait une erreur matérielle, amnistiés par la loi n° 95-384 du 3 août 1995, qu'aux termes de cette loi : Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles (...) / Sauf mesure individuelle accordée par décret du président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article, les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur (...) ; que les faits soumis à l'instance disciplinaire et consistant en détournement de fonds par perception de commissionnement indu, falsification de résultats commerciaux et mise à profit de ses fonctions pour réaliser des opérations à caractère privé consistaient en des manquements à la probité ou à l'honneur ; qu'ils n'étaient donc pas susceptibles de bénéficier de l'amnistie prévue par l'article 14 de la loi du 3 août 1995 et La Poste n'a donc pas commis de faute en les soumettant au conseil de discipline ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 84-961 susvisé du

25 octobre 1984 : S'il ne se juge pas suffisamment éclairé sur les circonstances dans lesquelles ces faits se sont produits, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, ordonner une enquête ; qu'aux termes de l'article 9 du même texte : le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Ce délai est porté à deux mois lorsqu'il est procédé à une enquête. Les délais sus-indiqués sont prolongés d'une durée égale à celle des reports des réunions du conseil intervenus en application du deuxième alinéa de l'article 4 du présent décret ou du deuxième alinéa de l'article 41 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 susvisé. Lorsque le fonctionnement fait l'objet de poursuites devant un tribunal répressif, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal. Si, néanmoins, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire décide de poursuivre cette procédure, le conseil doit se prononcer dans les délais précités à compter de la notification de cette décision ; qu'il résulte de l'instruction que le conseil de discipline a, à l'issue de sa réunion du 29 avril 1997, ordonné une enquête pour établir la véracité des faits qui lui étaient soumis ; que l'engagement des poursuites pénales est intervenu postérieurement, suite à une plainte de tiers déposée le 14 août 1997, sans que le conseil de discipline ait alors décidé de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal ; que dès lors que l'administration n'a procédé ni à une mise en demeure du conseil de statuer, ni même à l'enquête complémentaire ordonnée par celui-ci, elle doit être regardée, au-delà d'un délai raisonnable en l'espèce écoulé, comme ayant implicitement mais nécessairement décidé d'abandonner les poursuites et renoncé à infliger une sanction au fonctionnaire concerné ; que cette abstention n'est pas en elle-même constitutive d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à la supposer établie, la circonstance que M. X n'aurait pas bénéficié d'une enquête impartiale ni de la communication de son dossier avant

la réunion du conseil de discipline est, en tout état de cause, sans lien avec les préjudices qu'il invoque ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire (...), l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, qui saisit sans délai le conseil de discipline./Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement (..) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions (...) ; que M. X expose qu'alors qu'il devait être rétabli dans ses fonctions à Luxeuil le 18 mai 1998 à l'issue de sa suspension de fonctions, il a été muté d'office à Saint-Loup-sur-Semouse, à soixante kilomètres de son domicile, ce qui constitue une sanction disciplinaire déguisée ; que, d'une part, l'administration n'a aucune obligation de réaffecter le fonctionnaire dans l'emploi détenu au moment où est intervenue la suspension mais simplement de lui garantir une affectation conforme à son statut ; que, d'autre part, compte-tenu de la nature des griefs adressés à l'intéressé, l'intérêt du service justifiait un fort éloignement de M. X de son précédent poste ; que cette affectation est conforme au grade détenu par l'agent et la perte de primes alléguée n'est pas démontrée ; que M. X n'est dès lors pas fondé à soutenir que son affectation serait illégale ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant que pour réparer le préjudice résultant pour M. X de la prolongation illégale de sa suspension de fonctions, correspondant à la période postérieure au 31 août 1996, la période antérieure étant indemnisée par le jugement définitif du même tribunal du 22 mai 1997, celui-ci a condamné La Poste à lui verser un montant de 10 000 F au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

Considérant que la réparation due au requérant ne peut comprendre le montant des primes ou celui représentatif des avantages liés à l'exercice effectif des fonctions ; que compte-tenu des circonstances de l'espèce, notamment la réalité, révélée par les condamnations pénales dont il a fait l'objet, des fautes commises par M. X, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice indemnisable invoqué en l'évaluant à la somme de 1 524 euros ; qu'il y a lieu, par suite, de confirmer le jugement attaqué et de rejeter les conclusions de la requête et les conclusions reconventionnelles de La Poste ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de mettre à la charge de M. X la somme de 1 500 euros que demande La Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à M. X la somme qu'il demande au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles de La Poste sont rejetées.

Article 3 : M. X versera une somme de 1 500 euros à La Poste au titre de l'article L. 761-l du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain X et à La Poste.

2

N° 99NC02090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC02090
Date de la décision : 10/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : ANGELI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-01-10;99nc02090 ?
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